Raphaël* est diplômé en 2020. Il travaille en agence depuis lors et entend devenir architecte en son nom propre. Verbatim.
[Devenir architecte du XXIe siècle]
Au sujet de l’enseignement du XXIe siècle, l’enjeu selon moi n’est pas de savoir si notre formation ne forme qu’au métier d’architecte praticien ou à d’autres métiers s’articulant autour (chercheurs, enseignants…),mais de faire prendre conscience aux étudiants, et donc aux futurs jeunes architectes, qu’ils disposent d’un champ disciplinaire propre. Cela passe selon moi par la fabrique du projet et la compréhension du processus de conception lui étant associé. Exprimer une idée ne passe pas seulement par le résultat final, par exemple une image de concours, mais par un processus de pensée qu’il faut notamment parvenir à expliquer aux autres acteurs de la construction. A la fin, il y a une pratique et donc, nécessairement, une articulation à trouver entre la théorie et le savoir-faire.
Selon moi, chaque projet est une recherche en soi dès lors que l’on a conscience de ce que l’on fabrique avec ce projet. Il s’agit d’une construction de la pensée qui mène sur une infinité de sites, sur une infinité d’échelles, à des résultats qui peuvent être très variés mais basés sur une réflexion et un processus commun, lesquels devant être enseignés.
L’écologie, notamment dans la ville, n’est pas forcément une écologie de la construction du projet. Il y a aussi une forme d’écologie liée à la mise en scène de notre patrimoine paysager, construit qui ressort de la responsabilité de l’architecte.
[De l’enseignement]
Le danger, avec l’émergence du système LMD dans l’école d’architecture est d’être confronté à une majorité d’enseignants qui seront uniquement chercheurs, certes dans des domaines liés à l’architecture, mais qui prendront la place des architectes praticiens dans les cours, dans les ateliers pour enseigner le projet.
De fait, aujourd’hui, pour accéder à l’enseignement, il va falloir avoir un doctorat. Or, notamment au début d’une carrière, il est presque impossible de trouver le temps de faire une thèse et en même temps de lancer son agence. Pourtant, en tant que jeunes professionnels, nous avons envie d’accéder à l’enseignement. Les AJAP, une récompense donnée par le ministère de la Culture et donc reconnue par l’État, devraient être une clé par exemple pour accéder à l’enseignement. Il serait intéressant de donner reconnaissance aux praticiens et une possibilité d’accéder à l’enseignement par ce biais-là.
[De la commande]
Pour ce qui concerne la fabrication du projet, je n’ai pas de craintes particulières. L’inquiétude est plutôt liée à l’accès à la commande. L’avenir dans la commande publique pour les jeunes architectes me semble pour le moment assez complexe et je ne vois pas actuellement le chemin pour y accéder.
Cela dit, je trouve très riche l’idée d’une mise en réseau pour créer un nouvel accès à la commande. Ce qui je crois plaît beaucoup aux maîtrises d’ouvrage sont les associations entre jeunes architectes et agences plus confirmées. Les deux se nourrissent mutuellement, les jeunes agences pouvant développer des références.
Je fais par ailleurs une distinction commande privée / commande publique car il y a selon moi une meilleure protection de la pensée de l’architecte dans la commande publique. Ma crainte est qu’il y ait une dissociation totale entre la commande privée d’un côté et la commande publique de l’autre.
Là où je suis optimiste, c’est qu’il y a sujet d’architecture pour n’importe quelle échelle : sur l’entrée d’un logement, sur une porte, sur une poignée, sur une séquence, pour des projets qui ne coûtent rien, il y a un sujet et il y a une pensée à fabriquer.
Propos recueillis par Christophe Leray (avec A.L.)
*Les prénoms n’ont pas été modifiés.
Retrouver les interventions …
– d’Estelle : « J’ai fait mes études en me disant que j’allais être architecte »
– de Margaux : « En Autriche les études durent 10 ans : on travaille en même temps qu’on apprend »
– de Marie et Melissa : « Au-delà de l’agilité à concevoir le projet, j’ai acquis de l’assurance »
– de Dimitri : « Enseignant, chercheur, praticien : j’ai envie d’être les trois ! »