Au moment d’immortaliser un bâtiment, architecte et photographe cherchent ensemble à traduire par l’image tout ou partie du processus qui a conduit l’édifice à cette étape clé de son cycle de vie. Pierre L’Excellent s’arrête un moment sur la relation entre ces deux hommes (en l’occurrence) de l’art. Chronique-Photos.
Transcrire l’essence, en quelques clichés figés, pris pendant quelques heures, d’espaces conçus et construits des mois voire des années durant, requiert de capter ce qui fait et a fait l’essence du projet. Certaines intentions se manifestent au premier regard, d’autres plus subtiles demandent de s’imprégner des lieux et de les comprendre.
Dans cette démarche, chacun aura son rôle à jouer. Le photographe prépare son reportage et échange avec l’architecte sur ses desseins, le conseille parfois sur les conditions de la prise de vue et temporise pour avoir soleil et saison adéquats. Derrière son appareil, il trouve les angles, les focales, le style qui racontera l’histoire que l’architecte a écrite. Il apporte son point de vue, relativement vierge, sur un projet conçu par un autre.
Cette vision immaculée est en partie fertile car elle fait une proposition sur la représentation de l’édifice. L’alimenter du savoir et du vouloir du concepteur l’enrichit de possibilités multipliées par ces échanges. Chaque discussion, chaque aller-retour sur des premières images, du photographe ou glanées par l’architecte lors de ces innombrables visites sur place, chaque plan ou chaque coupe, mais aussi tout ce à quoi l’image va servir – parfois le propos d’un article ou d’un livre – tout est matière à étoffer ce discours.
Lorsque je photographie les projets de l’agence Yoonseux, j’ai en tête les références du mouvement spatialiste citées par l’architecte, l’espace-temps, les particules de lumière sur la matière perforée, incisée.
Je suis attentif à ses attentes, ici à sa volonté d’apporter la poésie d’une personne pensive dans l’usage de l’espace, là aux détails dans l’assemblage des volumes et des matières. Parce que l’image ne peut être complètement exhaustive, nous cherchons ensemble la ou les photographies qui sauront évoquer au mieux son architecture.
En s’adaptant aux conditions de la prise de vue, aux temporalités qui voient le projet évoluer, du chantier à son appropriation par ses usagers, en prenant le temps d’attendre la bonne lumière, les bonnes conditions, parfois à travers plusieurs séances, architecte et photographe établissent un dialogue, entre eux et avec le bâtiment, pour le transmettre aux autres.
L’architecture, née du dessin puis mise en volume, retourne, dans un ultime aller-retour, à la surface plane de l’image et invite dans son voyage.
Pierre L’Excellent
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