Incendies monstrueux en Californie, la Sibérie en état d’hypothermie, la banquise transformée en glaçon, la France sous la canicule ou noyée sous les inondations… Les nouvelles se suivent et donnent aux informations des airs d’apocalypse. Mais le pire est-il vraiment à venir ?
Sur son piton rocheux, Talmont-Saint-Hilaire, c’est Aigues-Mortes de la Vendée. Le château écroulé que visitent aujourd’hui les touristes, il avait au XIIe siècle un accès à la mer. Aujourd’hui la mer est à 10 km et ne subsistent que les traces des canaux. Apparemment, avec la montée du niveau de la mer, l’ouvrage va s’y retrouver bien vite au bord de l’eau. Et alors ? Tout le monde cherche refuge au château ? Qu’il va falloir reconstruire fissa ?
Selon les prévisions du Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), le réchauffement climatique en cours devrait conduire à une augmentation du niveau moyen des océans de 18 à 60 cm environ pour 2100. Mais le GIEC se montre toujours d’une grande prudence. Voir par exemple sur la photo ci-dessus à quoi ressemblera la Vendée en 2050.
De fait, des 2050, selon une étude de l’association Climate Central (Ouest-France, novembre 2019), Quiberon et Saint-Pierre-Quiberon seront sur une île et le Morbihan sera devenu une plus grande mer. Alors en 2120, dans juste cent ans….
De fait une étude réalisée par une équipe internationale de scientifiques dirigée par l’Université de Bristol (Grande-Bretagne), citée par le site Notre Planète Info (mai 2019), consistait à interroger 22 spécialistes des calottes glaciaires pour évaluer l’élévation du niveau des océans selon divers scénarii d’augmentation des températures. Résultat : il existe un risque « faible mais significatif de dépasser deux mètres d’ici 2100 dans le scénario de températures élevées ». Deux mètres !
Il se peut même que cela aille encore plus vite puisqu’une étude publiée dans Nature (octobre 2019) menée par des chercheurs australiens indique que, durant le Pliocène, la Terre a connu quasi exactement la même configuration climatique que celle que nous avons aujourd’hui : même taux de CO² dans l’atmosphère, élévation des températures de même ampleur. Le résultat à l’époque fut une fonte d’un tiers de l’Antarctique qui provoqua une élévation du niveau des océans de 25 mètres. « La même situation pourrait se reproduire dès 2030 », prévient l’article. A vos bottes…
Sans aller à ces extrêmes, le marais poitevin sera quoi qu’il en soit bientôt transformé en bayou et le marais vendéen en Everglades. C’est en tout cas le site de la prochaine Camargue et nombre de bourgs en Retz d’aujourd’hui seront les pieds dans l’eau.
Faut-il pour autant que ces villages disparaissent ? Comme à Quiberon, chaque élévation du terrain est destinée à devenir un îlot et il s’agit bien d’une nouvelle géographie qui se dessine. Qui dit qu’elle ne soit qu’inhabitable et source de malheurs ? On sait de ces cités lacustres qui rayonnèrent durant des siècles.
Et il faudrait que les hommes et femmes d’aujourd’hui à Bourg-en-Retz ne soient que tétanisés par la peur et incapables d’imaginer quoi que ce soit autrement qu’avec des infrastructures routières et des digues maritimes ?
En tout cas, en pays de Retz, c’est le moment d’anticiper. Que faire ? Puisque, suffisamment tôt, il fera à Challans aussi chaud qu’à la Nouvelle-Orléans, c’est peut-être le moment de planter des arbres qui aiment le climat tropical et vivent dans l’eau. La liste n’est pas très longue.
En effet, dans les bayous de Louisiane, seuls quelques arbres poussent dans ces eaux saumâtres et survivent à cette perpétuelle inondation, notamment le cyprès chauve, emblème spectral de la Louisiane sauvage, et le tupelo, de son nom scientifique Nyssa aquatica, une sorte de gommier. Et peut-être encore le chêne des marais. Il s’agit là d’essences à croissance plus ou moins rapide mais qui se révèleront bien utiles dans 100 ans – le temps que les Cyprès soient à maturité – quand la moitié de la Vendée et des Charentes-Maritimes sera sous l’eau, les premières pour du bois d’œuvre, la dernière utilisée dans la production de meubles.
Puisque de toute façon la montée des eaux est INELUCTABLE et qu’il faudra bien se protéger des vagues si d’aucuns souhaitent encore vivre à la Rochelle ou à Bourg-en-Retz, il est grand temps également de commencer à préparer et planter la mangrove. La mangrove ? Chacun sait qu’elle aime le climat tropical et se développe sur le littoral dans des zones peu profondes. Surtout elle assure une excellente protection contre l’érosion et les tsunamis. Sans compter son importance pour la biodiversité et la reproduction des espèces si les Vendéens veulent espérer continuer à pêcher tout en protégeant l’écosystème.
Planter une mangrove ? De fait, des digues ne serviront à rien. Se souvenir en effet de la catastrophe de La Faute-sur-Mer. En février 2010, la tempête Xynthia a provoqué la mort de 53 personnes en France dont 29 sur la seule commune de La Faute-sur-Mer en Vendée. Une digue a cédé. Et le niveau de la mer n’a pas baissé depuis dix ans.
Surtout, 100 ans, quand il s’agit d’arbres et de forêts, c’est déjà à peine faire preuve de prévoyance. C’est donc dès aujourd’hui qu’il faut commencer à planter et acclimater des palétuviers ainsi que les autres essences citées, d’ailleurs d’ores et déjà disponibles en pépinières.
Certes les écrevisses de Louisiane, qui ont déjà envahi le marais, vont proliférer et c’est justement le moment d’investir pour en faire une industrie locale en circuit-court : l’Ecrevisse de Louisiane AOC Charente. A déguster avec des pommes de terre nouvelles de Noirmoutier ou de l’île de Ré, qui seront encore des îles mais plus éloignées de la côte. Il y aura évidemment plus loin dans les terres encore des vins pour accompagner ce mets abondant et quasi gratuit. Un pineau blanc pour commencer. Bon, il faudra quand même faire attention aux crocodiles.
En résumé, il est permis de penser que les habitants de ces territoires inondés apprendront vite à naviguer ces nouvelles eaux, à creuser chenaux et canaux, à adapter leurs parcs à huîtres et leurs modes de vie. Mais en attendant que poussent les forêts de cyprès et de Tupelos, ce pourrait être une bonne idée pour eux d’apprendre aussi à élever au-dessus de l’eau leurs habitations, leurs mairies, leurs salles des fêtes et leurs lieux de culte et remplacer les routes au sol par des voies surélevées et les places de l’église par des espaces publics sur pilotis. Prévoir dès aujourd’hui les garages à bateaux et la halle de marché ainsi que les plates-formes agricoles flottantes.
Ces nouveaux rivages, s’ils veulent demeurer sur place, les habitants apprendront à les connaître. En cent ans, ils auront le temps de s’adapter mais il leur faut commencer à s’y prendre maintenant, ne serait-ce que pour développer un savoir-faire et des processus de plantation et de surélévation efficaces et pérennes. Les architectes, avec les botanistes et les forestiers, sont parmi les seuls intervenants du territoire capables de se projeter à 50 ou 100 ans. Encore faut-il qu’on leur demande de s’y mettre.
Christophe Leray