Fin février 2017, Valérie Pécresse a dévoilé le ‘plan vert francilien’ dont l’objectif est d’offrir 10 m² d’espaces verts de proximité à chaque Francilien d’ici 2021, soit la création de plus de 500 ha d’espaces verts et boisés d’ici 5 ans. «L’équivalent du Bois de Boulogne», insiste la présidente du conseil régional. Par ailleurs, la future agence régionale de la biodiversité (ARB), une nouvelle émanation de la région, s’engage à diffuser «auprès des parties prenantes (architectes, paysagistes, services techniques) un catalogue des bonnes pratiques».
D’ailleurs Raoul de Parisot, président de la Filière Béton, réagit dès le 6 mars à cette initiative et «s’associe à cette tendance en accompagnant le retour de la nature dans et autour des villes, en particulier au moyen de la végétalisation des toits et des façades». «Une densification intelligente pour une meilleure qualité de vie», insiste-il. Bref nous voilà sauvés et la planète avec.
Pas en reste, Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, et Bernard Cadeau, président du réseau Orpi, signaient le 28 février «le premier ‘Green Deal’ (en anglais dans le texte), en faveur de la transition et de la rénovation énergétiques lors des transactions immobilières». «Pour accroître sa contribution à l’application de la transition énergétique, ORPI se mobilise aux côtés de l’Etat pour encourager… etc», explique Bernard Cadeau.
«S’il est indispensable de réfléchir dès aujourd’hui à la future réglementation énergétique et environnementale en matière de construction, comme nous le faisons avec l’expérimentation E+C- (comme dirait Einstein), l’enjeu majeur de l’habitat durable se situe dans la rénovation énergétique des logements existants», insiste la ministre. Certes ! D’ailleurs, comme il ne s’agit pour ORPI que «d’encourager et favoriser», cela ne mange pas de pain. Au moins, avec ce ‘Green Deal’, nous voilà encore plus sauvés et la planète avec.
Sauvés nous l’étions déjà – mais nous le savions à peine – par Anne Hidalgo, la maire de Paris qui recevait le 17 novembre 2016 à Washington le prix de la «diplomate verte de l’année». Décerné par le magazine américain Foreign Policy, il récompense l’action écologique et climatique de l’édile. «J’ai conscience que le plus grand défi de notre siècle est le défi climatique, il conditionne tous les autres. La vie humaine et la planète en dépendent», soulignait-elle à cette occasion, citée par l’AFP. «Il nous revient de relever ce défi pour les générations futures, pour nos enfants, il nous faut donc agir et agir maintenant», insistait-elle.
Apparemment, l’agriculture urbaine a le vent en poupe de l’éolienne (ou est-ce une girouette ?). Détroit, Montréal ou Berlin, entre autres, sont constamment prises en exemple, des villes beaucoup plus étendues et moins denses que Paris soit-dit en passant. Toujours est-il qu’avec seulement 44 «installations agricoles», soit 1,6 hectare sur les toits et 1,3 hectare au sol, Paris fait paraît-il pâle figure. Notez pourtant la très chic distinction entre installation et exploitation agricoles, une installation, à Paris, c’est bien plus artistique.
Aux actes citoyens donc et, paf, l’annonce, le 02 février 2017 de la création d’une champignonnière et autre «installations agricoles» dans un parking souterrain de 3 500m² dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Une «ferme urbaine», installée par une «jeune start-up» s’enthousiasment les gazettes.
Anne Hidalgo a fixé pour 2020 – dans trois ans ! – le seuil de 33 hectares cultivables, soit la multiplication par dix de la surface existante, un objectif exprimé clairement dans le concours Parisculteurs, clos fin octobre 2016, qui commande de produire sur une trentaine de sites «environ 500 tonnes par an de fruits et légumes, champignons, fleurs, engrais, miel, bière, poissons…». Super !
Sauf que, même si cet objectif est atteint, on a gagné quoi ? 500 tonnes de nourriture par an, éparpillées sur toute la ville, représentent moins d’un seul jour de consommation à Paris, ou 0,26% de la consommation annuelle de la capitale. Il s’écoule chaque jour en quelques heures 40 tonnes de produits frais sur chacun des nombreux marchés parisiens. Ce sont plus de 200 000 tonnes, rien qu’en fruits et légumes, y compris les champignons, qui entrent dans Paris chaque année. Comment sont-elles transportées ; en camion ? En camion électrique ? A dos d’âne ? A dos d’homme ? En drone ? Faut-il encore des routes ? Voilà une question urbaine non ?
En tout cas, donner à penser que l’on va transformer Paris en «ferme urbaine» est prendre les gens pour des imbéciles. C’est de la communication certes mais, du coup, une champignonnière, pour ‘marketer’ quoi ?
La loi ALUR facilite désormais les surélévations qui sont autant d’occasions de créer de la valeur sur de nouveaux m², et un toit occupé, fussent par des associations d’agriculteurs du dimanche, vaut toujours plus qu’un toit où il ne se passe rien. C’est comme du Lacaton & Vassal sauf que ça rapporte sans rien coûter puisque ça n’existait pas avant. Se souvenir cependant que la ville n’a pas forcément besoin d’être végétale partout, elle peut l’être ici, minérale là, mais c’est un autre sujet.
Surtout – les champignons souvenez-vous – surtout donc, après les volumes «aériens», les sous-sols sont en train de devenir une nouvelle source de revenus potentiels et il faut croire que ça en vaut la peine. «Les sous-sols en première nappe d’infrastructure sont aussi exploitables», explique Denis Thélot, architecte en chef, service des architectes de sécurité, préfecture de police de Paris. De fait, la ville de Paris souhaite développer les parkings à partir du 2ème sous-sol pour installer des ELU (Espaces locatifs urbains) au premier sous-sol. Le potentiel des R-1 est paraît-il extraordinaire : conciergeries, réserves, commerces, salles de fitness, cinémas pour aveugles. En manière de sécurité, il est possible d’aller jusqu’à – 6 mètres, précise-t-il.
Il n’est question ici de remettre en cause ni les efforts et les recherches des associations et hommes de l’art qui portent des projets pour rendre la ville plus agréable à ses habitants ni la nécessité de faire évoluer la ville en fonction d’échéances climatiques futures mais il faut raison garder. Vraiment, entre ‘Green deal’ ici et ‘plan vert’ là, microbrasserie sur le toit de la Bastille et champignonnières en bas, il faudrait que l’on regarde le doigt ? On nous vend la lune ou quoi ?
Même si l’agriculture urbaine fait jolie dans les magazines, 500 tonnes de fruits et légumes par an, ce sont des clopinettes, de la poudre aux yeux, avec une incidence ponctuelle au mieux. Par contre, transformer les espaces délaissés du sous-sol en lieux d’activité, puis en bureaux – il y en a déjà dans les sous-sols parisiens, ils sont interdits mais tolérés – puis, surtout, en logements, au prix du m² parisien et à l’échelle de la capitale, vaut sans doute son pesant d’or.
A charge bien sûr pour les architectes, puisqu’ils aiment les challenges, d’y amener la lumière naturelle, dans l’existant à 2,70 m de hauteur ou en futur état d’achèvement à 4 m.
Bref, pas étonnant finalement que Forbes apprécie tant les champignonnières qui font rêver… Et les ‘plan vert’ et autres ‘green deal’.
Au fait, Cécile, elle a des idées à ce sujet ?
Christophe Leray