La nouvelle année est venue avec sa kyrielle de résolutions et de décisions déterminées, notamment aujourd’hui le souci de bienveillance et de tolérance à l’égard d’une administration que j’ai si souvent égratignée. Comment par exemple ne pas être impressionné par le tout nouveau BDF qui se propose de faire un bout de chemin avec les architectes…
A tort ou à raison, ils sont des travers qui s’oublient avec le temps, des tracasseries inutiles à garder en mémoire, plaies cicatrisées, les avanies subies s’oublient grâce à une mémoire souvent adulatrice.
J’ai donc décidé de reprendre le cours de mes promenades champêtres à travers la génétique urbaine, le génome de la grande ville et la recherche obstinée des petits sentiers qui sentent la noisette à travers le capharnaüm post-nucléaire des banlieues citadines. Reprendre le cours des comparaisons animalières pour expliquer le comportement de tel rouage administratif de la grande ville, tel est mon vœu le plus cher.
Oublier les hauteurs de soubassement érigées en lois de l’esthétique universelle et les prétentions des instructeurs à exercer une créativité souvent désuète et malvenue. Pardonner la souffrance subie par la torture des PLU iniques et dissuasifs de toute créativité architecturale. Et, enfin, se perdre dans les dédales biomimétiques des comportements naturels d’une nature bienveillante appliquée au tissu urbain indulgent et débonnaire.
Les enquêtes de cette recherche biomimétique m’éloignant souvent de l’indigence d’une vie professionnelle rythmée par l’absence totale de poésie des avis d’appels d’offres qui enluminent chaque consultation du torride site marchesonline.com. Mais c’est une routine à laquelle on se fait, malgré les occasionnelles digressions colériques au sujet de l’indécence de certaines demandes (dont j’ai pu faire état dans ces colonnes) quant à l’inventivité administrative sur le terrain des tableaux Excel.
Mais pardonnons…
Pour résumer mon sentiment, je souhaite aborder l’année nouvelle par un torrent de bienveillance plus inspiré de Calvo que de Durkheim ; la nature et ses tendres cocasseries plutôt que la dureté de la bureaucratie.
Calvo connu pour ses animaux bienveillants qui devraient être une source d’inspiration pour tous en cette année neuve.
Surtout que cette année commence par une véritable bonne nouvelle : l’architecture en Ile-de-France est sauvée ! On a y a inventé l’accompagnateur BDF (Bâtiments Durables Ile-de-France), rendu obligatoire, et en exclusivité, dans les concours d’architecture de ce fief contrôlé avec main de maître par Valérie Pécresse, présidente prolixe et experte en matière de bâtiments durables.
Un peu d’histoire.
Il y eut tout d’abord la prise de conscience de l’importance de consacrer un volet « à l’environnemental » dans les préoccupations des maîtres d’ouvrage publics. Ce fut la HQE pour Haute Qualité Environnementale qui eut les faveurs des premières manifestations d’intérêt pour la chose environnementale. Lorsqu’on s’aperçut que le véritable rôle des bureaux de HQE se bornait au dimensionnement des locaux à poubelles, la nature administrative ayant horreur du vide inventa le Bureau d’Etude en Développement Durable.
La différence entre la Haute Qualité Environnementale et le Développement Durable n’étant pas facile à établir vraiment, c’est pointu… Ce pourquoi l’arrivée de l’accompagnateur BDF est une vraie bonne nouvelle.
C’est vrai que le Bâtiment Durable d’Ile-de-France est différent du Bâtiment Durable de Normandie ou du Poitou : différence de latitude, de longitude, pas le même climat, pas les mêmes charges foncières non plus…
Quant aux Bretons ou aux Picards, n’en parlons pas, ils ne savent même pas qu’un Bâtiment Durable chez eux doit correspondre à des normes régionales pointilleuses qui nécessitent une spécificité géographique particulière.
En Ile-de-France, on est paré, ils peuvent venir avec leur changement climatique à la con, on saura, localement, quoi faire. Alors qu’à Beauvais, à moins d’avoir un jour un accompagnateur BDHDF (pour Hauts-de-France)…
Ce qu’il y a de sympa avec cette nouvelle terminologie, à part qu’elle accapare plusieurs sites et le temps de comprendre, à la lecture d’une annonce de marché public qui y fait référence, ce qui se cache sous cette merveilleuse invention est que la notion d’accompagnement est bienveillante.
Accompagner apporte la dimension conviviale de celui qui se joint à nous, en termes de direction et en termes de temps. On va donc faire un bout de chemin avec notre accompagnateur BDF, espérant qu’il sera sympa…
Sans vouloir impérativement tout confondre, mais souhaitant ramener mon propos aux résolutions ci-dessus quant au persiflage administratif et souhaiter le retour de la génétique urbaine, l’accompagnateur BDF est à l’architecture ce que le messager est à l’ARN.
L’accompagnateur BDF est utilisé comme intermédiaire par les acteurs urbains pour la synthèse des protéines de la pensée architecturale.
François Scali
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