Les 16 et 17 mai 2024, à POUSH à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), se tenait la première édition du Festival Échelle Un, une continuité de l’incubateur pour jeunes agences d’architecture de l’Ensa Paris-Est. Journal d’une jeune architecte.
Constellations Studio faisait partie des agences invitées mais nous ne savions pas exactement quelle forme allait prendre cette « vitrine pour jeunes agences ». Au fil des mois de préparation, nous avons vu émerger un événement d’envergure, devenu un des moments forts de notre année, et je vais vous raconter pourquoi.
Le festival alternait tables rondes sous format de conférences, ateliers de ‘speed dating’ entre architectes et maîtres d’ouvrage, des ateliers d’écriture et bandes dessinées, et une exposition de projets et maquettes. Le mot d’ordre commun à toutes les étapes de ces deux jours était la valorisation des jeunes agences : écouter leurs engagements, débattre de leurs difficultés, valoriser leur travail et, in fine, les aider à aller plus loin en facilitant des rencontres prometteuses.
Les profils rencontrés sont divers : il y a ceux qui se lancent à peine, ceux qui sont « jeunes » depuis un moment déjà, des relations connues mais perdues de vue. La bienveillance associée à la découverte de travaux passionnants était palpable.
Des jeunes qui valorisent des jeunes
Est-ce aux ENSA d’assurer cette prestation ? Sinon, qui d’autres ?
C’est un soulagement de s’apercevoir n’être pas seul à jouer des coudes pour exister, pour trouver des marchés, pour gagner sa vie. Rien n’est facile pour créer son agence d’architecture mais il est bon de se sentir accompagné.
Les organisateurs du festival présentent également une équipe jeune et dynamique ! Matthew Won Piker, le curateur, Mathieu Delorme, le directeur de l’Ensa Paris-Est, Claire Minart, créatrice de l’incubateur, Marion Leclercq à la communication etc. Finalement, peu d’entre eux dépassent les 45 ans il me semble. Que cela signifie-t-il ? De jeunes équipes pédagogiques sont-elles plus enclines à valoriser leurs semblables ? Est-ce pour cela que nous nous sommes senties si bien durant ces deux jours ?
Et puis, je finis par me demander si ce n’est pas l’entre-soi qui nous paraît si rassurant. Pour autant, je crois qu’il est nécessaire que des architectes de tout âge s’engagent pour accompagner leurs pairs novices, le propos ne peut que s’enrichir dans un processus d’écoute et de transmission.
Se valoriser, un exercice complexe
Les ‘speed dating’ organisés entre maîtres d’ouvrage et architectes étaient une expérience complexe. Deux agences présentaient leur travail à leur interlocuteur et cet interlocuteur présentait les opportunités de projet sur son territoire, le tout en quinze minutes (la séance terminée par un petit coup de klaxon autoritaire). Certains de nos collègues ont adoré, d’autres ont détesté. Les associés d’une agence n’ont pas supporté le processus et ne sont pas allés à son terme ; peut-être était-ce trop frontal comme confrontation avec le monde réel du travail et de l’architecture.
La maîtrise d’ouvrage, volontaire et très ouverte, regardait défiler les architectes se battant pour leur plaire. Cela avait un côté qu’il fallait oublier pour réussir à se focaliser sur la cible, l’effet Bachelor : « à la fin, il n’en restera qu’un », « vous serez mon préféré ».
Alors, les jeunes s’intéressent à quoi ?
Les thématiques des conférences avaient-elles été proposées par d’anciennes agences du dispositif Échelle Un ? Elles avaient un double intérêt : mettre en valeur le propos et le travail des intervenants, et offrir à quelques-uns leur première expérience d’animation de petites conférences, ce qui n’a rien de simple.
Certaines conférences étaient très lues et sages, d’autres tout en débats et indisciplinées. Ce qui est sûr est que beaucoup de ces jeunes agences sortaient débordées, incapables de savoir « si c’était bien » ou « je n’ai rien dit de ce qui était prévu ». Évidemment que c’était bien et que le public n’y a vu que du feu. Surtout, pour de jeunes architectes, l’exercice est formateur et pour tous ceux qui n’avaient jamais fait de conférences, un baptême du feu !
Le choix des thèmes était révélateur de la pluralité des pratiques et des sujets qui passionnent : « L’architecture est-elle trop sérieuse pour être laissée aux (seul.es) architectes ? », « Casse-tête ZAN : où et comment construire aujourd’hui ? », « Patrimoines non remarquables : qui défend nos architectures ordinaires ? », « L’immobilier solidaire : secteur de niche ou transformation du secteur ? » (c’était Constellation Studio), « De la marge au centre : vers de nouvelles normes architecturales », « Une photo vaut mille… : la collaboration entre architecte et photographe », « Solidarité entre (jeunes) architectes : vers un mouvement fédérateur »… Que des thèmes justes et globaux, qui indiquent que les jeunes ont des sujets d’intérêt contemporains et pertinents.
Je ne sais pas si ces deux jours à valoriser nos pratiques nous ramènerons réellement un accès à la commande mais, encore une fois, quel bonheur, pour une fois, de se sentir accompagné et soutenu ! En tout cas le festival nous a permis de faire des rencontres et quelques déjeuners sont d’ores et déjà prévus, alors affaire à suivre !
Estelle Poisson
Architecte — Constellations Studio
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