À Cantenac (Gironde), l’agence Philippe Madec (apm) & associés a livré en 2023 la réhabilitation de l’ancien complexe hôtelier existant en un bâtiment vinicole comprenant les nouveaux chai et cuvier du domaine de la SCEA Château Cantenac Brown maître d’ouvrage. Surface : 5 236 m² (surface de restructuration) ; 9 191 m² (château + chai). Coût des travaux : 19,3 M€ HT. Communiqué.
Le Château Cantenac Brown est un domaine viticole situé à Cantenac au nord de Bordeaux dans le Médoc, en Gironde. En AOC Margaux, il est classé troisième grand cru dans la classification officielle des vins de Bordeaux en 1855. L’emblème de Cantenac Brown est son spectaculaire château de style Tudor, qui en fait l’une des propriétés les plus remarquables parmi les grands crus classés.
Le chai et le cuvier existants, tout comme le process viticole, datant, la création d’un nouvel ensemble chai et cuvier permet de répondre à l’augmentation de la production et à l’évolution des techniques, notamment la vinification gravitaire.
Intégration du projet dans le territoire et son site
Ici, pour le projet, pas de bâtiment objet cherchant une singularité. Pas de concurrence avec la demeure Tudor. Le choix de la réhabilitation plutôt que la démolition est un engagement écoresponsable, frugal, faire avec ce qui est déjà là. Le projet s’installe dans les traces et les volumes de la partie sud (AXA) qu’il complète.
Creuser pour s’enfouir est une hérésie. Les volumes de l’extension sont en élévation, couverts de toits à deux pentes dont la hauteur du faîtage et la taille des volumes ne dépassent pas celles du château. Une série de toits, couverts de tuiles mécaniques, abrite les 9 191 m² de l’outil viticole. Les hauts faîtages sont au centre pour être mieux intégrés dans l’ensemble ourlé des volumes bas dont les extrémités sont taillées en croupe.
Les matières présentes sont reprises : la pierre calcaire et le bois peint en rouge sombre, obtenu par un oxyde de fer aussi utilisé dans les bandes rouges des murs en pisé.
Pour associer les parties anciennes et les nouvelles dans un seul ensemble architectural, la façade en angle principal du chai est un long et haut mur en pisé non stabilisé. Un haut soubassement en épais blocs de pierre massive calcaire la protège des remontées capillaires. Un large débord de toiture l’abrite sous une gouttière havraise en cuivre recyclé.
Parti pris architectural
L’architecture naît d’une suite d’espaces dont la série vient du procès viticole et des visites. Une halle de vendanges accueille le travail et les visites sous une charpente en bois massif moisé, peint en rouge (peinture à la farine). Installée contre l’aile Sud existante, elle forme avec une halle technique, une cour de travail, arborée, pavée, ouverte sur le bois.
Par une voûte cochère existant dans l’aile sud, s’ouvre le cuvier, le lieu du travail et de la lumière. Un vaste espace à deux niveaux, abreuvé de lumière naturelle, venant des fenêtres existantes, de la façade grande ouverte sur le parc, des tympans vitrés est et ouest et des ouvertures zénithales.
La structure est mixte : en partie inférieure dans la hauteur des cuves inox, elle est en acier galvanisé ; en partie supérieure, elle est en bois selon une composition en losange portée par des poteaux en V. Au centre, les cuves élévatrices portent le procès gravitaire.
Une galerie étroite entre un mur en bois et l’autre en pisé plonge dans le sombre et prépare le regard à la faible lumière du chai.
Le chai se donne alors, le lieu de l’ombre et du temps long. On y accède d’un côté le long d’un mur de Briques de Terre Comprimée (BTC). La haute voûte en bois massif moisé (double suite de Fibonacci sur nombre d’or) apparaît, posée sur des compas en acier. L’espace du chai se déploie en latéral sous les volumes existants pour recevoir l’ensemble des barriques. En périphérie les murs sont parés en BTC, devant une double isolation en liège, à l’intérieur du grand mur de façade d’angle en pisé.
Un long escalier en acier et chêne massif se déploie dans un haut vestibule bardé de BTC sous la lumière rougie des fenêtres conservées. Il accède à l’étage de la partie la plus ancienne : le chalet, au rez-de-chaussée duquel se tient le chai à foudres.
L’étage du chalet est vidé, blanc. Toutes les baies ont été ouvertes, dont l’une, large, donne à voir l’étendue des vignes jusqu’à perte de vue. C’est la salle de dégustation en lumière du jour pour voir la vraie belle robe des vins.
Chaque grand espace : halle de vendanges, cuvier et chai, possède une ambiance spécifique, fruit des matérialités, des couleurs comme des lumières adaptées et des charpentes adaptées aux usages. Ombre heureuse, longue charpente de marché couvert sur poteau doublement moisée, peinture à la farine et oxyde de fer, la halle de vendanges s’ouvre à tous les usages.
Haut, étendu, le cuvier est l’espace du travail quotidien, apollonien, celui de la grande lumière naturelle qui rebondit sur les cuves en inox, sous une structure stratifiée, acier à la hauteur des cuves, charpente bois massif à base de losanges.
Enfin, le choix d’un process gravitaire et l’emploi de la terre crue pour les murs apportent un confort acoustique exceptionnel aux vinificateurs. Le silence ambiant a été la plus grande surprise de l’équipe pour la première utilisation du nouvel outil. On entre désormais dans le nouveau chai de Cantenac Brown comme dans un temple.