Après le mois de juin 2023 le plus chaud de l’histoire de l’humanité, des records de chaleur ont été battus cet été en France pour atteindre plus de 40° Celcius ici et là et là. Une température de 40° – sous abri, comme disent les augures de la météo – cela signifie des températures qui peuvent atteindre jusqu’à 50° dans des appartements mal conçus, ces derniers se comptant en millions d’unités de vie. Défi social ?
En 2023, nous en sommes peu ou prou à deux ou trois canicules de cinq à sept jours par an, ce qui permet encore une gestion épisodique de ces évènements, i.e. souffrir en silence. Mais, d’ici quelques années, il fera entre très chaud et très, très, chaud du 15 mai au 15 septembre, les canicules, entrecoupées d’orage dévastateurs, pouvant durer des semaines.
Combien de temps les gens, les locataires notamment, pourront-ils alors supporter la fournaise à 50° dans la chambre de bébé avant de refuser de payer les loyers d’appartements invivables ? Logement social ou privé, les juges, estimant de fait cet habitat indigne, seront enclins à leur donner raison. Cela vaut aussi sans doute pour les invasions de moustiques et punaises de lit…
Comme l’explique à Chroniques un bailleur social : « L’enjeu pour ces dix prochaines années, c’est le droit au logement, l’insertion par le logement, le droit à la ville et, surtout, le droit à un accès à l’énergie et un accès à la transition écologique qui soit solidaire. Cela n’est vraiment pas évident parce que cela a un coût et que nous sommes déjà sur des modèles économiques tendus ».
La problématique sera la même dans le secteur privé : soit investir massivement pour des résultats au mieux aléatoires en fonction de futurs climats incertains, soit voir leurs locataires cuits au four, ou si l’humidité atteint 70 ou 80%, au bain-marie.
La classification par lettres et codes couleurs – comme à la maternelle – n’y changera rien. Les logements neufs ne représentent qu’une infime partie du parc immobilier et, vendus souvent en VEFA, ne présentent guère de garanties d’un confort quelconque en France à +4°, le réchauffement prévu comme nous a prévenu en mai 2023 Chistophe Béchu, ministre de l’Ecologie.
Bref, en neuf ou en rénovation, il est de plus en plus difficile de faire du logement, ce qui se traduit notamment dans la non-atteinte des objectifs : malgré la politique de l’offre de Vulcain ex-Jupiter,* jamais la France n’a construit si peu de logements que ces dernières années.
Il y a certes plusieurs raisons à cela : la contraction de l’économie dans une politique à court terme, l’augmentation des coûts de construction, l’inflation qui contraint les budgets des maîtres d’ouvrage et des clients, les difficultés à recruter dans les entreprises de construction, les banques frileuses qui, en tout état de cause, livrées à elles-mêmes ne sauraient être garantes de l’intérêt général, etc. Bref, c’était déjà compliqué de construire ou rénover du logement social, quand se rajoute désormais à la pusillanimité des politiciens et la performance environnementale, c’est d’évidence encore plus compliqué et onéreux.
Alors quoi ?
Se hâter sans doute mais, à ce jour, pour le gouvernement, se hâter prudemment. Au sujet des logements devenus bouilloires, Patrice Vergriete, nouveau ministre du Logement depuis le 20 juillet 2023, indique ainsi (Le Parisien 25/08/2023) être « en train de regarder pour prendre en compte dans MaPrimeRénov existante des types de travaux permettant de renforcer le confort d’été dans les logements, comme ce qui se fait outre-mer avec les toits surventilés ». Saluons ici l’expertise es toitures surventilées du ministre. Sinon, c’est vrai, depuis huit ans que Vulcain ex-Jupiter est au pouvoir, prendre en compte le confort d’été dans les subventions d’Etat pour le logement, il fallait y penser. D’ailleurs, les vingt années les plus chaudes de l’histoire ont eu lieu durant notre seul XXIe siècle et personne au gouvernement ne l’avait encore remarqué. Merci donc M. Vergriete !
Dans le même entretien, le ministre, décidemment au four et au moulin, se dit « inquiet » des rénovations difficiles à mettre en œuvre dans les copropriétés dégradées ou mal isolées. La preuve, « on regarde comment faciliter les rénovations pour tenir le calendrier fixé (de 2023 à 2024 selon la taille) en développant des offres de financement plus simples à mobiliser », dit-il.
Nous voilà rassurés ! Parce que le temps que le ministre du Logement – le quatrième en six ans – « regarde et regarde encore » et réfléchisse sans doute, et se préoccupe du confort d’été des habitants du pays, la France a le temps de gagner encore 0,5° et d’enterrer deux autres ministres.
Ils sont pourtant des exemples de réussite d’une politique écologique planétaire ambitieuse, celle de l’interdiction des CFC (chlorofluorocarbures) responsables du trou dans la couche d’ozone notamment. Souvenez-vous comme ce trou béant dans l’atmosphère, pourtant invisible à l’œil nu, a bien fait flipper la planète entière. Comme les rayons UV ne font pas dans la discrimination, les décideurs du monde entier, quels que soient leurs régime ou religion, pour ne pas se retrouver aveugles et le visage plein de pustules après un week-end sur la côte, ont pris des décisions drastiques et sages. Depuis, le trou dans l’ozone se résorbe un peu plus chaque année et les enfants d’aujourd’hui n’en ont même jamais entendu parler. Pourtant, qui se souvient que des marchands de frigidaires, gros utilisateurs de CFC à l’époque, n’aient jamais fait faillite ?
Idem avec Le premier ‘Clean Air Act’ de 1956, à Londres, qui a permis de faire disparaître le Smog. Le ‘Clean Air Act’ des Américains en 1970 a eu lui aussi des résultats probants et les économies de ces deux pays ne se sont pas effondrées pour autant. Il n’est donc pas interdit d’améliorer l’état de la planète et pour l’industrie de s’adapter.
Dit autrement, une action cohérente et globale à court, moyen et long termes – une politique en somme – peut donc œuvrer à éviter le pire. Encore faudrait-il au sommet de l’Etat une intelligence qui ne soit pas artificielle !
Car le risque est que, pendant ce temps-là, le business de la peur, toujours profitable, ne soit récupéré par les populistes, lesquels ne se cachent même plus pour enrichir leur clan le plus rapidement possible au détriment du pays afin de pouvoir rejoindre la planète Mars et sauver leurs enfants. C’est généralement ce qui se passe en temps troublé.
Si la « précarité » est n’avoir pas accès à l’énergie et aux ressources suffisantes pour vivre correctement, alors il y a fort à parier de bientôt voir apparaître une redéfinition de ce que signifie « ressources suffisantes ». Si en 2030 nous avons déjà, contraints et forcés, pris l’habitude de n’avoir que six heures d’électricité par jour, trois douches de cinq minutes par semaine et des moustiquaires à chaque fenêtre, ce sera la preuve que ce qui est « suffisant » à nos yeux en 2023 est une notion floue.
Alors s’il devient bientôt impossible d’agir sur des millions de logements devenus « indignes », peut-être faut-il anticiper et construire d’ores et déjà des lieux frais l’été et chauds l’hiver, sans ni chauffage ni climatisation s’entend. Ainsi, puisque chaque année est peu ou prou plus chaude que la précédente, en cas de canicule, durable ou non, plutôt que d’inviter comme aujourd’hui les gens à se réfugier dans les grandes surfaces ou les magasins à l’air conditionné pour que l’humanité surchauffée puisse au frais continuer à consommer encore, pourquoi ne pas d’ores et déjà prévoir d’immenses espaces publics souterrains, dans lesquels la population pourra trouver refuge ?
Les rois et princes avaient bien évidemment leurs palais d’été et effectuaient deux fois l’an avec la cour une sorte de transhumance pour traverser confortablement les fortes chaleurs. Pourquoi, la mer devenue brûlante et l’air irrespirable, les citadins n’auraient-ils pas de lieux au frais où se réfugier aux heures les plus chaudes, voire partir en vacances ou pour le week-end ? Pourquoi pas une série d’hôtels ou ‘campings’ 3, 4 ou 5 étoiles et d‘équipements et d’espaces publics habilement édifiés dans les troglodytes dont le pays ne manque pas ou dans le gouffre de Cabrespines (Aude) par exemple, lequel peut contenir rien moins que dix arcs de triomphe (sans parler des salles encore à développer) ?
Mieux que des ruines cramées sous le soleil, voilà des exemples d’architecture contemporaine et audacieuse qui ne manqueraient pas d’exciter la curiosité des touristes et de faire la fierté des Français visionnaires, le pays devenu celui des Lumières… artificielles.
Christophe Leray
*Lire notre article : Emmanuel Macron ou le ruissellement qui remonte la pente