Bruno Palisson, photographe et architecte, poursuit son voyage intime dans un monde mouvant. Ce faisant, il parvient à mettre des images sur ses rêveries, et les nôtres. Chronique-Photos.
J’avais entre huit et dix ans et je venais de recevoir comme cadeau de noël un circuit 24. Le lendemain, après avoir quitté mon oncle et ma grand-mère, je rentrais de Lille en train à compartiments avec mes parents.
C’est de ce train que démarrent mes évasions à travers ces fenêtres où je volais au-dessus de paysages cinétiques aussi vite que le train puisque je venais d’avoir un circuit de courses automobiles.
C’est aussi le souvenir de films de vacances 8mm avec mes cousins qui surgit irrémédiablement en surimpression à ces paysages, un peu comme un parfum que vous recroisez et qui vous ramène précisément à une personne, à un lieu, à un souvenir même vieux de 40 ans. Ces images saccadées aux couleurs si particulières étaient déjà une œuvre d’art en soi.
Ces paysages de train qui défilent m’envoûtent et me transportent, comme un film sans fin à travers lequel mes souvenirs se déroulent et s’enchaînent avec la sensation qu’un instant dure cinq minutes et que quelques années se traversent en une minute. Cela finit par m’endormir d’un demi sommeil où je me promène dans des rêves, lesquels à un moment me réveillent pour laisser de nouveau place à ces paysages filés qui défilent…
Ces impressions ferroviaires me font aussi revivre la découverte mystérieuse vers mes 10 ans des peintures de Watteau ou de Poussin voire de Canaletto. Je les trouvais sales mais elles restaient pour moi étonnantes parce que j’imaginais que les gens pouvaient vivre dans ces toiles. A une nuance près, ce n’étaient pas des Watteau ou des Poussins mais des toiles du XIXe voire du XXe que nous appelions communément des croûtes et qui étaient conservées dans des musées perdus où les toiles comme les lieux auraient eu besoin d’une restauration en profondeur…
Puis tous les voyageurs de ces trains deviennent des personnages romanesques comme pouvait l’écrire Michel Butor dans La modification. Peut-être, était-ce une aventure rêvée que le narrateur se racontait et déroulait au fur et à mesure qu’il voyageait ; ou une aventure naissante du mystère des voyageurs que l’on croise et qui nous interrogent ?
Avec Rêverie, dans toutes les maisons de ces paysages, je cherche encore à chaque voyage cette femme qui risque de se faire assassiner, La Fille du train de Paula Hawkin, tout en me demandant si l’assassin n’est pas dans le train…
Bruno Palisson
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Ses œuvres régulièrement exposées et publiées, Bruno Palisson est représenté par la Art Trope Gallery.