Qu’est-ce qui fait que l’on se sent bien au bureau ? Peut-on créer un esprit de corps ? Ce mois-ci, je ne vais pas parler de travail mais, avec autant de légèreté que possible, d’ambiance ! Pourquoi se sent-on mieux dans telle agence d’architecture plutôt que dans telle autre ? Journal d’une jeune architecte.
L’ambiance est devenue un sujet très sérieux tant de plus en plus d’agences se battent pour garder leurs salariés et/ou attirer de nouveaux bons éléments. Cela m’a poussée à m’interroger : comment un jeune architecte choisit-il une agence ?
J’ai donc posé la question à mes étudiants : très loin devant vient en premier lieu la qualité des projets et du discours, suivi par le rapport salaire/charge de travail et enfin la fameuse ambiance de travail. Alors c’est quoi une bonne ambiance de travail ? Ils m’ont répondu pêle-mêle : « bien s’entendre avec l’équipe », « avoir des collègues sympas », « ne pas toujours parler d’architecture », « ah moi surtout pas le bureau où tout le monde à ses écouteurs et personne ne parle ».
Finalement c’est la dirigeante d’agence qui se pose la question. S’il est en effet très important d’avoir une ambiance de travail agréable, beaucoup de ce qu’expriment les étudiants est de l’ordre de ressentis impalpables et incontrôlables. Jusqu’où des dirigeants peuvent-ils maîtriser les données qui vont faire que leurs équipes se sentent bien au bureau ?
En fonction des dimensions d’agence, les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes. Les grandes structures vont être de base très attractives et leurs stratégies Ressources Humaines vont se rapprocher de celles de groupes classiques : faire des séminaires d’équipe, des voyages ou organiser de super fêtes par exemple. Le but est de créer une synergie, que les gens apprennent à se connaître et sortent de l’anonymat de la masse !
En sortant de mes études, j’ai travaillé six mois dans une agence de plus d’une centaine d’employés et, bien que tout le monde travaillât effectivement avec ses écouteurs, j’ai de très bons souvenirs de l’émulation que j’y ai trouvée. Être nombreux crée forcément des histoires : d’amitiés, de cœurs, de cul, d’enfants, d’associations, de mariages, etc. c’est très vivant et dynamique.
Au-delà de l’aspect personnel, quel est l’intérêt pour les agences ? Pourquoi certaines jouent-t-elles et encouragent cet esprit « de famille » ?
Mon associée Soraya est rentrée cette semaine d’un voyage d’études avec ses étudiants, elle me raconte qu’ils ont visité l’agence de MVRDV. Lors de la présentation, au-delà des projets, il était beaucoup question de l’ambiance de l’agence : de la présence d’un cuisinier (qui prépare également de la cuisine végétarienne, car bien sûr MVRDV se veut engagé écologiquement), du fait que les salariés déjeunent tous ensemble sur une table conviviale qui fait environ 20 m de long, qu’ils organisent des tournois de ping-pong et, bien sûr, qu’ils font des soirées tous ensemble. Un beau discours illustré de photos dans un diaporama.
Pourquoi racontent-ils cela ? Si c’était pour chercher à recruter des stagiaires parmi les étudiants, cela a très bien marché !
Un modèle type start-up qui donne envie à première vue mais cela ne cache-t-il pas un côté « on se sent si bien au travail qu’on ne se rend même plus compte qu’on bosse tous les jours jusqu’à 23h ? »
Créer un « esprit de corps » au sein d’une agence est un atout indéniable, cela permet de fidéliser ses équipes, de perdre moins d’énergie dans des formations continues et peut-être même d’être plus créatif dans le travail collectif.
Les petites agences ont-elles les mêmes armes que les grandes à ce niveau ? Avoir un chef à domicile pour une petite structure, c’est compliqué. Pour autant, elles permettent de jouir d’un effet plus « cool », les équipes sont plus proches, les salariés plus facilement responsabilisés, etc.
De notre côté par exemple, nous cuisinons toutes ensemble tous les midis, nous essayons de nous faire des sorties musées/conférences et tout cela participe à valoriser ce qui n’est pas que du travail mais qui nous lie. L’ambiance n’est donc pas vraiment une question d’échelle après tout,
Carine, une amie, parlait il y a peu de son travail qu’elle adore mais où elle est très mal payée. Elle n’arrive pas à partir car « le cadre est génial ». Qui plus est, et c’est encore plus fort, cette entreprise a intégré un modèle où tout le monde est payé le même (petit) montant mais où, en contrepartie, la flexibilité des usages est destinée à améliorer au maximum l’expérience pour les employés : télétravail, cours de yoga, cartes de billets de train, etc., et ça marche ! Dit autrement, le bien-être ne s’achète pas ou presque !
En conclusion, le sentiment de bonne ambiance au travail, d’apparence innocent, recèle cependant une valeur in fine toute monétaire et c’est pour cela qu’elle est capitale pour certaines agences ! Quelqu’un qui se sent bien au travail s’y investira toujours plus, travaillera mieux, plus vite, plus longtemps. Et moins cher ?
Estelle Poisson
Architecte — Constellations Studio
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