Paris en veut. A l’ouest, à l’est, au nord, au sud. Des tours, oui ! Rectangulaire, triangulaire, trapézoïdale… blobesque ? non, trop cher. La collection de sculptures est encore virtuelle. En 2017, livraisons promises, Paris sera-t-elle, debout, à l’origine d’un nouvel urbanisme vertical ? Pour l’heure, le pavillon de l’Arsenal fait l’apologie des Olympiades. Innovant…
Résultat d’une grande frustration ? Après l’échec cuisant de l’urbanisme vertical des années 60-70, pour passer d’une capitale ancienne – confrontée au risque de devenir une ville-musée – à une métropole d’économie mondiale, Paris décide de construire de nouveaux monuments : des cathédrales de cristal.
2017 signera le retour des tours à Paris. Les premières pierres d’un nouvel urbanisme vertical de Paris libérée ? Opérations ponctuelles pour satisfaire les égos des édiles et des autres ? Ou simple chirurgie pour vieilles capitales européennes en déclin complexées par rapport aux jeunes capitales émergentes ?
Avec la modification du PLU qui plafonnait les hauteurs à 37 mètres depuis 1977, quelques zones périphériques de Paris accueilleront de nouvelles tours : Bercy-Charenton (12e), Masséna-Bruneseau (13e), porte de Versailles (15e), Clichy-Batignolles (17e), porte de la Chapelle (18e) et porte de Montreuil (20e). Périphériques dans le cadre du Grand Paris bien sûr mais intra-muros, certainement.
Première sur la liste, signée par Renzo Piano, la tour du futur Tribunal de grande instance haute de 160 mètres s’installera à Clichy-Batignolles. La tour Triangle conçue par Herzog & de Meuron, une tour de bureaux de 180 mètre de haut, sera construite Porte de Versailles à l’initiative de maîtres d’ouvrage privés (Viparis, Unibail-Rodamco et Chambre de commerce et d’industrie de Paris). La construction de quatre tours prévues à Masséna-Bruneseau débutera par l’érection de tours jumelles, de 180 et 115 mètres de haut. Signées Jean Nouvel et financées par Ivanhoé Cambridge/Hines, un fond d’investissement québécois, elles accueilleront 75.000 m2 de bureaux, des commerces et un hôtel de 15.000 m2.
Le Pavillon de l’Arsenal, centre d’information concernant l’architecture et l’urbanisme à Paris, organise actuellement une exposition «Olympiades, Paris 13e, une modernité contemporaine» pour revaloriser un quartier de tours détesté depuis son inauguration. En parallèle à une nouvelle politique urbaine en faveur des tours, la communication va bon train. Les Olympiades ? Vivement hier ! Voilà ce qui reste des fameux ‘Ateliers sur la hauteur’.
Rejetées depuis presque quarante ans, les tours symbolisent systématiquement aux yeux des Parisiens l’échec de l’urbanisme de l’époque. Le seul fait de (re)lancer des projets de tours à Paris suscite donc inévitablement de vives polémiques. La frilosité des Parisiens à l’égard des tours est d’autant plus grande que Paris est caractérisée par ses îlots bâtis et par la continuité du gabarit bas de ses bâtiments. Il est possible d’embrasser d’un coup d’œil l’intégralité de la ville par endroit : les fameux toits de Paris.
Or, les citadins de cette ville ancienne, chargée d’histoire et de traditions, sont fascinés par la modernité incarnée des villes verticales américaines, de leurs centres-villes plus exactement. Sur cette nouvelle terre vierge sans héritage, ces ‘centre d’affaires’ (le plus souvent) sont construits selon un extraordinaire pragmatisme consistant à monter le plus haut possible sur un lot réduit pour en tirer un maximum de rendement.
En de rares occasions – New York et Chicago pour faire simple – ces tours composent ainsi un paysage vertical inédit qui dépasse les critères classiques et dégagent une nouvelle esthétique basée sur une liberté, une spontanéité et une abstraction radicale. Les regards sont magnétisés par ces formes effilées vers le ciel, par leur métamorphose à travers un jeu de reflets et de transparence et par un savoir-faire de construction exceptionnel.
Faisons une hypothèse optimiste : la réglementation lourde à l’égard des tours est simplifiée et adaptée à la nécessité réelle de ne pénaliser ni la rentabilité ni le fonctionnement ni l’esthétique ; les principes des tours sont redéfinis par rapport aux expériences du passé afin de réaliser des tours dont l’ensemble instaure une nouvelle morphologie urbaine en lien avec le tissu existant et générant des espaces publics de qualité (en clair en finir à Paris avec les dalles).
Alors, pourquoi se priver d’une forme architecturale aussi puissante et fascinante pour renouveler Paris ? La question n’est pas de savoir s’il faut construire ou non des tours à Paris, mais comment les réaliser ?
Principe de réalité. Un nouveau plan de principes urbains intégrant les tours n’existe pas et les normes pèsent comme un sabot. Les futures tours dévoilées à ce jour n’apparaissent que comme bâtiments-objets, ovnis dans la ville, simples traductions de contraintes réglementaires, financières et culturelles.
Des opérations servant à maquiller une vielle ville complexée, l’architecture Botox.
Hyojin Byun
Le blog de Hyojin Byun
Cette chronique est parue en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 20 février 2013