Faut-il encourager l’autorénovation, une sorte de partage des tâches entre professionnels et habitants ? Une alliance qui pourrait « faire plus avec moins ». Au risque de la qualité ? Chronique de l’intensité.
Un grand chantier qui durera des dizaines d’années. La rénovation énergétique est considérée comme une urgence climatique, à juste titre, mais nous savons qu’elle demande des années d’effort pour reprendre un parc immobilier ancien et souvent mal entretenu.
D’autant que le mouvement a du mal à se développer, les entreprises ne sont pas prêtes, la demande sociale est morne, surtout en période inflationniste et de crise du pouvoir d’achat. Le tout dans un contexte de pénurie de logements, qui fait hésiter sur les politiques de retrait du marché des « passoires thermiques » et de zéro artificialisation nette.
Le parc ancien est par nature disparate, la « massification » qui peut faire gagner du temps et de l’argent, est délicate, sinon impossible, les diagnostics peinent à se mettre au point. En moyenne, chaque logement attendra au moins 15 ans avant que son tour n’arrive. Que faire en attendant Réno, pendant ces 15 ans, ne rien faire ?
« L’État envisage d’encourager l’autorénovation pour les ménages », apprend-on dans la presse spécialisée (Actu-Environnement, 4 octobre 2023). Bonne idée de faire appel aux principaux intéressés. Cela peut faire gagner du temps et de l’argent et, en plus, une telle politique ne peut que renforcer la motivation des habitants et faire espérer un bon entretien du bâti ainsi rénové, une bonne maintenance.
L’autorénovation pour assurer la pérennité des améliorations dans le temps. L’inverse d’une rénovation « clé en main », qui ne responsabilise guère les bénéficiaires de travaux qui leur restent étrangers, et pas toujours compris et encore moins assimilés.
Le risque est grand, néanmoins, que la qualité attendue des travaux ne soit pas au rendez-vous. La performance énergétique est exigeante, elle se joue souvent sur des détails, des ajustements, et le savoir-faire, l’expérience sont indispensables pour atteindre des niveaux compatibles avec les objectifs climatiques. Si les aides financières sont réservées aux travaux réalisés par des entreprises labélisées RGE, avec le suivi d’accompagnateurs, c’est bien pour se donner le maximum de chances de succès.
Ajoutons que les rénovations dites « globales » sont privilégiées, car plus efficaces que l’accumulation d’interventions partielles, ce qui rend encore plus difficile l’autorénovation.
L’idée émerge alors d’accompagner l’autorénovation. Une sorte de partage des tâches entre professionnel et habitant. Une alliance qui pourrait « faire plus avec moins », moins de temps de professionnel sans dégrader la qualité. Un peu comme les « compagnons bâtisseurs » pour le neuf.* Une solution qui ne soulève guère d’enthousiasme du côté des syndicats professionnels qui ne croient pas en sa faisabilité à grande échelle et craignent que cela soit une source de travail au noir.
« L’amateurisme » et la performance ne marieraient mal, même si la crise sanitaire a provoqué une poussée du bricolage. Un encadrement strict de cette manière de faire et un contrôle des performances semblent des conditions incontournables à remplir pour éviter toute dérive.
Affaire à suivre, donc, mais à mettre en lien d’une autre approche, résumée dans le titre d’une opération commencée par l’ADEME en 2008 « familles à énergie positive », et reprise aujourd’hui sous le nom de DECLICS**. Sans attendre la rénovation, nous pouvons faire tout de suite des économies d’énergie dans les logements tels qu’ils sont. L’observation des dix premières années du programme montre qu’un gain de 12 % sur les consommations d’énergie et de 13 % sur l’eau est accessible en faisant juste attention, des gestes simples, sans perte de confort. Accompagner ce mouvement, le renforcer serait un bon moyen d’attendre utilement la rénovation et de mieux cerner les manières utiles de faire des économies. Ladite rénovation n’en sera que plus performante, et ses effets plus durables.
À l’instar de ce qui a été fait pour le tri des déchets, des « ambassadeurs » de l’habitat seraient bien venus pour diffuser une culture de l’économie au quotidien. Il y a à gagner partout, à la cuisine en décongelant à l’avance et en utilisant une marmite norvégienne par exemple, en fermant partout les volets la nuit pour éviter les déperditions, en aérant régulièrement, etc.
Et pour les bricoleurs, aidés ou non par des artisans, il y a une multitude de petits équipements qui feront encore gagner des kWh et des euros, tout en offrant plus de confort. Les détecteurs de présence, les mousseurs sur les robinets sont des exemples classiques, ajoutons-y la pose de stores pour lutter contre les canicules, et bien d’autres petits appareils faciles à poser et qui produisent des économies. Là encore, les conseils d’ambassadeurs seraient bien utiles.
Un minimum d’attention, quelques petits aménagements aideront à attendre intelligemment la rénovation, et à contribuer dès maintenant à la lutte contre l’effet de serre dans les logements existants. Les grands programmes, c’est bien, mais qu’ils ne fassent pas oublier que chacun d’entre nous peut initier le mouvement. Aide-toi, le ciel l’aidera, ça vaut aussi pour l’énergie, et le confort dans un logement rénové.
Dominique Bidou
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* https://www.compagnonsbatisseurs.eu/auto-construction
** DEfis Citoyens Locaux d’Implication pour le Climat et la Sobriété