Au printemps 2022, les architectes Julien Gougeat (mandataire) et Nabil Hamdouni (associé) signent à Oger (Marne) la restructuration du dos de Vertus en cuverie et la création d’un bâtiment neuf. Livraison prévue : 2024. Communiqué.
« Chaque nouvelle construction nécessite une intervention dans une situation historique donnée. Pour la qualité de cette intervention, il est décisif de réussir à doter le nouveau de propriétés telles qu’elles permettent d’entrer dans un rapport de tension signifiant avec l’existant. Car pour pouvoir se faire sa place, l’objet nouveau doit d’abord nous inciter à porter un regard nouveau sur ce qui est déjà là. On lance une pierre dans l’eau. Un tourbillon de sable s’élève puis apaise de nouveau. L’agitation a été nécessaire. La pierre a trouvé sa place. Mais l’étang n’est plus le même qu’auparavant ». Penser l’architecture. Peter Zumthor 2010
Depuis 1875 le clos n’a connu que des extensions utilitaires et quantitatives. Aujourd’hui, les bâtiments sont abîmés et difficilement adaptable aux usages techniques contemporains.
« Dans un tel contexte, nous proposons d’analyser, puis de soustraire, de retrancher, pour retrouver les grandes lignes de force du site. Comme souvent la construction initiale est la plus juste (orientation, implantation urbaine, usage…), nous repartirons donc de ce point de départ : le cellier et ses deux niveaux de caves », expliquent Julien Gougeat et Nabil Hamdouni. « Nous composons avec deux programmes apparemment opposés : un circuit de visite et une zone de travail », disent-ils.
Une cuverie est un outil industriel complexe. Elle doit être vaste, unitaire et fonctionnelle, les bâtiments existants, étroits et longs ne sont pas propices à la recevoir.
Grâce à la topographie du site il est possible de dessiner une cuverie presque parfaitement gravitaire en étendant les caves existantes. « Nous installons ainsi la cuverie au frais, dans le périmètre exact des premières constructions, en nous appuyant sur les excavations historiques et sans artificialiser un gramme de terre », poursuivent Julien Gougeat et Nabil Hamdouni.
Sous terre ne veut pas dire sombre. Le travail en coupe garantit à la cuverie un éclairement et une ventilation naturelle optimum. Le béton crème des poteaux et des planchers, lui, fait descendre la juste quantité de lumière tout au long de l’année.
« A l’idée de cacher le programme, ou d’invisibiliser ce qui fait l’identité du site, en l’occurrence la production agricole, nous lui préférons l’idée d’un secret précieux qui se révèle aux initiés et invités du clos, un édifice qui ne se laisse pas apprécier dans son entier au premier abord, mais se présente comme le résultat d’un parcours, d’une découverte, qui mérite qu’on lui consacre du temps », relèvent les architectes.
Encaisser la cuverie libère un espace généreux, à la croisée de tous les usages du projet : une place centrale d’où l’on aperçoit simultanément les cuves de vin de réserve et les vignes du clos.
L’ancienne cour de travail, espace traditionnellement fermé, devient une place ouverte sur le paysage qui se déploie sur plusieurs niveaux, dans et en dehors du cellier, retissant les relations entre extérieur et intérieur.
La toiture historique du cellier est reconstituée et réaffirme la présence de l’ouvrage à l’échelle du site. Cette démarche est complétée par une transformation des façades afin d’offrir aux espaces intérieurs vues et transparences sur le domaine, assumant ainsi le rôle de représentation du cellier dans le site.
Depuis la rue, la toiture de l’ancien cellier émerge au-dessus du mur de clôture reconstitué, qui en souligne la présence depuis l’entrée historique. En entrant dans l’angle, l’intérieur du clos se dévoile dans son entièreté au regard, avec en fond le cellier réhabilité.
Dès lors, il devient l’espace de représentation où sont installés l’accueil, la réception et, à l’étage, la dégustation en lien avec la terrasse. Cet espace, aboutissement du parcours du visiteur, est le lieu de rencontre avec le vin, ses producteurs et la vue dégagée sur les coteaux et le clos.
En façade et au plafond, le travail du bois permet de composer une lumière mesurée, claire mais pas aveuglante. En opacifiant une partie de la vue, un cadre intime est restitué à cet espace, tout en organisant la vue la plus lointaine sur le paysage. Ainsi, les visiteurs peuvent dans le même temps apprécier la dégustation du champagne et en admirer le terroir.
Le futur bâtiment du site d’Oger est le pendant technique de celui de Vertus. La plus grande partie du bâtiment répond à des contingences fonctionnelles et sa forme en découle.
Le projet est composé de deux grandes entités complémentaires : le stockage, un espace souple et opaque, amené à croître dans un horizon proche, et l’usine, par essence durable.