Que peut bien faire un photographe confiné ? Chacun le sait, les photographes d’architecture, voyageurs impénitents, sont de partout et de nulle part.
Si chaque photographe est maître de ses passions, voire de ses obsessions, s’il n’y prend pas garde, dans un magazine d’architecture, son talent devient au fil du temps tout entier au service d’une agence, d’un architecte, d’un bâtiment.
Ce pourquoi chacun(e) disposait ici d’une carte blanche. Le cahier des charges tenait en quelques mots : une dizaine d’images et raconter une histoire qui n’appartient qu’à soi. Cette édition spéciale est le fruit de leur interprétation et de leur créativité. De toute façon les photographes ne font jamais que ce qu’ils veulent.
En ce printemps 2020, la contrainte du confinement est tapie en filigrane dans chacune de ces chroniques. D’ailleurs, à y regarder attentivement, parfois ce ciel au bleu soutenu, libéré des effluves jaunâtres de la pollution et des stries des jets intercontinentaux, est exactement celui que voyait l’homme de Neandertal. La profondeur de champ de la photographie n’est plus à démontrer.
Le plus souvent cependant, les photographes proposent ici une mise en abîme de la pandémie – la série et le poème d’Anthony Folliau consacrés au métro parisien en étant peut-être le raccourci le plus saisissant – quand ce n’est pas une fuite en avant avec l’optimisme et la foi en l’homme chevillés au téléobjectif.
Si, à la fin, même les photographes d’architecture doivent rentrer à la maison, il n’est jamais question pour eux d’y rester. Ce confinement, tel qu’ils l’ont vécu, ne se reproduira sans doute jamais plus. Il rend toutes les histoires de ces témoins discrets, habituellement peu bavards mais toujours bienveillants, d’autant plus précieuses.
Merci encore aux photographes d’architecture sans lesquels nous serions aveugles.
Christophe Leray