
À Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), pour la ville maître d’ouvrage, l’Atelier Philippe Prost a conçu l’Hydro – Musée maritime de Saint-Malo : un bateau monde. Surfaces : n.c. Budget prévisionnel : 32,70 M€ TTC. Réception prévue : fin 2028. Communiqué.
Le projet architectural
Un musée citoyen, environnemental, accessible à tous et ouvert sur la ville
Le projet recrée du lien entre la vieille ville et les remparts, à travers une continuité d’espaces publics. L’entrée pourra se faire depuis la rue de la Victoire, entrée historique tournée vers l’intra-muros, et depuis la rue du Château Gaillard et les remparts, par un escalier et un ascenseur creusés dans une faille.
L’hospitalité, principe fondateur du programme muséographique et architectural, prend ici une dimension globale, à l’échelle du site. Ce travail de couture urbaine se prolonge au-delà du périmètre opérationnel, avec des espaces publics alentour repensés pour créer de véritables parvis.
Le musée maritime de Saint-Malo sera aussi un lieu en prise avec les préoccupations actuelles de changement climatique et de montée des eaux. À ce titre, il sera un projet bas carbone exemplaire : isolation en chanvre, désimperméabilisation des sols, récupération des eaux pluviales, végétalisation des jardins et toitures, accueil de la biodiversité…


L’architecture de Louis Arretche en héritage
Le site de l’ancienne École nationale supérieure maritime est un site emblématique de la ville : il est probablement, du point de vue architectural et urbain, l’un des îlots les plus intéressants de la reconstruction de Saint-Malo. L’étude historique de l’évolution du site a servi de point de départ au projet architectural. Il s’appuie sur une démarche de compréhension et de valorisation de ce patrimoine du XXe siècle, dernièrement labellisé « Architecture contemporaine remarquable » par le ministère de la Culture. Le projet de Louis Arretche imbriquait déjà démolitions, constructions neuves, réemploi et déplacements : retournement de façade, déplacement des arcades du cloître, réutilisation du rempart… Ces bâtiments n’ont eu de cesse d’évoluer : d’abord couvent, prison, puis école… et musée demain.
La déconstruction du bâtiment accueillant le simulateur est un préalable car sa volumétrie rompt l’harmonie d’ensemble, bouche les vues et perturbe la lecture de la façade historique. Loin de figer ce patrimoine, des opérations contemporaines viennent compléter, découper ou relier l’architecture existante pour accueillir un nouvel usage. L’abaissement du sol de la cour dégage un café avec vue sur mer, le percement d’une faille crée un accès depuis les remparts, l’évocation des arcades du cloître conduit vers l’entrée, et l’ajout d’une passerelle de liaison permet de boucler le parcours. Ces adjonctions viennent connecter et dialoguer avec les volumes de pierre existants. La vigie en porte-à-faux sur les remparts est une citation du projet d’Arretche, dessinée dans les plans initiaux mais jamais réalisée.
Enfin, ce bâtiment atypique a dès l’origine été conçu à l’image d’un bateau, dont il reprenait certains éléments pour former les futurs marins : mâts, vergues, vigie, pont supérieur, cale… Une histoire qui résonne avec le futur du musée maritime de Saint-Malo.


Une scénographie en lien avec le site et l’architecture : un bateau monde
En collaboration avec l’agence Designers Unit, l’Atelier d’Architecture Philippe Prost propose de faire du musée maritime de Saint-Malo un bateau monde : un lieu d’ancrage et de voyage, un vaisseau en partance pour une traversée reliant des horizons et des collections multiples, des émotions aux connaissances. Cette réponse est bâtie sur la rencontre fortuite d’un bateau et d’un musée sur l’éperon de Saint-Malo : d’un côté la silhouette inspirante de l’architecture avec ses allures de vaisseau transatlantique, de l’autre le musée et ses trésors, plein des promesses du voyage. La scénographie, fruit de cette rencontre, propose au public une expérience unique : une traversée à bord d’un bateau monde.
Une promenade architecturale, un jeu sur le parcours, la lumière et le paysage
Le bateau monde propose un parcours dans l’espace et dans le temps, à travers les divers bâtiments de l’ENSM et la succession des séquences muséographiques. Cette promenade architecturale joue avec la lumière, les vues et les ambiances et offre au public une immersion dans un grand conte maritime : des cales aux voiles, des ponts aux entreponts en passant par les coursives, le bateau monde traverse alternativement des espaces confinés ou ouverts, amples ou réduits, lumineux ou sombres, offrant au fil de la visite des vues spectaculaires sur la baie et la ville de Saint-Malo.
La maîtrise de la lumière à travers un jeu d’occultation, de pleins et de vides selon les composantes du programme permet d’assurer des conditions d’expositions et de visite optimales. Les façades vitrées sont réduites à leur plus simple expression, et expriment le programme : là où les espaces nécessitent l’obscurité, les ouvertures sont obstruées par des panneaux en bois plein, réduisant ainsi le nombre de menuiseries extérieures et de surface vitrée à entretenir.
La cour haute, abritée des vents, devient une place urbaine desservant l’accueil et le café du musée. Un jardin de cloître foisonnant profite des conditions climatiques optimales, tout en créant un îlot de fraîcheur. En contrepoint, la miniaturisation d’une « forêt de bois de marine » dans la cour basse vient rappeler le lien qui unit la forêt et la marine.

Parti architectural et patrimonial
Approche historique et patrimoniale
En premier lieu, le choix d’une réhabilitation pour un nouvel équipement représente une posture environnementale forte. Ainsi, à l’échelle du musée maritime, le choix de réutiliser les locaux de l’ancienne École nationale supérieure maritime représente une économie carbone de 2 115 tonnes de CO₂ par rapport à une construction neuve. Le patrimoine n’est pas perçu ici comme une contrainte d’aménagement figée dans le temps mais comme une ressource de projet, source d’inspiration et d’invention, en prise avec son temps.
L’étude du site de l’ENSM révèle une étonnante complexité historique et architecturale. Le projet de Louis Arretche et Roger Hummel, qui s’inscrit après-guerre dans le vaste projet de reconstruction de Saint-Malo, est atypique. Il s’appuie sur un ensemble de bâtiments de l’ancien couvent, de la chapelle et des remparts qu’il repense en profondeur pour y implanter une nouvelle école de la marine marchande, moderne et fonctionnelle. Une grande partie des bâtiments est alors démolie mais les tracés et certaines façades sont conservés. Les arcades du cloître sont déplacées et la façade à arcades de la prison est conservée et retournée : ce qui était la façade intérieure devient la nouvelle façade extérieure du bâtiment A.
Ces tracés et traces sont autant de sources d’inspiration pour le projet du futur musée : la nouvelle clôture reprend le tracé initial en retrait et l’axe des arcades devient la nouvelle rampe d’accès.


Interventions architecturales contemporaines
Avec des interventions architecturales, paysagères et graphiques bien marquées, tout en limitant fortement la construction neuve, le projet vise à transformer radicalement les lieux et à rendre visible cet équipement majeur depuis Saint-Malo.
Quatre nouveaux éléments architecturaux, reliés par une écriture commune verticale et par leur matérialité, viennent ponctuer le projet comme la galerie de liaison sous la forme d’une passerelle en encorbellement entre les bâtiments A et C.
Les deux clôtures, inspirées des brise-lames de Saint-Malo, se présentent sous la forme d’un alignement de piquets en bois peints en noir et blanc. Elles expriment la puissance des éléments, la fonction défensive et l’identité malouine, tout en laissant largement passer la vue et l’air. La clôture haute est équipée d’un système coulissant, permettant de s’ouvrir largement en journée, et de se refermer en période de clôture.
Une passerelle est conçue pour relier les bâtiments A et C, et refermer la boucle du parcours scénographique. Elle constitue le temps fort de la promenade architecturale, et l’élément le plus visible du projet depuis la mer, les remparts et la tour Bidouane. Elle est supportée par des consoles ancrées à la structure en béton des bâtiments, et s’ouvre largement sur le paysage. Le vitrage sera prévu pour éviter la surchauffe, et le barreaudage en bois jouera un rôle de brise-soleil tout en rappelant l’écriture des piquets en brise-lames.
En bout de galerie, une table panoramique, telle une vigie de bateau, permet de découvrir un panorama à 320° sur la ville de Saint-Malo et sa baie. Cet élément neuf reprend l’écriture de Louis Arretche qui avait imaginé, ici même, une vigie vitrée courbe qui n’avait jamais été réalisée.
Du point de vue paysager, trois espaces majeurs sont proposés en lieu et place de la cour minérale actuelle : un jardin de cloître, une forêt miniature de bois de marine et un deck en bois.


La chapelle, inscrite au titre des Monuments historiques
L’aménagement de la chapelle a été pensé comme un projet dans le projet. L’enjeu consiste à équiper cet espace pour les événements tout en gardant l’authenticité et la simplicité des lieux. Deux petits blocs en bois sont glissés sous les tribunes pour accueillir les sanitaires, l’éclairage est repensé intégralement pour mettre en valeur la magnifique charpente en coque de bateau inversée, tout en assurant l’éclairage réglementaire ERP et des volets en bois intérieurs occultants sont ajoutés pour faciliter les projections et améliorer l’acoustique du lieu.