Explorer la frontière du globe, entre masses d’eau et masses terrestres, les déserts étant bien souvent des océans dans le passé géologique de la planète. Chronique-photos d’Erieta Attali.
Le globe terrestre fut l’une de mes principales sources d’émerveillement lorsque j’étais enfant. Il y a une dualité inhérente dans la façon dont j’ai projeté le monde sur cette boule de fer blanc imprimée et la boule de fer blanc sur le monde réel. Je pouvais le tenir dans mes mains et scanner la surface, tracer les contours des masses continentales et zoomer instantanément sur des lieux pour lesquels mes seules références étaient leurs noms étrangers et un pastiche d’images (généralement sans rapport) provenant des journaux et de la télévision.
Même si je pouvais tenir le globe dans mes deux mains, cela n’en était pas pour autant la limite. C’est comme si la surface, ondulée de plis, cachait des détails infinis qui ne pouvaient être démêlés qu’en voyageant dans ces mondes imprimés ; et, toujours, ce qui reliait le tout était l’eau.
Une grande partie de mon travail porte sur la frontière du plan d’eau, immédiatement visible lors de l’exploration des côtes sur une carte, frontière tellement radicale que les anciens Grecs estimaient que le monde entier était enfermé au sein d’un fleuve primordial englobant le tout. Ces grandes étendues aquatiques, en rejoignant la terre, exposent l’état liminal primitif de l’eau ; à la fois connecteur et séparateur.
Ce ne sont pas seulement les topographies maritimes qui mettent en évidence l’insularité et l’éloignement des paysages transitifs ; les déserts fonctionnent de manière très similaire. De fait, de nombreux déserts étaient d’ailleurs des mers ou océans dans le passé géologique de la planète, bien avant qu’une forme de vie bipède ne les arpentent. Très souvent, la surface d’un désert ondulant et changeant de forme peut être tout aussi sensible au vent que la mer.
La photographie, prise sur l’île de Paros en Grèce dans la mer Égée le 27 décembre 2023, est un exemple de paysage désertique et de mer convergeant. Les géométries minérales pointues définissent une forte limite visuelle, mais la désolation du paysage semble se refléter sur la vaste mer ouverte. Dans les types de déserts plus doux et plus granuleux, la topographie aride changeante semble subir une transformation à mesure qu’elle s’enfonce littéralement dans la masse d’eau.
Les stries superficielles du sol sont transportées à la surface de l’eau sous forme de vagues et d’écume. Les bords où l’eau et la terre entrent en collision présentent des qualités atmosphériques résultant des différences majeures de gradients thermiques entre l’eau et la terre car les brises marines et la condensation intense chargent l’air.
C’est le cas de la photographie norvégienne où le but était de s’approcher d’une ambiance proche de celle de Paros. La rencontre de l’eau et du désert a été la caractéristique principale de mes cartes géographiques, tant mentales que physiques : je l’ai d’abord recherchée étant enfant et j’ai entrepris de la reconstruire en tant que photographe.
Erieta Attali
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