Le ZAN, zéro artificialisation nette, est actuellement l’objet de mises au point. Après la loi « climat et résilience », inspirée sur ce point de la convention citoyenne sur le climat, des décrets ont été publiés, remis en cause depuis et en attente d’aménagements en cours de finalisation, avec une nouvelle loi. L’affaire du ZAN est un bon cas d’école pour distinguer les différentes manières de concevoir l’environnement.
Revenons sur l’objectif, qui est de sauvegarder la biodiversité et de favoriser la vitalité des centres urbains. Qui peut y être opposé ? OK sur l’intention, revenons sur la méthode. Il ne sera plus possible, à terme, après une période de transition, d’artificialiser des sols en pleine terre. Le sous-entendu est, vous l’aurez compris, que toute artificialisation est mauvaise pour l’environnement et qu’il faut la réduire voire l’interdire.
Le malentendu avait déjà été créé avec la notion d’étude d’impact, loi de 1976 en France. Il s’agissait de subordonner une décision d’aménagement à une analyse de l’impact qu’il pourrait avoir sur l’environnement. Les expériences passées avaient montré les dégâts d’une opération menée sans prendre cette précaution, et il fallait tenter d’intégrer aux futurs projets les préoccupations d’environnement. L’impact ainsi perçu, hérité des anciennes pratiques, ne pouvait qu’être mauvais.
Nous sommes passés par la suite à une approche plus équilibrée, avec des concepts tels que l’écoconception, qui consiste à chercher des impacts favorables, des co-bénéfices, au lieu de se limiter à réduire les impacts défavorables.
Aujourd’hui, zéro artificialisation nous renvoie à l’approche ancienne, du moins dans l’esprit. L’artificialisation serait a priori négative. Y aurait-il une autre manière de faire pour atteindre les objectifs mentionnés plus haut ? Passer d’une démarche défensive à une démarche offensive, puisque chacun sait que la meilleure défense, c’est l’attaque. L’artificialisation peut-elle être positive ?
Ce changement de posture aurait notamment l’avantage de donner de l’environnement une image elle-même positive ; aller de l’avant au lieu de prêter le flanc à la critique courante d’immobilisme ou de retour en arrière. L‘esprit d’entreprise serait alors mobilisable au profit de l’environnement.
Aujourd’hui, nombreux sont les « entrepreneurs » qui voient dans l’environnement des freins à leur créativité plutôt qu’un moteur. Faire de l’environnement un défi à relever serait plus porteur que sa perception actuelle, trop de règlements, trop d’entraves, même si cette image est caricaturale.
Prenons l’exemple de l’agriculture, qui a su éviter d’entrer dans le cadre de la loi. Voilà une activité fondée sur l’artificialisation, qui compacte les sols sous de puissants engins, qui élimine les obstacles naturels à la circulation desdits engins, qui perturbe les équilibres biologiques à l’aide de produits chimiques, qui sélectionne les espèces animales et végétales et spécialise les sols, etc.
L’artificialisation positive serait l’agroécologie, dont le principe est de produire en accompagnant les processus naturels, plutôt qu’en les combattant. Le même raisonnement peut se tenir pour l’urbanisation et de nombreux aménagements. Une ZAC bio, c’est possible, qui respecte le régime des eaux et les zones d’intérêt écologique sur la parcelle, protégée des vents d’hiver, et ombragée l’été, à portée de vélo (ou mieux, de marche) du centre bourg et des commerces, avec des logements performants, des espaces ouverts accueillants, voire des jardins familiaux, etc. Le génie écologique au service de l’artificialisation.
Au lieu de zéro artificialisation nette, nous aurions préféré « uniquement artificialisation positive » ou toute formule équivalente : l’orientation aurait été donnée, avec le défi à relever par les acteurs locaux, élus et professionnels. L’adjectif « nette » vient heureusement tempérer la rigueur du zéro. Il y a donc un bilan, avec du plus et du moins, ce qui revient à accepter l’idée qu’il peut y avoir du positif.
Tout espoir n’est pas perdu mais il va falloir remonter le handicap de l’annonce « zéro », qui provoque de nombreuses réactions de rejet, notamment chez les élus. Faisons du positif la règle, ce sera bien plus encourageant que de le confiner à un rôle marginal de récupération ou de compensation.
L’environnement offensif, qui procure du plaisir et de la fierté, plutôt que l’environnement défensif, fatalement mal vécu et sans perspective.
Dominique Bidou
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