
À Paris (XIIe), pour Immobilière 3F – DGRDI maîtrise d’ouvrage, l’agence croixmariebourdon architectes associés a livré en 2025 la réhabilitation thermique en site occupé de quatre immeubles pour 255 logements. Surface : 9 707 m² SPC. Budget travaux : 12 M€ HT. Communiqué.
Une aventure résidentielle remarquable
Le bâtiment fait partie d’un ensemble urbain édifié en 1930, par l’architecte Edouard Lambla de Sarria (auteur de l’Institut d’études Hispaniques à Paris) pour le compte d’un investisseur privé. L’aménagement distingue le côté pair, qui compte huit propriétés privées, du côté impair, objet de l’opération, qui forme un ensemble immobilier unique de 255 logements répartis en quatre adresses.
De part et d’autre de cette avenue résidentielle, les deux typologies de logements suivent une composition similaire. La distinction se traduit dans le traitement des détails. Ouvragés pour les propriétés du côté pair (serrureries et modénatures, fresques et mosaïques). Ample et radical, côté impair, pour l’ensemble immobilier unitaire.
Au fil des réhabilitations, la qualité architecturale des immeubles a été fortement dégradée. Le morcellement foncier du côté pair conduit à une perte de cohésion (ravalements différents, modifications contradictoires). Dans les années 1980, le grand ensemble résidentiel, côté impair, a perdu son expression dans une isolation par l’extérieur qui a masqué son dessin. La réhabilitation thermique des 255 logements offre l’opportunité d’engager une revalorisation architecturale et urbaine de l’avenue de Corbera.


Une réhabilitation ambitieuse en site occupé
La rénovation thermique des années 1980 a concerné l’enveloppe (isolation thermique par l’extérieur en polystyrène) et le remplacement des menuiseries bois par des châssis PVC avec conservation des bâtis d’origine. Le DPE avant travaux fait néanmoins état d’une consommation de 348kWh/m²/an, soit une étiquette F, qui place le bailleur dans une obligation de traitement selon la loi Climat et Résilience. L’opération va au-delà de la certification attendue. Elle associe la réfection de l’enveloppe et le remplacement des systèmes.
Face à l’impossibilité de compléter l’isolation en polystyrène existante en façade (sécurité incendie), celle-ci est remplacée par une isolation en panneaux de fibre de bois. Les nouvelles menuiseries extérieures en chêne sont équipées de stores occultants électriques. Le bâtiment est raccordé au chauffage urbain par la création de quatre sous-stations nouvelles. Les systèmes de ventilation sont remplacés.
Les actions menées permettent d’améliorer le confort d’hiver et d’été des résidents, comme de réduire leurs charges énergétiques. L’opération de réhabilitation en site occupé atteint une consommation CEP eq. DPE de 84 kW/h/m²/an (soit un CEP THCEex de 62,4 kWhep/m2/an), ce qui la place au niveau d’une étiquette B.


Patrimoine et environnement
L’opération s’appuie sur deux axes principaux : la valorisation patrimoniale de la résidence, et le développement d’une approche environnementale ambitieuse et innovante. Étant donné l’état dégradé du bâtiment d’origine et la perte de ses détails principaux, le projet vise à réinterpréter l’architecture art-déco initiale dans une expression d’aujourd’hui, basée sur l’emploi de matériaux biosourcés. Ce ne sont plus les appuis en béton qui portent le dessin des horizontales, mais des appuis en bois qui accompagnent les nouvelles fenêtres et redessinent les façades. De même, les rampants et bandeaux étanchés, dégradés et fuyards, sont remplacés par des ouvrages zinc finement assemblés.
Le projet aborde aussi la restauration et le renfort de la végétalisation. Le bâtiment présentait, à sa construction, un nombre important de jardinières individuelles, intégrées aux façades. Elles ont été comblées lors de la première isolation extérieure. Dans le contexte actuel, leur remise en service prend son sens. Elles sont complétées par une végétalisation de la toiture.


Ces actions restaurent une architecture intégrant le végétal, favorisent la biodiversité et contribuent au rafraîchissement urbain. Cent ans après la construction, le bâtiment art-déco croise les enjeux architecturaux et sociétaux actuels.
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