Le rapport d’Olivier Sichel sur la réhabilitation énergétique des logements privés, remis le 17 mars 2021 au gouvernement, propose de rendre obligatoire le recours à des accompagnateurs de rénovation* agréés. Xavier Soule, PDG du Groupe Abvent (et architecte DPLG) a fait les comptes. Tribune.
Paris, le 24 mars 2021
Avec la poussée écolophile des électorats qui apeure les élus, l’état politique n’a pas besoin d’une trop forte audace pour annoncer la nécessité d’une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés.
Et quand on parle de logements et de réhabilitation, pensez-vous que l’on puisse imaginer s’adresser aux architectes ? Évidemment pas, quand on parle investissement massif et que la seule chose que l’on sait investir, c’est de l’argent.
Donc pour réfléchir à l’avenir du logement, la ministre de la Transition écologique demande à sa banque. Demander à sa banque de formuler les arguments de son avenir, c’est prendre pour hypothèse que la question de notre futur est strictement d’ordre bancaire. Belle hypothèse alors que la première des vanités d’aujourd’hui est celle des indomptables systèmes financiers.
Pour preuve de cette initiative saugrenue, la réponse en forme de reniement absolu de ce qui fait la volonté de notre société : ne pas assujettir les contingences de l’instant aux seuls réservoirs de monnaie.
La solution de Monsieur le directeur général délégué de la Caisse des dépôts, Olivier Sichel, est d’une évidence abyssale : il suffit d’installer des filtres sympas aux distributeurs de subventions.
Idée géniale : pour accompagner les candidats subventionnés dans leurs travaux, on va mettre à leur disposition un tiers de confiance* qui saura leur proposer les travaux adaptés à leur logement, les assister et les informer sur le parcours administratif et financier du projet, opérer le suivi des travaux, et même, dans certains cas, porter la responsabilité d’un projet global…
Idée efficace : les aides financières pourraient, même, être éco-conditionnées à l’emploi d’un accompagnateur.
De deux choses l’une :
– soit Monsieur le Directeur de la banque n’est pas au courant du métier des architectes ;
– soit il pense que les architectes ne font pas le poids et il faut le savoir pour arrêter tout de suite de payer leur organisation et leur enseignement (NB : ce n’est pas ça qui va modifier grand-chose au budget de l’État…) ;
– soit, plus profondément, chacun sait bien que les architectes avaient mission d’inventer l’intermédiation du projet pour réconcilier la volonté de tous et l’individu, plongés en démocratie, mais ce n’est sans doute plus d’actualité.
Dans la grande confusion d’aujourd’hui, le temps n’est plus à comprendre et savoir. Face à l’urgence, il serait indigne d’empêcher de déverser avec sérénité le flot souverain des normes et des subventions, et les architectes ne sont pas des fluidifiants, ils ont tout le temps des idées.
Faire de l’Architecture le lieu privilégié de la rencontre du citoyen avec la cité ;
Faire du métier de l’architecte celui du dialogue instruit et créatif entre les rêves, les nécessités et les possibles ;
Faire de l’Architecture, alors que la société est en jachère…
… tout cela serait donc indigne d’une société en mutation ?
Xavier Soule
Paris, mars 2021
PS – Étrangement, le rapport de la mission conduite par Olivier Sichel propose de rendre obligatoire le recours à des accompagnateurs de rénovation agréés, dès que le montant des travaux envisagés dépasserait 5 000 €.
Comparé au seuil fixé à 150 m² pour le recours obligatoire à l’architecte (150 m²), cela fait… soit un seuil à 2 / 3 m² neufs, soit 33 € le m² pour 150 m² de réhabilitation…
* Lire également notre article L’accompagnateur BDF, l’invention du siècle (en IDF seulement)