Le reportage de Takuji Shimmura à Erevan, ville victime de crises successives et telluriques par leur magnitude, offre un effet de sidération à l’aune de celle provoquée par la pandémie de 2020 en Europe. Un regard généreux sans ni jugement ni injonction, témoignage à hauteur d’homme d’un photographe discret et sensible. Chronique-photos.
Les collines qui entourent la capitale arménienne étaient autrefois le terrain sauvage où les enfants venaient depuis toujours se gaver des fruits de vergers sans propriétaires. Les arbres ont été les premières victimes de la crise énergétique de 1992-1993 qui a suivi les événements sanglants de l’indépendance de l’Arménie vis-à-vis de l’URSS en 1991.
Bientôt ces terrains déshérités devaient se couvrir des chantiers par lesquels Erevan encore meurtrie par le tremblement de terre de 1988 se donnait un nouveau visage.
Ainsi émergent, du centre-ville aux alentours, ces écoumènes qui façonnent un paysage chronologique, laissant apparaître les traces des époques passées, des vieilles maisons, des grands ensembles bâtis durant l’ère soviétique, co-existant avec les nouvelles constructions.
L’histoire et la mémoire, le quotidien et l’essor du développement dessinent ensemble une topographie singulière, à l’image de la terre vivante, vulnérable et dynamique du Caucase.
L’écoumène (ou œkoumène) est un vocable géographique recouvrant l’ensemble des espaces occupés par l’humanité. Cette notion est naturellement fluctuante avec la connaissance que l’homme a eue de l’occupation de la terre, ses empires et ceux des barbares.
Dans mon projet, l’écoumène désigne l’appropriation urbanistique d’Erevan, jusqu’aux collines vierges qui l’entouraient depuis toujours.
Takuji Shimmura
Ces images ont été réalisées en été 2007 et au printemps 2008.
Ce projet a remporté Le Prix Lucien Hervé et Rodlf Hervé 2008.
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