Les « Chroniques des limites planétaires » sont issues d’une note du groupe prospectif du Plan Bâtiment Durable, RBR-T, co-présidé par Christian Cleret et Jean-Christophe Visier. Dans ce premier épisode : que signifie au juste « prendre en compte les limites planétaires » pour les acteurs de la construction ?
À l’origine était le besoin : prendre en compte les limites planétaires démarre par la remise en cause même du besoin de construire, et surtout de construire neuf, comme détaillé par le groupe RBR-T dans une précédente note* sur la sobriété immobilière. Mais lorsque le besoin d’un projet de rénovation ou de construction est confirmé, peut-être ne percevons-nous pas l’ampleur des changements à opérer dans nos pratiques de projet.
Voiture balai de nos pratiques, la réglementation depuis la RE2020 indique aujourd’hui une incontournable contrainte carbone, avec des seuils de plus en plus exigeants, en plus d’exigences installées par les premières réglementations thermiques concernant les consommations d’énergie. Cela suffira-t-il et, si non, que devons-nous viser ? Comment la vertu d’un projet d’architecture se caractérise-t-elle vis-à-vis des limites planétaires ?
Le groupe RBR-T a formulé dans une autre note** le souhait que cette réglementation ne s’applique pas qu’aux projets neufs, qu’elle élargisse la focale des enjeux énergie et carbone (encore mal maîtrisés par les professionnels) à celui du confort dans les climats futurs (et pas seulement dans le climat actuel), et enfin qu’elle intègre a minima les enjeux de la matière, du cycle de l’eau et de la biodiversité.
Si la déclinaison complète des limites planétaires au secteur du bâtiment n’est pas réalisée sur l’ensemble des impacts connus, comme rappelé dans l’infographie ci-dessus réalisée par Guillaume Meunier, les enjeux concernant les ressources planétaires peuvent être traduits en quelques injonctions qui contiennent toute notre transition :
• Réussir une forte intensité de l’usage des bâtiments et ainsi diminuer proportionnellement le besoin bâtimentaire net de l’humanité ;
• Assurer la résilience du bâti existant et neuf aux effets du dérèglement climatique ;
• Consommer moins (juste assez) et consommer mieux (renouvelable) l’énergie, l’eau et la matière ;
• Soigner le lien au vivant, et préserver des lieux propices à son accueil ;
• Par le lien entre aménagement et besoins en mobilités de différentes natures, s’assurer que le bâtiment fournit assistance aux autres piliers de la décarbonation en favorisant les mobilités douces et décarbonées.
Si tous les grands acteurs de la maîtrise d’ouvrage privée comme publique et toutes les maîtrises d’œuvre ont bien intégré l’impératif écologique dans leur discours, tous les projets ne semblent pas d’une égale vertu. D’ores et déjà, force est de constater que certains projets « passent » la réglementation, et que d’autres doivent être retravaillés : les allers-retours entre métrique et projet sont déjà monnaie courante et demandent parfois à reconsidérer le dessin. Ainsi, les objectifs de la transition entrent potentiellement en frottement avec la forme et la méthode de production même du projet. Ceux qui ont déjà tenté de produire de la performance « 2028 » ou « 2030 », millésimes permis par la RE2020 l’ont touché du doigt.
Une nouvelle architecture naîtra-t-elle de ces nouvelles contraintes ? Quels en sont les signes dans la production actuelle ? Nos processus de conception sont-ils adaptés à cette nouvelle donne ?
Cette chronique a fait l’objet de nombreux entretiens et contributions. Elle tente de dégager des lignes de force de la transformation en cours ainsi que des propositions pour que l’architecture, synthèse culturelle et technique d’une époque, puisse y prendre sa part.
Précisons d’emblée que notre propos s’est attaché principalement à l’échelle du bâti, le sujet nous apparaissant déjà fort large : nous souhaitons néanmoins souligner que le bâti ne peut se concevoir sans sa relation à un contexte urbain et à un territoire. Il est donc pertinent et même nécessaire d’élargir la réflexion à une échelle plus large, ce qui pourra faire l’objet d’une réflexion ultérieure.
Dans la prochaine Chronique, nous nous attacherons à bien définir l’enjeu : en passant par la question formelle, il sera question pas moins que d’une transformation culturelle.
Pour le groupe RBR-T
Emilie Hergott, architecte-Ingénieur, Directrice environnement & numérique au sein d’Arep.
Cédric Borel, Directeur, Action pour la Transformation des marchés (A4MT)
*Lire Vers une sobriété immobilière et solidaire, les voies d’une meilleure utilisation du parc de bâtiment du groupe
** Lire Un label pour éclairer la route au-delà de la RE2020 du groupe RBR-T