L’engagement des architectes en faveur de «l’art urbain» aujourd’hui est un engagement en faveur de la transition écologique des territoires et de la valorisation de la vie sociale des habitants. Disons que la «transition écologique», au lieu d’être l’un de ces mots valises ou tartes à la crème dont notre époque est friande, devient alors un véritable instrument de transformation dès lors qu’on la caractérise et qu’on s’en saisit.
La transition écologique est ainsi au cœur de la conception architecturale et urbaine ainsi que de l’aménagement des territoires. Comment favoriser l’action des architectes et promouvoir l’architecture ? Une vaste entreprise d’acculturation du public et une formation des architectes plus large ouverte sur tous les métiers de l’architecture seront nécessaires.
La transition écologique ne doit pas être l’apanage des fabricants qui suggèrent des normes DTU servant à mieux vendre leurs produits. Il faut ouvrir encore plus le marché à l’innovation, en tenant compte du fait que les édifices «thermos» ne règlent pas la question quand pour les rejoindre il n’y a pas de transports en commun efficaces. La question est globale et ce seront les petites innovations mises bout à bout qui pourront mieux y répondre.
Le peuple Danois en est un bon exemple : innovation et volonté de changer par des petits pas. Le réemploi des matériaux, la sobriété énergétique et la réduction des émissions de gaz carbonique ont besoin d’un savoir technique à élaborer mais aussi d’une capacité de mise en œuvre culturelle et architecturale.
Il convient d’insister sur le fait qu’engager un nouveau processus pour utiliser les structures déjà mises en place sans gaspiller plus de sols agricoles ou naturels est un acte majeur du développement durable dans lequel les architectes sont les premiers impliqués en raison de leur compétence et de leur engagement en faveur de l’intérêt collectif. Si l’on s’accorde à considérer que les ressources naturelles sont un bien commun et non celui des États, et que leur exploitation devrait être calculée à la mesure de leur renouvellement, un devoir d’ingérence international s’impose.
Pourquoi les politiques gouvernementales en termes de rénovations énergétiques sont-elles systématiquement vouées à l’échec ? Cela fait des dizaines d’années que des dirigeants politiques nous annoncent que, cette fois c’est la bonne, on va enfin rénover massivement le bâti ancien en France. Ce qui va nous permettre de relancer l’économie, le secteur de la construction, créer des emplois, valoriser notre patrimoine et, cerise sur le gâteau, permettre de réduire les factures énergétiques des Français tout en augmentant l’indépendance énergétique de notre pays.
À l’origine du problème est le besoin des politiques d’offrir un résultat rapide et massif, en moins d’une mandature. Tout simplement du fait qu’il y a nécessité à rendre son action visible en vue d’être réélu. Même les plus écologistes de nos politiques, quelles que soient leurs appartenances politiques, veulent que les résultats soient rapides et spectaculaires. Mais rapide et spectaculaire, c’est l’inverse du sur-mesure, de tenir compte des envies et des besoins des propriétaires, de résultats concrets économiques et positifs. Même patient et plein de bonne volonté, le dirigeant politique a besoin de spécialistes du métier pour le conseiller sur les actions concrètes à mener. Les représentants des industriels, artisans et architectes vont donc être reçus pour donner leurs idées d’actions à mettre en œuvre.
Chaque industriel ne va chercher qu’à tirer la corde vers son secteur d’activité : crédit d’impôt sur les chaudières, sur les pompes à chaleur, sur les fenêtres. Le résultat n’a pas vraiment d’importance, il faut juste faire du chiffre, ça fera tourner l’économie et ça sera «massif». Les artisans vont demander des aides simples à mettre en œuvre (c’est positif) sur des travaux simples à mettre en œuvre (ça l’est moins). Du coup l’aide au remplacement des chaudières et des fenêtres se développe. Tant pis si les résultats concrets en termes d’économie d’énergie et de retour sur investissement seront, au mieux, médiocres. De l’écologie devrait découler tout le système de construction et les normes afférentes. Tout remettre a plat avec ce tropisme écologique. C’est une urgence.
La lutte nécessaire contre le réchauffement climatique et ses contraintes en matière de développement durable exigent une adaptation des modèles culturels et sociaux de l’habitat ainsi que le renouvellement des pratiques constructives. Ceux-ci ne pourront se faire jour et surtout se déployer dans l’ensemble de notre société que si des progrès importants sont réalisés tant dans une meilleure maîtrise des matériaux et de leur mise en œuvre que dans la compréhension des comportements individuels et collectifs, et ce qui les régit. Ces adaptations, de plus en plus urgentes, et qui nécessitent la possibilité d’innover, ne pourront aboutir sans des efforts déterminants en matière de recherche théorique et d’expérimentation, dans les domaines des sciences pour l’ingénieur comme dans ceux des sciences humaines et sociales.
Signataires : l’Académie d’architecture ; l’Union nationale des syndicats français d’architectes (UNSFA) ; le Syndicat de l’Architecture ; la Société Française des Architectes (SFA) ; la Mutuelle des Architectes Français (MAF) ; la Maison de l’Architecture ; l’association Architectes et Maîtres d’ouvrage (AMO) ; l’association Architectes Français à l’Export (AFEX) ; le Pôle de formation Environnement, Ville & Architecture d’Ile-de-France (Pôle EVA).
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