Comment l’école peut-elle protéger pour une part et s’accommoder pour une autre des souffrances qu’impose le changement climatique tout en adoptant une attention nouvelle pour l’équilibre du vivant dont nous faisons partie ? Comment partir du symptôme pour le sublimer ? Chronique de la catastrophe (non) annoncée.
Du secrétariat général de l’ONU aux élèves des lycées, on entend crier haro sur l’Etat et l’absence de courage politique des élus ! Certes chacun souhaiterait des actions plus fortes et plus claires pour limiter le changement climatique et protéger la biodiversité. Mais, dans les régimes démocratiques, les choix des élus reflètent les opinions de leurs électeurs, leurs divisions et la mollesse de leurs convictions écologiques. Sans conviction partagée au-delà des clivages politiques, sans solidarité profonde de tous les habitants avec les non-humains, nos élus refléteront notre manque de courage collectif.
Des dissensions de tous ordres aggravent sans cesse nos défiances vis-à-vis de nos institutions et de nos concitoyens. Cet été, après les émeutes dans les quartiers de banlieue en France, des mères de famille célibataires ont été stigmatisées, des policiers en colère ont refusé leurs services à leurs voisins. Un peu partout de fragiles solidarités se sont défaites.
Le repli sur soi a étendu son nombre d’électeurs. Depuis longtemps chacun, dans les grands ensembles, se retire chez soi en attendant que l’Etat-Mélusine transforme magiquement les banlieues en villages d’Arcadie. Les Anglais disent « It never rains, it pours » ce que l’on pourrait traduire par « un malheur n’arrive jamais seul ». Nous pourrions pourtant réagir, et travailler partout, en tant qu’architectes, à la création d’une nouvelle culture de l’anthropocène fondée sur un souci universel pour la nature !
À Romorantin (Loir-et-Cher) les changements météorologiques frappent le plus durement les habitants de l’ancienne ZUP du quartier Saint-Marc sur le plateau sec au sud de la ville. Construite vers 1969, elle a accueilli principalement des habitants venus du Maroc et de Turquie, alors que le ministère de la Construction savait depuis le milieu des années 1960 que les grands ensembles, plébiscités à la fin des années 1950 pour leur modernité, étaient en train de devenir des espaces de relégation des populations les plus pauvres.
Quinze immeubles de logements organisés en longues et hautes barres furent construits à deux kilomètres du centre-ville sur un terrain d’anciens jardins maraîchers, mitoyen d’un cimetière. Une école primaire de neuf classes et deux mosquées complétèrent le quartier.
Comme tant d’autres grands ensembles en France, la ZUP de Saint-Marc se transforma progressivement en ghetto de fait. Le maire attentif aux conditions de vie des familles ouvrières dans une ville qui avait vu fermer l’usine Matra en 2003 – le dernier sursaut d’un monde industriel qui avait fait la richesse et la fierté de la ville depuis deux siècles – décida de signer une convention avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), en juillet 2009 afin de faciliter l’intégration de ces habitants dans Romorantin.
Les démolitions de treize des quinze barres commencèrent en 2010. Une grande partie de la population fut relogée près du centre dans le nouveau quartier construit sur l’emplacement inondable de l’ancienne usine MATRA qu’elle partage avec des personnes âgées et des gendarmes.
C’était un premier pas dans la bonne direction. Le grand ensemble fut remplacé par un ensemble de maisons mitoyennes avec jardin dont quatre-vingts logements sociaux (gérés par la SA Jacques-Gabriel et Terres de Loire Habitat) et plusieurs dizaines d’habitations en accession à la propriété dans un terrain agrémenté par une promenade plantée. Les habitants du grand ensemble qui n’avaient pas rejoint le quartier MATRA y furent relogés. Leur vie s’en est trouvée améliorée mais rien n’a contribué à leur ouvrir un horizon plus large que celui du jardin familial.
En 2016, Romorantin a subi sa plus grave inondation depuis plus de cinq cents ans d’histoire connue et, si le quartier MATRA a surnagé sans aucun dommage, tel ne fut pas le sort d’autres quartiers populaires au sud de la Sauldre. Puis en 2003, 2017, 2020 et 2022 la ville de Romorantin fut affligée par des canicules qui se sont fait particulièrement sentir sur le plateau sec du sud de la ville, dans le quartier Saint-Marc et ses environs.
Il n’est pas nécessaire de faire preuve d’imagination pour comprendre que les habitants, héritiers de cette longue histoire de relégation dans un quartier comportant pour principal équipement deux mosquées et une école vétuste dont se plaignaient les enseignants, pouvaient se sentir abandonnés et poussés à se replier sur eux-mêmes.
En 2022, après sa réélection, le maire décida la construction d’une nouvelle école. J’ai gagné ce concours d’architecture en proposant un projet qui permettrait de tisser une relation plus étroite entre les parents, les enfants et les enseignants, et de faire de l’observation des sautes d’humeur du climat à l’intérieur de l’école le support d’une attention nouvelle pour la nature en Sologne par les enfants et leurs parents.
Ce projet s’inscrit, comme on vient de le voir, dans un effort de longue haleine pour désenclaver la population d’un quartier. Pour le maire cela signifie mieux intégrer des familles dans la vie économique de la ville et stimuler une vie de quartier permettant aux anciens et aux nouveaux habitants de vivre ensemble. Pour moi, en tant qu’architecte de l’anthropocène, cela signifie aussi construire un sentiment de solidarité entre eux et entre le quartier, la ville et sa région, la Sologne ; un sentiment fondé sur un mouvement de création culturelle qui les unit et les dépasse.
La gageure consiste à faire des plaies ouvertes par le changement climatique le support d’une nouvelle attitude vis-à-vis de la nature, à transformer la crainte des météores en souci pour la vie des non-humains autant que des humains. Ceci, en s’appuyant sur le germe de vie collective tournée vers la vie matérielle que constitue l’école parce qu’elle s’adresse, à la différence des mosquées, à toutes les familles et à tous les enfants.
L’ambition peut paraître démesurée par rapport aux moyens dont dispose un architecte. Le projet a séduit le jury du concours parce qu’il était attentif aux économies d’énergie et à une amélioration considérable des possibilités d’initiative données aux enseignants, autant qu’à l’attention pour l’environnement dans le quartier et dans l’école même.
Après le concours j’ai pu rencontrer les enseignants et quelques parents en présence du maire. Nous avons examiné chaque aspect du projet au cours de plusieurs réunions qui ont permis aux enseignants de l’enrichir et de se l’approprier. Cela a permis notamment une avancée importante concernant l’environnement intérieur de l’école.
Le principe fondamental que je poursuis est simple. Il s’agit de fournir aux enseignants un bâtiment qui témoigne d’une attention positive des pouvoirs publics à leur endroit, d’une reconnaissance de leur travail et des conditions de son exercice. Et, en prenant appui sur cette amorce d’une coproduction de la vie future de l’école, de leur donner les moyens de faire partager un désir d’ouverture plus large à la population et à la santé de l’environnement. En quelque sorte, il s’agit de fournir un meilleur instrument d’enseignement aux enseignants afin de leur permettre de propager un mouvement culturel-participant à la transition écologique ; à l’intérieur et au-delà des portes de l’école.
L’architecture a pour but la composition d’un ensemble d’intentions aux sources disparates afin de produire un lieu habitable. Elle impose aujourd’hui outre la sécurité des procédés de construction, une attention explicite, fortement encouragée par l’Etat, pour la diminution de l’empreinte carbone de la construction et pour l’amélioration de sa future isolation autant que pour l’économie d’ensemble de la réalisation du projet. Ce sont là des intentions incontournables à présent.
L’adjudication des travaux a permis de rester en dessous des 5% de dépassement des prix de référence alors que les dépassements ont été en moyenne de 20% dans la région du fait de la flambée inflationniste des années 2022-2023. Comment optimiser simultanément le bilan carbone de la construction, la thermique et le bioclimatique de l’utilisation courante ? Ainsi, l’étude d’un équipement photovoltaïque montre que si le bilan énergétique est favorable, le bilan carbone est désastreux.
Nous avons choisi d’arbitrer dans chacun de ces domaines. Pour le bilan carbone, par l’utilisation d’un bardage acier mieux valorisé que les bardages aluminium, l’enduit ou les plaquettes brique ; et par l’utilisation de bois non exotique, en structure charpente, notamment robinier et acacia, pour les clôtures. Pour le bilan thermique, par l’isolation par l’extérieur de 16 cm d’isolant sur les murs et 40 cm en toiture ; la ventilation double flux ; des pompes à chaleur pour le chauffage ; et un isolant au-dessus de faux plafonds et non pas rampant sous les toits des combles perdus.
Pour le bioclimatique, par l’évitement de l’orientation de façades plein nord grâce à la forme triangulaire du plan d’ensemble, les principales entrées de lumière protégées par la circulation abritée, des cours qui disposent de coins d’ombre tout au long de la journée et de préaux créant une légère brise venant de l’extérieur vers la cour les jours de très forte chaleur, et des rideaux extérieurs pour les ouvertures situées en dehors des circulations abritées.
Cependant, la contribution, recherchée par ce projet, à l’émergence d’une culture du soin pour les non-humains et les humains à Romorantin est d’une autre nature, moins technique et plus profondément architecturale car centrée sur l’habiter, c’est-à-dire sur le développement culturel des habitants. Elle concerne un transfert de l’investissement dans des espaces de service (circulation et toilettes) au profit des espaces d’enseignement (classes et bibliothèque) ; un nouveau rapport à l’ensoleillement ; la création d’espaces de rencontre informelle entre enseignants, parents et enfants ; et enfin une mise en scène architecturale des rapports entre nature et climat.
Les programmes des concours d’architecture scolaire reproduisent depuis des décennies des surfaces de classe inadaptées aux demandes de création par les enseignants d’activités multiples destinées à encourager les enfants à découvrir le plaisir d’accroitre leurs connaissances. Alors que les bibliothèques sont des lieux privilégiés de découverte spontanée de la culture accumulée dans les livres, les « normes » officieuses de surface les rendent inutilisables dans la plupart des écoles. Sans rien changer aux budgets de construction, il suffit de supprimer les couloirs et de repenser les conditions d’utilisation des toilettes pour mettre à disposition des enseignants des classes et une bibliothèque plus spacieuses où ils pourront multiplier les formes d’apprentissage offertes à l’initiative des enfants.
La suppression des couloirs conduit à l’organisation de circulations abritées à partir des cours. Elle oblige aussi à repenser le rapport à la lumière du soleil et au climat. Quand cessera-t-on d’ouvrir de larges baies vitrées directement exposées au soleil, baies qui pour éviter l’éclairage direct et éblouissant des cahiers ou des tableaux sont aussitôt occultées par des rideaux, sources d’autres avanies ?
La création de circulations abritées formant un péristyle autour de la cour permet, en faisant pare-soleil, d’ouvrir de grandes baies sur la cour tout en les protégeant de l’éclairage direct pendant les heures de classe. La ville de Rome disposait de portiques formant des promenades ombragées pour que les habitants s’y promènent au cours des heures les plus chaudes, nous pourrions nous en souvenir.
Ces circulations couvertes permettent aussi de se protéger de la pluie et elles n’exposent pas plus à la fraîcheur de l’air que la marche de la maison à l’école. Les projets d’architecture que j’ai pu visiter dans la ville nouvelle de Melun-Sénart (Seine-et-Marne) témoignaient d’une grande attention pour l’aménagement paysager de ces trajets aux abords de chaque école mais ils semblaient oublieux du moment crucial où les enfants passent de l’autorité des parents à celle des enseignants, comme si cela allait de soi, comme si les pouvoirs publics ne se lamentaient pas depuis des générations de l’absence de coopération entre parents et enseignants au profit de l’acquisition de connaissances par les enfants.
Comment pourrait-on imaginer que l’école devienne le foyer d’un mouvement culturel créateur de sentiments de solidarité entre les habitants si ces derniers ne se sentent pas chez eux dans l’école lorsqu’ils y conduisent leurs enfants ? L’expression « se sentir chez soi » est ambiguë. Elle ne signifie pas qu’on est libre d’y faire ce qu’on veut mais plutôt que chacun a sa place dans un rituel propre à l’organisation ; comme un enfant a sa place à table chez lui, c’est-à-dire chez ses parents. Pour cela, il faudrait au moins que les parents puissent pénétrer dans l’école et non pas se tenir sur le trottoir en attendant leurs enfants comme on attend quelqu’un à la sortie de prison.
Il n’est pas si simple d’autoriser les parents à entrer dans une école. Les enseignants peuvent à juste titre craindre des intrusions ou des maladresses involontaires de parents qui se sentent responsables de leurs enfants dans des lieux confiés par l’institution de l’éducation nationale à l’entière responsabilité des enseignants (jusqu’à la responsabilité pénale.) La liberté donnée aux parents d’entrer dans l’école ne doit pas empiéter sur la liberté des enseignants si l’on souhaite vraiment que de leurs rapports et de la médiation des enfants naissent un sentiment d’identité collective des habitants du quartier.
C’est pourquoi j’ai proposé une cour dédiée à l’accueil des enseignants, des enfants et des parents aux heures d’entrée et de sortie de l’école tout en créant, pour des enseignants pressés de rejoindre leur classe, la possibilité d’éviter de passer par cette cour.
Aux heures de classe, cette cour devient un espace de circulation pour les enfants de l’école élémentaire qui se rendent au gymnase (qui préexistait à la construction du nouveau groupe scolaire) et pour ceux de l’école maternelle qui se rendent à la salle de motricité et au restaurant scolaire, ainsi qu’aux enseignants qui se retrouvent dans leur salle ou dans le bureau du directeur. L’espace de cette cour occupe donc l’intersection entre l’espace de la vie du quartier et l’espace de vie de l’école. Il désenclave l’école et il ouvre aux habitants, aux enfants et aux enseignants un espace d’action communicative centré sur la culture.
Chacun comprend que ces trois catégories d’intentions architecturales forment autant de témoignages de l’attention du maître d’œuvre et des pouvoirs publics pour les enseignants. Ils y ont été sensibles et se sont associés à la recherche d’utilisations de l’espace qui offriraient aux enfants de nouveaux rapports à la nature. Comment l’école pourrait-elle montrer aux enfants et à leurs parents que l’on peut se protéger pour une part et s’accommoder pour une autre des souffrances qu’impose le changement climatique tout en adoptant une attention nouvelle pour l’équilibre du vivant dont nous faisons partie ? Comment partir du symptôme pour le sublimer ?
Sur le plateau de Saint-Marc les fortes chaleurs et la répétition des canicules récentes laissent présager des périodes de chaleur étouffante au printemps et à l’automne dans les décennies qui viennent. L’école est située dans un triangle qu’elle occupe complétement entre la rue Hubert Fillay, orientée est/ouest, au sud ; la voie de chemin de fer désaffectée, orientée nord-ouest/sud-est, à l’est ; et la rue Condorcet, orientée nord-est/sud-ouest, à l’ouest.
Au cours d’une journée très ensoleillée la cour maternelle fermée au nord par un mur exposé plein sud subira les plus fortes montées de chaleur, alors que la cour de l’école élémentaire ouverte au nord sur un boisé récent du quartier Saint-Marc bénéficiera d’une légère ventilation naturelle et, comme la cour de l’école maternelle, d’un préau ouvert vers l’est dont le toit en forte pente forme un venturi aspirant dès l’après-midi l’air chaud de la cour vers les zones plus fraîches de la façade est, créant donc une légère brise dans un endroit abrité du soleil du fait de l’orientation du toit.
La troisième cour, ouverte au sud-est est destinée à être plantée et donc à apporter un sentiment relatif de fraîcheur les jours de canicule. Les protections ainsi offertes permettent de s’accommoder de la chaleur sans pour autant la supprimer. Faire appel à des régulations naturelles de ce type aide certes plus que la généralisation des climatiseurs à diminuer nos consommations d’énergie. Elle incite aussi à adopter des conduites d’accommodation des moments les plus pénibles du climat.
On peut faire un parallèle avec la régulation des inondations par l’aménagement d’un lit secondaire pour les crues qui permettent d’adapter ses conduites à la montée de l’eau tout en surveillant ses fluctuations, par opposition aux digues qui la font disparaître de la conscience en la retenant jusqu’au jour où elles sont rompues et survient une catastrophe à laquelle nul n’était préparé. Les enfants comme les parents qui viennent les chercher dans leur cour feront de multiples fois cette expérience, mais le développement d’une attention pour la nature viendra d’un autre aménagement.
Les enseignants auraient souhaité disposer de jardins potagers, hors des murs de l’école, afin que les enfants puissent les cultiver eux-mêmes. Ce n’était pas possible car il aurait fallu pouvoir les protéger des vols et de plus il n’y avait guère d’espace ensoleillé disponible en dehors du parking des enseignants ! En revanche, il était possible de créer des plates-bandes évocatrices de la nature sauvage en Sologne. L’idée sur laquelle nous nous sommes arrêtés consiste à créer une surprise, une source de curiosité pour les enfants, et par ricochet pour les parents. À la Calahorra, un village sur la route qui conduit de Guadix vers l’Alpujarra, un seigneur espagnol fit construire un château fort en 1509, au temps de la Reconquista. Il fit appel au meilleur architecte militaire de son temps pour les défenses et à un architecte Italien pour l’aménagement intérieur.
Ce dernier commanda aussitôt à Carrare les marbres d’un patio à l’italienne avec un escalier intérieur monumental, offrant un havre de fraîcheur et d’émerveillement au visiteur qui ne connaissait encore que les murs aveugles du château fort. L’école de Saint-Marc, presque complétement fermée sur ses trois côtés apparait aussi comme une forteresse, mais vouée à la reconquête de la connaissance.
Nous avons cherché à faire de la cour de rencontre des parents, enfants et enseignants un bosquet de bouleaux sur fond de bruyères, d’où se découvre le spectacle inattendu offert par les cours de récréation : un support de l’imaginaire, un symbole d’une identité reliant les habitants du plateau à la nature et à l’histoire de Romorantin, la capitale de la Sologne. En opposition aux murs d’enceinte et aux plantations rectilignes le long des deux rues qui longent l’école, nous avons proposé deux jardins en plate-bande curviligne représentant des écosystèmes typiques de la Sologne. Un jardin représente les landes sèches ou les clairières en forêt de la Sologne le long du mur exposé au sud dans la cour de l’école maternelle ; un autre, exposé au soleil du matin dans la cour de l’école élémentaire, représente les colonies de fougères et les plantes à fleur de la forêt.
Aucune représentation n’est fidèle à la réalité qu’elle représente, mais elle permet au spectateur de s’en approcher par la connaissance et l’imagination et, surtout, elle prête corps à une idée. Un jardin demande du soin et s’il représente la nature sauvage, il naturalise l’idée que les hommes doivent prendre soin de la nature. L’intention est aussi simple que cela. Sa mise en œuvre repose entièrement sur l’ingénuité et l’enthousiasme des enseignants après l’intervention d’écologistes locaux pour la mise en place du sol et des plantes.
Ses effets dépendront du plaisir que les enfants trouveront à prendre soin d’un petit ersatz de Sologne et du désir qu’ils sauront communiquer à leurs parents de partir à la découverte de l’original. Ce n’est pas seulement le soin pour la nature qui y gagnera, mais aussi des habitants de cette banlieue exposés plus que les autres citadins aux avanies du climat qui y gagneront une place dans la construction d’une culture nouvelle, c’est-à-dire d’un sens de leur devenir historique.
Il faudra des milliers de tentatives de cette sorte pour que le sens de l’habiter se conjugue avec une nouvelle éthique des rapports entre les habitants et les vivants non-humains. Cela signifie qu’il faut réinventer l’architecture des bâtiments publics pour l’anthropocène. Seuls les architectes peuvent y parvenir. Je vous invite à créer dans tous les bâtiments publics, y compris d’habitat, des promenades architecturales qui conduisent du repli sur soi à l’attention partagée pour la nature.
Éric Daniel-Lacombe
Architecte DPLG, Professeur titulaire de la chaire « Nouvelles Urbanités face aux risques Naturels : Des abris ouverts » à l’École Nationale Supérieure d’architecture de Paris-la Villette.
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