
Le Musée d’Arts et d’Industrie de Saint-Étienne (Loire) propose jusqu’au 9 novembre 2025 une exposition intitulée L’Ambition du beau, ou comment le design naît à Saint-Étienne.* Retour aux sources ? Visite de presse.
Un titre intriguant dans un contexte un peu morose pour la ville, bien loin de l’euphorie qui présidait à la création du musée, en 1889… C’était le siècle où l’industrie de la houille avait bousculé le destin de la ville – première ligne de chemin de fer en France – et transformé l’économie locale.
Devenue un pôle sidérurgique et industriel de premier plan, abreuvée de capitaux nouveaux, la ville change de physionomie, comme en témoignent les palais tous néo quelque chose, qui fleurissent. C’est le temps de la modernité, où le travail animal est remplacé par le travail mécanique.
Un homme visionnaire comprend tout cela, et voit l’opportunité d’aller plus loin, en liant l’industrie aux arts décoratifs. Il s’appelle Marius Vachon (1850-1928). Il est de la région Loire mais il n’est pas né à Saint-Étienne. Il est journaliste, auteur de plusieurs études sur les œuvres d’art et l’architecture et, fait remarquable à cette époque, sur les Femmes Mécènes.
En 1851 il est à Londres, au Crystal Palace pour la Great Exhibition of the Works of Industry of All Nations : 564 m de long, 39 m de haut, structure en fer, 300 000 panneaux de verre plat, la plus grande surface vitrée jamais réalisée à l’époque. Le règne de la fonte. Paxton architecte. C’est le choc. La France n’est pas dans la prospective, ni dans la modernité. Elle stagne dans l’héritage du XVIIIe siècle, entre porcelaines et soieries.
Marius Vachon rentre avec une obsession : mettre l’art au service des industries.
Le ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts ne lui confie pas moins de six missions à l’étranger sur la question de la formation aux industries d’art. En 1899 il publie « Pour la défense de nos industries d’art ». C’est lui, entièrement, qui met en place le musée dans sa forme actuelle – Arts et Industrie –, lui qui pratique une politique compulsive d’achats d’objets du monde entier afin d’éduquer et d’inspirer à Saint-Étienne un artisanat issu de l’industrie.
Hommage lui est ici rendu à bas bruit. Trop nationaliste dit-on. C’est bien dommage.
Dans son sillage, l’actuelle exposition vise à montrer ce moment où le beau ne serait plus une affaire privée, quand l’industrie rencontre l’art industriel.
Produire de beaux objets et les vendre. Sous l’impulsion de Vachon, le musée achète, montre, promeut les produits issus des trois savoir-faire locaux : armurerie (2ème collection publique en France), rubannerie et cycles.
Hélas, chacun sait que ces industries péricliteront au XXe siècle.
Après Vachon, il faudra attendre 2009 pour un nouveau souffle et l’implantation de la Cité du Design, sur le site même de l’ancienne Manufacture d’armes de la ville, par Finn Geipel architecte. Le bâtiment principal, « La Platine » est une structure de 200 m de long par 32 m de large. L’enveloppe extérieure est composée de cassettes techniques triangulaires qui régulent le climat intérieur et la lumière.
L’exposition montre sur un petit écran l’essentiel de la production architecturale de la ville dans les années ‘30. Elle s’arrête là. L’architecte Auguste Bossu (1889-1946), auteur de nombreux bâtiments dans la ville y est représenté. L’écran défile à toute vitesse. C’est peu. Bossu avait co-fondé avec François Clermont la « Société des Immeubles par étages », une petite révolution…
Il est aussi l’auteur des deux Maisons sans escaliers. Vu du dehors rien d’extraordinaire.
Dedans c’est… étourdissant.
Tina Bloch
* L’ambition du beau ou comment le design naît à Saint-Étienne (Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne – jusqu’au 9 novembre 2025)