Dimitri Toubanos, Architecte HMONP, Urbaniste Sciences Po et Docteur en Architecture est maître de Conférences à l’ENSA Paris Val-de-Seine. Verbatim.
[De l’enseignement]
Il y a plusieurs manières d’enseigner et de transmettre. De la même manière qu’un théoricien peut savoir parler d’architecture sans savoir la faire, un architecte peut savoir faire de l’architecture mais sans savoir en parler, ou sans savoir l’exprimer et la transmettre. Autrement dit, un bon architecte ou un bon théoricien ne sont pas forcément de bons enseignants. Je crois également que c’est une bonne chose de donner aux AJAPs la possibilité de pouvoir enseigner. Pour ma part, j’ai fait ma HMONP et je me suis inscrit à l’ordre sept ans plus tard. J’ai passé sept ans à faire de la recherche, enfin, à faire une thèse en architecture puis à participer à des activités de recherches, parce que je voulais enseigner justement. Parce que ma vocation première, depuis que j’étais étudiant, était d’enseigner l’architecture, de la pratiquer également mais de pouvoir l’enseigner. J’ai assez rapidement compris que pour pouvoir être enseignant en école d’architecture, il faut faire une thèse. C’est désormais un passage obligé. Après, il a 36 000 manières de faire une thèse aussi, c’est-à-dire qu’on peut faire une thèse académique, fondamentale, mais aussi une thèse opérationnelle, ce qui a été mon cas, en prenant le projet comme objet d’étude. Depuis, je suis praticien, mais à mon échelle.
A mon sens, une autre difficulté est de théoriser ce qu’est l’architecture. En gros, on sollicite toujours les mêmes théoriciens de l’architecture, les mêmes principes de théorie architecturale, et je pense qu’il y a un vrai travail à faire sur la question de la méthode. Le groupe Alto*, constitué avec Martine Weissmann, Jean Mas et d’autres enseignants à l’ENSA Paris Val-de-Seine, propose une méthode d’enseignement particulière. J’enseigne par ailleurs dans un autre domaine d’études, sur l’échelle 1, le réemploi, la question des ressources et du cycle de la matière. Je pense que ce qu’il manque dans les écoles d’architecture est la capacité à transmettre une méthode, une manière d’enseigner. Cela ne se fait nulle part, ou pas assez, notamment par les enseignants du projet eux-mêmes, qui écrivent très peu. Or l’approche complètement académique est déconnectée de l’approche par le projet.
[De la politique et de l’économie]
J’ai proposé, avec Mathieu-Hô Simonpoli, un cours magistral en L3 (S5) qui s’appelait La fabrique de l’urbain, où il était question à la fois de l’urbanisme en tant que science mais aussi en tant que pratique, l’enjeu étant de répondre à la question : comment se fait la ville concrètement ? La question de l’impact des choix politiques, qui sont aussi des choix réglementaires mais pas seulement, existe peu dans l’enseignement. Je pense aussi qu’il y a peu de philosophie dans les écoles.
Un autre élément manquant est la question économique. Parce que même avec le travail en réseau, quand derrière il faut parler de sous, les choses se corsent. Dans les écoles d’architecture, on ne parle pas, ou presque jamais, d’économie, quelle qu’en soit l’échelle. Comment dans ce cas transmettre aux étudiants ce que signifie concrètement l’acte de bâtir ? La question de l’économie est pourtant intimement liée au projet. Faut-il adresser le sujet uniquement sous l’angle de l’économie de la construction ? Faut-il adresser la question de l’économie plus globale ? Cela me semble nécessaire.
[Être architecte au XXIe siècle]
J’ai une inquiétude, mais sociétale, qui ne dépend pas que de l’école d’architecture. Je pense que l’Homme a besoin pour comprendre de catégoriser. Je crains qu’on veuille nous cataloguer, être soit enseignant, soit chercheur, soit praticien. Or j’ai envie d’être les trois ! Le problème est celui du temps, mais c’est faisable.
Propos recueillis par Christophe Leray (avec A.L.)
* ALTO, pour Architecture-Laboratoire des Territoires Ouverts met la pratique théorique du projet et l’expérimentation au centre de l’enseignement.
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