En 2022, la France – le monde vraiment – a connu l’année la plus chaude jamais enregistrée. Un évènement évidemment imprévisible puisque chaque année est peu ou prou plus torride que la précédente. C’est du moins ce que nous a expliqué le Président de la République lors de ses vœux solennels à la nation le 31 décembre dernier.
Après avoir mentionné « d’inimaginables défis », il s’est interrogé : « Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée [par la guerre en Ukraine] ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? »
Prédire la crise climatique ? Qui aurait pu / dû en effet ? Une chose est sûre, au pays des Lumières, Vulcain ex-Jupiter n’a d’évidence rien d’un Cassandre. Pendant la COP 21 à Paris, en 2015, il faisait encore du théâtre peut-être… En tous cas, s’il a besoin d’une ampoule LED, Chroniques, dans son petit domaine, veut bien la lui fournir gratuitement. Surtout qu’en plus, maintenant qu’il prédit, c’est le moment de prendre des décisions radicales, non ?
Le 31 décembre 2022, lors de ses vœux, il faut espérer quand même que le président depuis six ans aura noté « les effets spectaculaires de la crise climatique » même en hiver. Au point que, quand il fait encore entre 15 et 20 degrés Celsius à l’heure du réveillon, les fabricants de couettes synthétiques faites pour le froid polaire vont devoir se mettre à la plume de canard (puisqu’on les tue par dizaines de milliers à cause de la grippe aviaire).
C’est le paradoxe de Shanghai. Il y fait très chaud l’été et les hivers sont habituellement doux. Les logements étaient donc traditionnellement construits sans chauffage, les habitants se débrouillant sous la couette les deux semaines de grands froids, il pouvait même y avoir de la neige. Sinon, le reste de l’année la vie sans chauffage était tout à fait confortable, les logements traversants et les ventilateurs permettant de rafraîchir l’été. Pollution quasi zéro. Désormais, ils sont plus d’un milliard de Chinois avec le chauffage et la clim, bretelles et ceinture, et la Chine a rejoint en un temps record les cadors de la pollution mondiale. Au point qu’à Shanghai, il fait de plus en plus chaud l’été.
Cette question du confort se posait également à Chicago, ville où il peut faire chaud l’été et très, très, froid l’hiver. Les appartements étaient cependant traditionnellement conçus sans chauffage dans les chambres, lesquelles, toutes petites, étaient seulement destinées à vous accueillir sous la couette. N’étaient chauffées que la grande cuisine et la grande pièce de vie, l’une et l’autre lieux de rassemblement de la famille en hiver. Mais, comme en Chine, le chauffage et l’air conditionné se sont finalement imposés et permettent notamment aux Etats-Unis de caracoler en tête des plus grands pollueurs mondiaux. Les petits enfants ont désormais des chambres plus grandes qu’un appartement parisien et il fait de moins en moins froid l’hiver à Chicago.
Bref, si l’on peut prédire sans trop de risques de se tromper que la plupart des prochains cinquante Noël seront aux balcons, convient-il encore d’installer partout de coûteux systèmes de chauffage ?
De fait, cinquante Noël aux balcons – et ces Noël seront de plus en plus doux et l’on passera alors du balcon à la terrasse – et il n’y aura alors plus du tout de passoires thermiques mais des habitations qui respirent et se rafraîchissent toutes seules avec les courants d’air. Peut-être, malgré ce que semble penser Vulcain ex-Jupiter, faut-il sauvegarder ces bâtiments aujourd’hui notés G et supposément bons pour la casse. Car, s’il ne fait plus froid, plus besoin de les chauffer. CQFD !
Au contraire, avec les canicules, les logements du futur devront être ventilés, et pas qu’un peu, même à Noël au nord de la Loire ; et voilà désormais un bâtiment G devenu un potentiel A+++, merci les ponts thermiques ! C’est d’ailleurs le moment – un vrai geste bas carbone – d’investir dans ces bâtiments, d’une part parce qu’ils ne coûtent plus rien en ce moment et, d’autre part, parce que les hivers où on se les caille à Paris de novembre à mars, c’est de l’histoire ancienne.
Oh, nous aurons bien de temps en temps une goutte froide, histoire de se faire peur une semaine ou dix jours et d’en trembler sous la couette. Mais si prédire c’est regarder devant, à cinquante ans, la durée de vie espérée d’un bâtiment contemporain, le problème à Paris ne sera pas de se protéger du froid mais plutôt de gérer des espèces invasives tropicales et des cafards gros comme le pouce, par exemple. Les perroquets et les bananiers sont déjà là !
Hélas, dans ce pays, les normes de la construction sont faites pour le climat d’hier, pas pour celui de demain.
Pourtant, à l’échelle d’un petit pays comme la France, apprendre à vivre sans chauffage, quand il fait 20 degrés le 1er janvier, ce doit être possible. En cinquante ans, cela en ferait des économies nationales pour quelques jours d’inconfort par an, sauf pour les marchands de couettes qui iront dès le premier flocon rejoindre la corporation des marchands de muguet.
Et, dans cinquante ans, nos petits-enfants se réjouiront de Noël à la plage, laquelle se sera entretemps rapprochée de cinquante kilomètres.
Nonobstant, bonne année bas carbone à tous.
Christophe Leray