Le vendredi 11 juin 2021 était organisée la remise des prix de l’architecture de la Réunion, les PAR, à l’initiative de la Maison de l’Architecture de La Réunion / Mayotte. L’occasion de soulever des problématiques architecturales locales et d’en montrer les réponses (et de partir en vacances au soleil avec un peu d’avance). Compte-rendu.
Bien éloignés des mondanités de la Métropole, des confettis vivent pourtant une petite vie architecturale de qualité de l’autre côté des océans. Des besoins, il y en a foison sous les Tropiques. Manque de logements à La Réunion, pénurie de tout à Mayotte, et ce ne sont pas les ministres de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et des Outre-Mer, Sébastien Le Cornu, en déplacement officiel fin août 2021 sur les deux îles qui diront le contraire. Pourtant, les concours ne sont pas rares, la commande relativement abondante et, par voie de conséquence, les livraisons aussi !
La Réunion est située en zone de prévention de cyclones et Mayotte est classée en zone sismique depuis que le plus actif des volcans sous-marins du monde a été reconnu à quelques centaines de km des côtes mahoraises. Alors forcément, concevoir des logements, des piscines ou des écoles en zone tropicale provoque des réponses bien contextuelles.
A ce titre, le PAR offre une vitrine plutôt intéressante sur les réalisations locales. « Ces prix sont tous exceptionnels, d’une grande qualité. Que ce soit les prix réunionnais ou les prix de l’Océan Indien, nous ne pouvons que constater que l’architecture de l’Océan Indien est impressionnante et mérite d’être reconnue », a précisé lors de la cérémonie Etienne Charritat, vice-président de la MAR et secrétaire du Conseil de l’Ordre.
Le Prix d’Architecture de La Réunion (PAR), ouvert à tous les professionnels, est né en 2014 de la volonté de la profession de mettre en avant les réalisations architecturales de qualité à La Réunion. Surtout, le PAR a l’objectif de promouvoir l’architecture et de sensibiliser le grand public au savoir-faire de tous les acteurs de la construction pour un mieux vivre ensemble.
La preuve en actes. Ce sont les auditeurs d’une chaîne locale qui ont remis à l’architecte Dominique Bourgogne le Prix Océan Indien pour le Centre Nautique de Mayotte Voile. Le prix jeunesse a été décerné par les élèves du lycée Jean Hinglot, lesquels ont été sensibilisés à l’architecture en milieu tropical avant de procéder au vote en faveur de la Villa Lafabrie de l’agence TT architecture. Cela montre que, sur ce petit territoire, les institutions se donnent les moyens de sortir de l’entre-soi pour ouvrir l’architecture à un public moins initié et, pourquoi pas, pour créer quelques vocations !
La 4ème édition du PAR, initialement prévue en 2020 et reportée en raison du Covid, a finalement eu lieu au Cinéma Le Cambaie à Saint-Paul, en petit comité. Seules les agences participantes étaient invitées, ce qui au demeurant faisait pas mal de monde, environ 70 personnes pour une des premières festivités architecturales post-covid en outremers. Les présentations et pupitres encore datés de 2020 témoignent de l’incertitude qui a demeuré jusqu’au bout quant à la tenue de l’évènement.
Pour cette édition du PAR, 70 projets avaient été présentés, œuvres de 37 agences, à un jury composé d’architectes, d’artistes, de graphistes, de journalistes et d’élus excluant de fait les membres du bureau de l’association et les élus de l’Ordre des Architectes. Puis 27 projets ont été ‘shortlistés’ et concouraient dans huit catégories : habitat individuel, renommé « case à terre », habitat collectif devenu « case en l’air », établissements professionnels « travailler-accueillir », équipements scolaires et de loisirs pour « apprendre – se divertir », projets rêvés pour des propositions de concours non lauréats, réhabilitation devenant « recréer » et enfin projets construits dans l’Océan Indien, y compris projets des pays voisins pour valoriser la qualité du patrimoine réunionnais et de l’Océan Indien.
L’esprit du PAR est retranscrit au travers de ces catégories revues et corrigées. La maison individuelle retrouve son rapport à l’humain et à la ville tandis que l’habitat collectif démontre que la densité n’est pas un vilain mot. C’est d’ailleurs le projet Nout de l’agence Cazarchi qui gagne la statuette pour le premier projet d’habitat participatif livré sur l’île, avant le confinement. L’architecte démontre toute l’intelligence de ces projets de groupes face à l’adversité s’ils sont bien pensés avec les futurs habitants. Comme quoi le jardin partagé et le poulailler en copropriété ça marche.
Tous les projets récompensés ont d’ailleurs en commun une maîtrise d’ouvrage très présente, qu’elle soit professionnelle ou constituée de particuliers. L’architecte Olivier Ehresmann, dans son remerciement, a d’ailleurs souligné son rôle « de passeur d’idée » dans le projet et a regretté que les maîtres d’ouvrage n’aient pas été invités, au motif d’une jauge covid sans doute un chouïa abusive, rappelant par là-même toute la force d’une maîtrise d’ouvrage impliquée dans ses projets, quelle qu’en soit la taille.
Bien sûr, tout au long de la remise des prix, l’architecture bioclimatique a été mise à l’honneur, même dans la catégorie étonnante de l’après-midi, dont « projets rêvés » qui récompensait un projet non-réalisé et pour cause puisque le projet du lycée de Mamoudzou, imaginé par Lab Réunion en équipe avec Tand’M architectes, est arrivé second du concours. Surtout, le projet Le Corem, récipiendaire de la catégorie « travailler – se divertir » avec un bâtiment 100 % bois en ventilation naturelle, est devenu passif bien après sa livraison.
Enfin, la Maison de l’architecture de la Réunion montre aussi qu’elle voit bien plus loin que son lagon en favorisant deux autres catégories récompensant des bâtiments livrés dans l’Océan Indien. Initiant par la même ce qui pourrait devenir un dialogue intéressant avec les partenaires et architectes œuvrant à Madagascar, Maurice et bien sûr Mayotte.
Cette biennale est l’événement phare de la Maison de l’Architecture de La Réunion. Un événement important qui fait aujourd’hui partie du paysage des événements culturels de la région, le PAR se déclinant ensuite en expositions itinérantes dans toute l’île, avec la publication d’un album et des visites guidées. De quoi aussi poursuivre l’œuvre de pédagogie tant ces prix du PAR, bien éloignés des considérations électoralistes qui dictent une partie des lois et normes de la construction, démontrent amplement que les architectes réunionnais prennent à bras-le-corps les grandes préoccupations de l’air du temps.
Alice Delaleu
Pour découvrir les projets : A La Réunion, case en terre ou en l’air, des projets à PAR