
Au Lavandou (Var), pour un maître d’ouvrage privé, PietriArchitectes a livré en 2025 l’hôtel Les Roches, la reconstruction complète d’un hôtel ***** de 40 chambres. Surface et coûts : n.c. Communiqué.
Invisible au premier regard, la complexité du projet de l’Hôtel Les Roches, livré par PietriArchitectes, réside dans sa capacité à s’inscrire naturellement dans le paysage. Chaque volume, chaque ligne, chaque matériau, a été pensé pour donner le sentiment que l’ensemble a toujours appartenu à la pente, à la roche, à la mer. Il s’agit pourtant d’une reconstruction complète, techniquement exigeante, conçue avec précision et retenue. Un projet où la maîtrise technique s’efface derrière l’évidence du lieu.

L’histoire d’une villégiature méditerranéenne d’exception
Le site de l’Hôtel Les Roches est intimement lié à l’histoire balnéaire du Lavandou et à la légende dorée de la Côte d’Azur. Entre ciel et mer, cet établissement emblématique a vu le jour dans les années 1930, à une époque où la villégiature méditerranéenne connaissait un essor sans précédent. Pensé dès l’origine comme un lieu d’exception, il attirait une clientèle discrète, exigeante et fidèle, en quête d’authenticité, de calme et de vues à couper le souffle.
Au fil des décennies, l’hôtel a évolué. Dans les années 1950, il fait l’objet d’un premier agrandissement, puis d’une extension plus ambitieuse dans les années 1980. Ces différentes strates architecturales, ajoutées les unes aux autres comme un patchwork, témoignaient chacune d’une époque, d’un goût, d’une manière d’habiter le rivage. L’identité de l’hôtel s’est construite sur cette juxtaposition, mêlant enduits blancs, volets bleus, volumes découpés, et surtout, une présence forte de la pierre locale de Bormes.

Excellence hôtelière et exigence architecturale
Avec le temps, le site s’est peu à peu éloigné des standards de confort et d’exigence contemporaine. Délaissé, morcelé, en perte d’unité, l’hôtel avait perdu de sa superbe, tout en conservant une aura particulière liée à sa situation exceptionnelle. En 2009, il est acquis par un groupe hôtelier familial français, convaincu de son potentiel unique. Le projet ne consiste pas à effacer le passé, mais à lui offrir une nouvelle lecture, fidèle à l’esprit du lieu. Il dépasse la simple restauration : c’est une véritable renaissance, portée par une volonté de concilier mémoire du lieu, excellence hôtelière et exigence architecturale.
Implanté au cœur des calanques de Peire Gouerbe, le projet s’appuie sur la pente naturelle du terrain pour organiser l’ensemble en strates. Un socle minéral forme la base du bâtiment et accueille les premières chambres en lien direct avec le rivage. Plus haut, un volume intermédiaire, légèrement en retrait, crée une transition douce vers trois bâtiments principaux. L’ensemble s’implante comme une série de gradins, accompagnant la déclivité du terrain, limitant l’impact visuel depuis le littoral, et créant un nouveau rapport entre l’architecture, le site et le paysage.

Reconstruire autour de deux mondes
Dès l’origine, tout part d’un lieu. Un site exceptionnel, enchâssé dans une petite baie du Lavandou, face à la Méditerranée, au cœur d’un paysage modelé par la roche, la pente et une végétation puissante. Il y avait là un hôtel mythique, marqué par l’histoire balnéaire du XXe siècle, mais transformé au fil des décennies par des ajouts successifs. Lors de la première visite, le bâtiment était abîmé, morcelé, techniquement obsolète. Pourtant, il portait en lui une mémoire architecturale rare, notamment à travers une structure voûtée en pierre, presque troglodyte, qui descendait jusqu’à la mer. Ce socle – entre cabanon, grotte et abri – a constitué le point de départ du projet.
La question était alors posée : comment construire un hôtel contemporain qui s’inscrit dans cette mémoire, dans cette matière ? La réponse s’est dessinée dans une double lecture du site : reconstruire autour de deux mondes superposés. Le monde bas, minéral, protecteur, massif. Et le monde haut, fragmenté, lumineux, aérien.
Le socle, creusé dans la pente et revêtu de pierre de Bormes, accueille les chambres les plus proches de la mer. Pensées comme des grottes de pierre ou des cabines de bateau, ces pièces sont voûtées, et s’ouvrent par de larges baies sur l’horizon. Elles offrent une expérience unique : dormir dans un espace presque archaïque, épais, rugueux, en lien direct avec l’eau. Ce socle assure également la stabilité face aux éléments naturels, formant une base solide sur laquelle repose une plateforme – le niveau de vie de l’hôtel – qui regroupe l’accueil, le restaurant, la piscine et les espaces communs. Cette ligne horizontale, en rupture avec la pente, agit comme une faille entre deux univers.

Au-dessus, les bâtiments s’élèvent sans jamais s’imposer. Fragmentés en quatre volumes autonomes, séparés par des failles, ils laissent le relief respirer. Ces espaces interstitiels, entièrement végétalisés, accueillent des escaliers minéraux plantés d’essences méditerranéennes. La végétation y joue un rôle actif : elle filtre les vues, réintroduit la nature entre les masses bâties, et accompagne la descente vers la mer. Ces vides sont pensés comme des respirations paysagères, permettant aux grands arbres et aux lumières de traverser les constructions. Des toitures végétalisées et des terrasses plantées renforcent cette continuité, prolongeant la géographie du site jusque sur les bâtiments eux-mêmes.
L’architecture du niveau supérieur se veut plus légère : balcons et casquettes solaires en béton fibré à ultra-hautes performances, perforées de motifs arrondis qui tamisent la lumière. Ces éléments fins, presque flottants, offrent une lecture contemporaine du rapport au soleil, à la façade et à l’intimité. Ils marquent la volonté d’habiter la Méditerranée avec retenue et précision.

Cohérence avec son environnement
« Notre première intention architecturale a été de recomposer une unité cohérente dans un site morcelé par les ajouts successifs et les strates du temps, tout en affirmant une grande légèreté dans la perception. Mais cette légèreté apparente repose sur une véritable prouesse technique. L’enjeu n’était pas seulement de dessiner un hôtel, mais de le faire tenir dans un terrain complexe, fortement dénivelé, contraint par son environnement bâti et naturel, et exposé à la mer. Chaque bâtiment a été pensé comme un élément autonome, imbriqué avec précision dans la topographie, dans une logique d’assemblage sophistiquée qui évite toute artificialité », explique PietriArchitectes.
L’architecture méditerranéenne a guidé la démarche, non comme un style figé, mais comme une culture constructive, faite de murs épais, de percements maîtrisés, de matériaux durables et d’ombres portées. La réponse technique à ces choix formels a exigé un travail d’ingénierie précis : structure adaptée aux variations du sol, enveloppes performantes, matériaux choisis pour leurs qualités mécaniques autant qu’esthétiques.
La fragmentation des volumes, loin d’être un effet, est une stratégie d’intégration, une manière d’habiter le relief sans le dominer, de sculpter les masses plutôt que de les imposer. Le projet multiplie les cadrages sur le paysage, articule les vues, organise les circulations à travers un système de passerelles, de socles et d’escaliers qui participent pleinement de la composition. La végétation est réintroduite comme matière d’architecture, enveloppant les structures, filtrant les perspectives, et prolongeant le bâti dans le vivant. Chaque contrainte devient une opportunité de conception.
Détails techniques
Ce projet puise sa force dans la précision architecturale et l’exigence constructive. Pensé comme une œuvre de matière et de lumière, il s’appuie sur une écriture architecturale claire, rigoureuse, où chaque élément joue un rôle à la fois structurel, esthétique et symbolique.
La pierre de Bormes, extraite localement, est omniprésente. Elle forme les murs pignons, enveloppe le socle minéral et constitue l’assise du projet. Elle affirme le lien au sol, à la géologie du site, et inscrit l’hôtel dans une continuité paysagère forte, presque tellurique. Cette pierre brute, taillée, assemblée avec soin, apporte à la composition une gravité maîtrisée, une épaisseur au temps.
En contraste, le béton fibré à ultra hautes performances (BFUP) est utilisé pour les débords de dalle, véritables casquettes légères qui se projettent dans le vide. Sculptés avec précision, ces éléments techniques – affinés en bout, perforés de motifs arrondis – filtrent la lumière estivale et dessinent, sur les façades, une vibration d’ombre et de transparence. Ils traduisent une approche contemporaine de l’ornement, où la performance structurelle sert l’expressivité architecturale.
Ce dialogue entre minéralité massive et légèreté technique se déploie sur l’ensemble du projet. Les volumes bâtis s’imbriquent dans la pente, sans l’imposer. Les circulations s’organisent en passerelles métalliques, les escaliers en pierre et acier sont intégrés dans des percées paysagères. Chaque détail, chaque assemblage, témoigne d’une volonté de faire architecture, dans le sens le plus exigeant du terme. Un projet où la matière construit l’espace, et où la technique devient une forme de poésie.
