L’an qui s’achève, entre guerres et catastrophes si peu naturelles, est d’un drôle de genre. En tout cas, bas carbone, certainement pas.
Souvenez-vous : à l’automne 2020 dans le cadre de la loi de Finances, une enveloppe importante était dédiée pour « développer une stratégie de recherche au sein du ministère de la Culture durant la période 2021-2025 ». Il ne s’agissait pas d’une grande avancée mais du simple respect des engagements pris par le ministère de la Culture en 2018. Quatre ans plus tard, la cohérence de la politique publique en matière de recherche architecturale, urbaine et paysagère saute aux yeux.
Souvenez-vous : il y a quatre ans également, la Loi ELAN, destinée à « construire mieux, plus vite et moins cher ». Tout le monde voit bien aujourd’hui la grande réussite de ce dessein présidentiel tout à fait désintéressé.
S’il n’y avait que cela concernant l’impéritie de notre élite politique ! Désormais n’importe quel élu doté du brevet peut expliquer aux architectes, qui ont fait cinq voire six ans d’études et comptent plus de dix ans d’expérience, quel matériau ils doivent utiliser, de quelle couleur, de quelle source. Pendant que les non-sachants font ainsi leur liste de courses bienpensante et paresseuse – réemploi, biosourcé, bois, paille, toit végétalisé, toilettes sèches et crottin de cheval – le sachant qui ne coche pas toutes les cases n’a aucune chance d’être retenu. Ce qui oblige des architectes très intelligents à se faire passer pour des imbéciles s’ils veulent travailler.
Sans même parler de cette notion de bilan carbone que personne ne sait calculer sinon pour servir ses intérêts propres. La preuve, quel est le bilan carbone du Colisée à Rome ? Voyons : il a été construit avec de la pierre délivrée par bateaux en circuit court, pierre géo-sourcée qui a été réemployée durant des siècles ; le chantier n’a utilisé que de l’énergie animale, y compris celle de milliers d’esclaves qui ne mangeaient de la viande qu’une fois par semaine, et encore, et s’éclairaient à la bougie. Zéro déchet ou presque pour ceux-là ! Mais des jeux, déjà ! Deux mille ans plus tard, quel est le bilan carbone du Colisée comparé par exemple à une voiture autonome, électrique et climatisée de dernière génération en roue libre au Qatar ? Ou à celui d’un bâtiment en bois et paille place des Victoires à Paris ?
Où commence et où finit donc le bilan carbone d’un bâtiment ? Sur la table à dessin ? Au bout de 50 ans ? 100 ans ? Et ce bâtiment, pour le construire faut-il mieux un architecte ou un écologue ?
Bref, face aux forces inertes, sinon mauvaises, qui les assaillent de toute part, considérant l’ampleur et la difficulté de leur tâche, il faudra donc encore, demain plus qu’hier, aux hommes et femmes de l’art s’accrocher à leurs valeurs universelles et ne pas céder aux sirènes du découragement.
En attendant, cette année 2022, comme les précédentes, a le mérite d’avoir été ! Voici donc, en 41 articles, de l’architecture en France quelques faits et gestes contemporains.
Toute la rédaction vous souhaite de bien joyeuses fêtes. Rendez-vous en 2023.
Merci de votre fidélité.
Christophe Leray
Rédacteur en chef
> Retrouvez notre Edition Spéciale l’Année 2022 en 41 articles