La chaîne des Wudang Shan se situe dans le nord-ouest du Hubei, en Chine, et s’étend sur 400 kms. De toute évidence, personne n’arrive là-bas par hasard. Quelle que soit sa provenance, il n’y a de toute façon qu’une destination. C’est un voyage qu’il faut préparer car l’ascension du Pic du guerrier digne se révèle être un art martial en soi. Chronique photographique.
Je suis partie de la ville de Wuhan avec cartes et itinéraires laissant place à l’imprévu pouvant survenir à tout moment du trajet.
Le 5 novembre 2013, je quitte mon hôtel pour me diriger vers la gare de Wuchang proposant un train de nuit pour Shiyan.
Ma première expérience fût de voyager de nuit, allongée sur une couchette assez rudimentaire, superposée par deux autres dans un compartiment ouvert. Le rideau laissé entrouvert, j’apercevais les inscriptions chinoises défiler quand le train ralentissait à l’entrée de chaque gare avant de s’arrêter.
Le trajet a duré jusqu’à 05h16, arrivée en gare de Shiyan.
Sur le parvis de la gare, des «faux» taxis hurlaient pour happer les gens et certains me regardaient avec interrogation. Je les entendais se dire en eux-mêmes : «mais que fait donc cette femme étrangère, seule, à cinq heures du matin, ici ?».
Pendant une seconde, j’ai dû me poser la même question car une jeune fille qui voyageait dans le train, sur une des couchettes superposées, percevant ma détresse, s’est approchée de moi et, tant bien que mal, j’ai pu lui expliquer par gestes que je souhaitais rejoindre les montagnes de Wudang.
Après avoir contourné la place de la gare, elle stoppa puis me montra de la main le bus qui me conduirait au pied du domaine classé. «Ce bus là ?» ai-je demandé, alors qu’il était évident qu’elle ne parlait pas ma langue. Elle fit oui de la tête. Comment être sûre qu’elle avait bien compris ?
Je n’avais jamais pris un tel bus. Il était étonnant qu’il roule encore. Je montais et écoutais pendant près d’une heure les régurgitations et autres raclements profonds de gorge du chauffeur qui méthodiquement ouvrait et refermait sa fenêtre pour cracher au dehors. Je n’oublierai jamais «ce» bus et ses occupants, des habitués amusés et surpris de ma présence.
06h30, le bus arrive enfin à destination finale, et j’attends l’ouverture du site à 07h00.
Il fait humide et la brume m’expose au froid.
L’ascension peut commencer.
C.A.
Wudang Taoïste Kungfu Academy
Nous sommes ici dans le berceau des Arts martiaux taoïstes mêlés à la pensée axée sur la sérénité. Les disciples s’entrainent dans la cour centrale d’une bâtisse carrée.
Le Temple de Wang officiel
Il est attaché à même la roche et les compétences qu’il a fallu employer pour sa réalisation forcent l’admiration. Une construction traditionnelle, datant du VIIe siècle, est dessinée dans la pierre car l’empereur avait demandé à ses ouvriers de ni transformer ni transfigurer la montagne. Ces bâtiments anciens ont été construits sous les dynasties Yuan, Ming et Qing.
Pic du Pilier Céleste
Le Wudang Shan comporte 72 pics. Tous, selon la tradition, s’inclinent vers le plus élevé d’entre eux : le pic du Pilier Céleste (sauf un, le pic du Défi).
On compte, ou plutôt on ne compte plus, les milliers de marches dissymétriques en pierre qui conduisent au Palace de l’Harmonie. Cette ascension demande un incroyable effort.
Montagne du Guerrier Digne
La construction de tout l’ensemble du Palais de l’Harmonie s’incruste artistiquement et de façon ingénieuse dans la nature environnante. Rien n’est dénaturé. Les montagnes tout autour forment un ensemle puissant auquel fait écho l’imposante et harmonieuse construction. Wudang Shan signifie d’ailleurs Montagne du Guerrier Digne.
Le Palais de l’Harmonie, enfin
Les toits, par paliers, sont couverts de tuiles bleues, «queue de paon» ainsi que d’éléments décoratifs. Classé à l’héritage culturel de l’Unesco en 1994, la complexité architecturale de ce domaine contemplatif interpelle toujours la Science et l’Architecture ainsi que les visiteurs qui y parviennent.
Carol Aplogan
Le Blog de Carol Aplogan
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 8 janvier 2014