Lundi 28 novembre 2022, les ministres de la transition écologique et du logement sont venus ouvrir le conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Un nouveau débat alors que des propositions sont sur la table chaque mois avec de nouveaux rapports… Rien de neuf.
Organisé à Paris au siège de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France, faible reconnaissance pour la profession, ce CNR doit aboutir à la présentation de mesures pour le logement d’ici avril 2023, après des consultations organisées un peu partout dans les territoires. En parallèle des Etats généraux du logement étaient organisés à Marseille avec la visite du ministre du Logement, Olivier Klein, pour soutenir le plan « Marseille en grand » du gouvernement. Ouf, tous les acteurs du logement ont été sollicités dans la même semaine !
Le CNR logement est animé par Christophe Robert, directeur de la fondation Abbé Pierre, et Véronique Bédague, directrice générale de Nexity. Un tandem de choc pour suivre les travaux autour de trois thèmes :
– « Redonner du pouvoir d’habiter au Français » animé par Cédric Van Styvendael, maire PS de Villeurbanne et ancien président de la Fédération européenne du logement social et Serge Contat, directeur général d’Emmaüs Habitat et ancien Directeur général de la RIVP ;
– « Réconcilier la France avec l’acte de construire » animé par Mickaël Nogal, ancien député LREM et Catherine Sabbah, directrice d’IDHEAL, ‘think tank’ sur le logement ;
– « Faire du logement l’avant-garde de la transition écologique » animé par Marjolaine Meynier Millefert, députée Renaissance, et Christine Leconte, présidente de l’Ordre des Architectes.
La méthode est identique à l’enfumage habituel, des réunions avec les acteurs auront lieu sur le territoire afin de « dégager, par le dialogue entre parties prenantes, des pistes d’actions concrètes adaptées à chaque territoire. L’objectif : faire émerger des solutions opérationnelles d’ici au printemps 2023 », comme l’indique si bien le site du gouvernement. Nous sommes sauvés.
Après 23 rapports sur les questions liés au logement et à l’aménagement, après un ‘grand débat’ dont les doléances et propositions n’ont jamais émergé, après une consultation citoyenne et professionnelle « habiter la France demain », il fallait encore attendre un énième bidule pour faire des propositions sur le logement. Que peut-on espérer ? Se faire enfariner comme les membres de la Convention citoyenne sur le climat quand le président et le gouvernement proposaient de reprendre toutes les mesures issues des délibérations ? C’est presque ça.
Que faire pour le logement quand quatre millions de personnes sont mal-logées, 2,2 millions de personnes sont en attente de logement social, que 200 000 personnes sont en hébergement d’urgence chaque soir, que sept millions de logements sont considérés comme des passoires thermiques, que le taux d’effort dans le logement ne cesse d’augmenter, tout comme les prix, qui ont explosé depuis vingt ans mais pas les salaires des Français… ? Bah, une consultation.
C’est vrai que des rapports ne sont pas suffisants à ce stade. Petite liste des plus récents : celui annuel de la Fondation Abbé Pierre, celui de Pierre-René Lemas* sur la qualité des logements sociaux, celui de Laurent Girometti et François Leclercq** sur la qualité du logement, celui de François Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, celui d’Olivier Sichel sur la rénovation énergétique, celui du Cese sur des bâtiments plus durables grâce à une ambitieuse politique de rénovation, celui sur les pistes d’évolution pour les foyers de jeunes travailleurs, celui sur le développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels, celui sur l’amélioration de la mixité sociale dans le logement, celui sur l’habitat inclusif, etc.
Ce dont le logement ne manque certainement pas, c’est de rapports, et donc de propositions. Il lui manque la volonté politique. Et ce n’est pas Christophe Béchu et Olivier Klein qui monteront au créneau pour défendre le sujet. Preuve en est la semaine dernière à l’assemblée, où a été votée une loi dite « anti-squatt » et « anti-locataire » qui donne la possibilité d’une intervention du préfet manu-militari pour un.e SDF qui oserait dormir dans un hangar et aussi pour les personnes occupants des logements vacants (3,1 millions de logements au dernier recensement). Et pour les locataires en impayés, si le ou la juge avait une possibilité d’appréciation de la situation auparavant pour accompagner les ménages, là ce n’est plus le cas. Avec l’inflation et la crise énergétique en ligne de mire, il est fort probable que les impayés augmentent, mais ce n’est pas grave, il faut mieux envoyer les locataires à la rue plutôt que de tenter de comprendre et d’aider les personnes en grande précarité.
Noter que la loi n’a pas été portée par les deux ministres en charge du logement, non. Elle a dû être portée par le ministre de l’Intérieur, et elle a été durcie par le RN, qui y reconnaît parfaitement son programme pour la présidentielle. Vote de Renaissance, LR et RN, unis contre les locataires et les SDF.
Un tel vote, alors même que les ministres prétendent écouter les parties prenantes et les acteurs du logement, qu’Olivier Klein a suggéré un encadrement des prix du foncier en introduction au CNR… C’est bien la marque de la déliquescence de la question du logement dans le débat public. Un parlementaire condamne les précaires, tandis qu’un ministre propose un encadrement des prix, à l’opposé même de la logique capitaliste du gouvernement. Où est l’erreur de casting ?
Le logement mérite mieux que les palabres et grands écarts auquel nous sommes habitués. Sans parler des débats à venir dans le cadre du CNR dont nous savons déjà qu’ils ne sont qu’écrans de fumée.
Julie Arnault
* Le logement social au rapport : caillou ou pavé dans la mare ?
** Rapport Leclercq – Girometti : le baromètre qui donne le temps d’hier