Pour le groupe Galeries Lafayette maître d’ouvrage, Manuelle Gautrand Architecture a livré en 2023 la restructuration des Nouvelles Galeries d’Annecy (Haute-Savoie). En centre-ville, l’architecte a ajouté des satellites à la « soucoupe volante ». Surface SPD finale : 27 500 m² ; montant des travaux : 45 M€ HT. Communiqué.
Le projet consistait en la restructuration et extension du grand magasin des Galeries Lafayette d’Annecy par la création d’un « mal » et de petites et moyennes surfaces de commerce, la restructuration d’un parking quasi unique au monde et l’aménagement paysager.
Un grand magasin au centre d’Annecy
Le bâtiment des Galeries Lafayette d’Annecy fait partie de ces patrimoines architecturaux inattendus et presque impertinents, dans une ville pourtant relativement homogène, marquée par une histoire unique.
Conçu dans les années soixante-dix, le bâtiment est posé sur le site de manière totalement indépendante, sans aucune recherche contextuelle, ni de forme, d’alignement, ou encore de densité. C’est peut-être là sa force : Il a marqué le site d’une empreinte audacieuse, mais il a aussi marqué les mémoires, au point de faire dorénavant partie de la liste des bâtiments remarquables du XXe siècle.
C’est que le projet à l’époque était ambitieux. Autour du bâtiment des Galeries Lafayette venait s’enrouler un double anneau de parking de forme parfaitement circulaire, venant en tangence parfaite aux quatre coins du volume carré des Galeries : ces deux niveaux de parkings s’installaient en hauteur, plantés sur des pilotis réguliers, qui permettaient de laisser passer les piétons venant à pied vers les façades en retrait des surfaces commerciales. L’arrivée à pied se faisait donc en passant sous le parking pour accéder aux entrées du magasin… ce n’était donc en aucun cas une entrée mise en valeur et conviviale.
En réalité, le fonctionnement privilégiait largement l’arrivée en voiture, les usagers venaient se garer sur l’un des anneaux de parking, avant de rejoindre directement les surfaces commerciales depuis ces surfaces austères.
Le rapport à l’espace urbain alentours était aussi délicat : ces formes circulaires du parking, installées au centre du terrain, évitaient tout alignement avec les bâtiments qui leur faisaient face de l’autre côté des rues ; ce parking aérien « rond », très volumineux était véritablement le premier élément visible lorsqu’on arrivait à proximité, un élément hors d’échelle et qui ne cherchait donc aucun dialogue avec le contexte urbain environnant.
Malgré cette absence de « politesse » vis-à-vis du contexte, le résultat était surprenant tout autant qu’attachant : le symbole d’une époque en quelque sorte, avec une certaine beauté, malgré son isolement, une certaine puissance et radicalité.
L’ouvrage est devenu au fil des décennies une forme de patrimoine auquel les Annéciens étaient très attachés : il est un point de repère fort dans la ville, et il est assumé comme ce patrimoine typique des années ‘70-80 qu’il fallait donc conserver.
« Nous avons donc à la fois restructuré fortement certaines des surfaces existantes pour les moderniser, mais également créé une grande extension destinée à abriter une quarantaine de boutiques et restaurants, venant compléter les surfaces et l’offre des Galeries Lafayette », explique Manuelle Gautrand.
Les satellites accueillent les nouvelles boutiques
« Face à ces formes circulaires très présentes, nous n’avons pas voulu les nier, mais au contraire travailler sur des volumétries venant en extension qui soient également circulaires. La perception finale n’est pas celle d’un bâtiment existant « années soixante-dix » et de son extension déconnectée, mais au contraire d’une architecture unitaire, totalement revisitée et contemporaine », poursuit-elle.
Le parking existant, installé sous cette forme d’anneau composé des deux niveaux de parking, posés sur pilotis, est conservé : sa courbe fédère le projet tout entier, et c’est tout naturellement qu’en sa sous-face est inséré le mail de desserte des Nouvelles Galeries, ainsi que la majeure partie des espaces communs.
À partir de ce mail fédérateur, ce sont plusieurs volumétries circulaires qui viennent se glisser par-dessous et par-dessus les volumes existants du parking en anneau : Ils sont comme des satellites, fins et cristallins, qui se démultiplient au contact de ces anneaux. Ils possèdent des diamètres variables, et viennent la plupart du temps en tangence le long des bordures du site pour venir au contact des rues, rendre le projet plus visible et plus chaleureux : ce ne sont plus les anneaux de parking, reculés au centre du site, qui forment la première partie visible du projet, mais bien des vitrines, des entrées, et des terrasses de cafés, qui viennent chercher les publics et les attirer.
Ce sont précisément cinq satellites bâtis qui se disposent en grappes autour des volumes existants, le long des façades ouest, sud et sud/est. Ils forment désormais une sorte de constellation de volumes circulaires, où l’on finit par ne plus distinguer les volumes historiques des volumes neufs : le projet prend une nouvelle ampleur et donne tout entier l’impression d’une grande modernité.
« C’est ce que nous souhaitions : fondre le neuf dans l’existant, ne pas chercher de distinction stylistique, ne pas hiérarchiser : faire un tout, iconique et en même temps extrêmement humain et chaleureux », souligne l’architecte.
Sur la façade ouest les satellites sont assemblés deux par deux, l’un étant posé sur l’autre de manière légèrement décalée : ce glissement entre les deux est mis en valeur par le jeu de dalles continues qui les supportent. Le satellite supérieur se trouve toujours en porte-à-faux par rapport au satellite inférieur pour accentuer cette impression de légèreté et de dynamisme.
Ce désaxement des deux satellites hauts et bas permet également de créer des terrasses accessibles sur les toitures, tandis que des surfaces protégées du soleil s’organisent en sous-face.
Entre chaque grappe de satellites se trouve une entrée générale au mail, mise en valeur par les courbes qui se rapprochent et dessinent ainsi des formes de conques propices à l’accueil des publics. Elles sont de véritables placettes animées, lumineuses et plantées, qui s’implantent aux trois points cardinaux : plein ouest, plein sud et plein est, une manière de se retrouver à l’axe, à chaque fois, du volume central des Galeries Lafayette.