Le 02 mars 2021, Emmanuel Grégoire, premier adjoint parisien à l’urbanisme, entre autres, dévoilait sans sourciller son pacte pour la construction parisienne. Un vrai petit dico de la bien-pensance à la sauce verte. Mieux que rien quand on n’a pas d’idées à soi ?
Grâce à la mairie de Paris, 2021 aura donc droit à son « pacte pour la construction parisienne », un « top-là » de plus entre des édiles toujours plus polis et des électeurs de moins en moins critiques, à en juger du moins par les dix objectifs énoncés :
– promouvoir la mixité dans les projets ;
– éviter l’imperméabilisation des sols et enrichir la biodiversité ;
– protéger la végétation, la développer, et créer des îlots de fraicheur ;
– protéger le patrimoine, insérer le projet dans son environnement immédiat ;
– restructurer plutôt que démolir, réemployer plutôt que jeter ;
– sobriété énergétique et bas carbone ;
– favoriser un chantier optimal, qualitatif, à faible impact sur son environnement et créateur d’opportunités économiques ;
– favoriser l’urbanisme de transition et la participation citoyenne ;
– créer des communs, de la mixité d’usages, et favoriser la mutualisation des bâtiments ;
– augmenter la réversibilité, l’évolutivité, et la modularité.
Dit comme ça, rien d’incohérent avec les ambitions de la ville « de construire un tissu urbain bienveillant, harmonieux et durable ». Dit comme ça, rien de plus niais ! Dix vœux pieux à la formulation novlangue et inattaquable sans passer pour des ronchons réacs ! La novlangue hidalgienne a déjà fait ses preuves dans la manipulation des masses. Et comme plus personne ne démontre vraiment une grosse envie de réfléchir… C’est donc avec ça que la reine autoproclamée de tous les Parisiens compte gagner la bataille de l’Elysée ?!
Une fois enlevé l’affligeant verbiage de la communication rassurante et propre, dans le fond, que propose la nouvelle équipe pour les prochaines années ? Lesquelles, soit écrit en passant, devraient concerner les derniers grands chantiers parisiens de taille.
Rien de bien neuf à l’Hôtel de Ville depuis le départ de Jean-Louis Missika, grand instigateur de la braderie foncière aux promoteurs. Il fallait remplir les caisses, ce fut fait sans chichi, quitte à faire grimper le prix du m² de plus de 20%* dans le XIe arrondissement par exemple, depuis l’élection de 2014. La mixité sociale en a forcément pris un coup, malgré les 40 000 logements sociaux créés depuis l’élection. Mais personne n’est dupe. Le PLU parisien impose depuis 30% de logements sociaux dès 800 m² construits, ce n’est pas l’équipe Hidalgo 2 qui l’a inventé, mais le même Jean-Louis Missika. D’autant que pour éviter de froisser les Jean-Toto du VIIe qui ne se voient pas cohabiter avec du PLS, les promoteurs savent très bien contourner le piège en proposant des résidences services pour jeunes, ou vieux ! Sinon du vrai neuf ?
Non content de prendre ses électeurs pour des truffes, la mairie de Paris pousse le cynisme à son paroxysme : les Majors sont citées dans le titre ! Le but du pacte est de définir « une base non contraignante pour les promoteurs en vue d’améliorer la résilience des bâtiments neufs dans la capitale ». Effectivement, il ne faudrait pas leur mettre trop de bâtons dans les roues, ce sont eux qui font les chèques. A partir de là, le promoteur est content, il sait que la poule aux œufs d’or ne se tarira pas de sitôt. Après tout, Bercy Charenton ne fait que commencer, Gare des mines fillettes aussi, et 2024 et son PLU Bioclimatique sont encore loin !
D’autant que tout est clair, ici on récupère les vieilles marmites qui ont fait leurs preuves. Selon la ville de Paris, ce « pacte pour la construction » s’inscrit dans la continuité des innovations développées par les Réinventer Paris. A croire que l’ancien adjoint officie encore en silence !
Bref la nouvelle ville de demain ne sera ni plus ni moins que la ville d’hier, celle qui déjà se contentait déjà d’étaler un vernis de façade sur la qualité architecturale, celle qui annonce des ambitions faramineuses, toutes plus contournables les unes que les autres. Depuis le temps, combien d’architectures qualitatives, combien de bâtiments 100% bois élevés dans le ciel, combien de tonnes de déblais du Grand Paris réemployés, combien d’arbres réellement plantés ? Combien de réelles mixités ?
Un canyon existe entre les vœux pieux et la dure réalité de la vie parisienne. Car pour ce qui est de la qualité de vie et pour laquelle l’architecture et l’urbanisme ont un grand rôle à jouer, la nouvelle équipe a trouvé un champ de bataille. Jamais Paris n’aura été aussi faussement élitiste, jamais Paris n‘aura été aussi sale, jamais Paris n’aura été aussi « insecure ». Jamais les classes moyennes n’auront autant quittées Paris, faute de moyens pour se loger. Comme dans bien des métropoles soit dit en passant. Et quelle réponse apporte la nouvelle équipe ? La promotion immobilière ! Ou comment se dédouaner de tout sans complexe ! Autant constituer dès maintenant un politburô en béton constitué d’Alain Taravella, de Bernard Mounier, Laurent Dumas et Philippe Journo !
Une nouvelle fois, l’élite parisienne nous interroge. La profession de foi ne laisse que peu de place à l’innovation et aux propositions contextuelles des sachants, architectes en tête. Ici, Emmanuel Grégoire nous livre en bon et due forme un parfait exemple de note d’intentions pour répondre à un appel à projets, vide et sans âme, réutilisable tout au long du mandat. Dans tout ça, où sont les hommes, les femmes, les habitants, la société, la communauté, les citoyens ? Ou sont les architectes, les urbanistes, les programmistes ? Où sont aussi les engagements, les obligations de résultats pour que toute cette farandole de bons sentiments se transforme en ambitions politiques durables ?
Cela étant, le vent c’est biosourcé !
Cette dernière année a été plus que propice à l’annonce de grands chantiers réflexifs et prospectifs sur la ville de demain, parce que, paraît-il, celle d’hier ne devait pas tenir le choc. Pas assez d’espaces extérieurs, pas assez de surface dans les logements, une acoustique hors sujet, des isolations à revoir, des vis-à-vis dont on se passerait bien. Premier constat, c’est que la ville d’hier ne s’est pas écroulée puisque le marché immobilier continu inexorablement sa hausse, dans l’ancien comme dans le neuf. Constat numéro 2, la construction, malgré les crises à répétition depuis 2008 ne s’est aussi jamais bien portée !
Pour conclure, revenons 40 ans en arrière, quand la Cogedim, la Cog’ pour les intimes, livrait parmi les plus beaux appartements depuis Haussmann. Chic, grand, pompeux et terriblement hors de prix. A l’époque, les élus ne se mêlaient pas des affaires d’architecture et d’urbanisme quotidiens, sans que ce ne soit de l’équipement. A l’époque, Chirac s’occupait de dézinguer les Halles, c’est une autre histoire mais les appartements étaient vraiment généreux.
Laisser la fabrique de la ville à une partie des sachants, pourquoi pas, mais pourquoi ne pas laisser faire tous les sachants ?
Alice Delaleu
*source : Paris Notaires