Pour cette 3ème édition, le jury du Grand Prix du CAUE 76 a considéré les projets dans le contexte actuel de la nécessité de construire la ville sur la ville : le changement climatique, la raréfaction des espaces constructibles et des ressources, la quête urbaine d’humanité et de solidarité… Découverte des lauréats des huit catégories en compétition. Communiqué.
Grand prix 2016 – Pôle éducatif et familial Molière – Le Havre
Maître d’oeuvre : ACAUM Architectes, mandataire / Atelier Bettinger-Desplanques Architectes, associés / Maître d’ouvrage : Ville du Havre / EPF de Normandie / Coût : 12 897 000 € HT / Surface : 5 400 m²
Le mot des architectes :
«Utiliser l’ancien bâtiment, cette nef, comme une colonne vertébrale de l’opération où tous les espaces mutualisés viennent se greffer pour constituer ensemble le pôle Molière. Faire que les enfants soient au mieux dans ces espaces pédagogiques qui vont être le démarrage de toute leur vie. La mutualisation permet la transversalité, les rencontres et c’est ce que nous devons proposer comme espaces pour que les gens puissent dialoguer».
Trait d’union entre les nouvelles opérations de logement et le centre historique du quartier Saint Nicolas, ce projet concilie réhabilitation et construction neuve en intégrant le concept de mutualisation. Le parti architectural et urbain consiste à aménager une place carrée, qui affirme le projet comme un bâtiment public à l’échelle du quartier et met en valeur l’angle de l’ancienne écurie conservée en créant le lien plastique et fonctionnel entre les trois pôles du programme. Sa façade Ouest est recomposée d’une série de poteaux en acier implantés suivant le rythme des travées existantes.
L’aspect brut et oxydé de cette enveloppe confère un caractère de «nef» à ce long édifice comme un rappel de la construction navale, liée à l’histoire du Havre. Les cours de récréation implantées entre la nef et l’immeuble voisin sont abritées du vent froid du Nord-Ouest pour profiter au maximum du soleil. Le traitement de l’architecture, par son organisation des espaces et de leurs échelles, traduit le cursus de l’enfant où à chaque étape de sa vie correspond un environnement différent.
Prix de l’innovation environnementale – 20 logements bioclimatiques – Fauville-en-Caux
Maître d’œuvre : Aliquante, Laurent Protois architecte / Maître d’ouvrage : Logéal Immobilière / Coût : 2 315 000 € HT / Surface : 1 585 m²
Le mot de l’architecte :
«La logique de composition du projet s’appuie sur les tracés existants, sur les relations avec l’espace communal. La particularité de l’opération, c’est l’addition en façade Sud – pour tous les logements – d’une serre bioclimatique qui profitent de l’énergie solaire passive. Ces serres sont très importantes dans l’écriture architecturale, mais surtout, elles apportent une véritable valeur d’usage pour les habitants».
Cet ensemble d’habitat bénéficie par sa situation, son orientation et sa conception architecturale des dispositifs qui influencent favorablement les économies d’énergie pour ses occupants. Les principes d’implantation, d’orientation et de forme compacte du bâti sont guidés par la conception bioclimatique. Des coursives desservent les entrées des logements traversants en façade Nord.
Les façades Sud en bardage bois sont rythmées par des châssis vitrés toute hauteur et par des serres bioclimatiques en ossature métallique rapportée qui valorisent le potentiel offert par le soleil en hiver, en produisant une énergie solaire passive. Des murs en terre crue issue du site, placés en fond de serre, accumulent la chaleur et la redistribuent à l’intérieur du logement de manière déphasée.
Prix du jeune public – Lycées Louise Michel et Louis Aragon – Gisors
Maître d’oeuvre : Archi5 (communication@archi5.fr ) / Maître d’ouvrage : Région Haute-Normandie / Coût : 24 451 000 € HT / Surface : 25 550 m²
Le mot des architectes :
«L’objectif est d’unifier et de gommer les différences entre l’enseignement général et l’enseignement professionnel. On a pris comme thème la maison normande, la longère et on l’a installée entre les deux établissements comme un emblème qui va relier ces deux lycées, un pont habité. L’autre élément qui a guidé la conception a été de trouver sur le canal de l’Epte une fonction qui n’existait pas, de faire en sorte que les élèves puissent aller à la restauration en parcourant ce petit espace qui devient un fil conducteur».
Historiquement, deux établissements de factures différentes, en vis à vis, sont séparés par une rue et faiblement raccordés par une passerelle. La restructuration recompose les fonctions et positionne la nouvelle entrée sur le bâtiment pont comme un trait d’union. Par sa situation centrale, en lien direct avec les deux cours de récréation, le nouveau bâtiment est l’enseigne, l’emblème du nouveau lycée réuni.
Face à la multiplicité des écritures architecturales existantes, l’approche unitaire s’impose : structure bois, toiture à deux pentes, zinc à joint debout. Le gymnase et le restaurant scolaire/internat suivent la même écriture architecturale. Le gymnase, dédié aux élèves et aux associations, est prolongé par un espace couvert. Un socle à rez-de-chaussée donne une façade urbaine aux bâtiments, tandis que les toitures à deux pans qui le surplombent dialoguent avec le voisinage pavillonnaire et rural. L’internat est posé sur le socle de la demi-pension ; c’est un espace collectif qui utilise l’image de la maison pour qui recréer une familiarité et une intimité des lieux.
Prix de la régénération patrimoniale – Le SONIC – Le Havre
Maître d’oeuvre : A.s.A Architectes & Associés, Ivan Franic et Michel Garcin /
Maître d’ouvrage : C.E.M Centre d’Expressions Musicales / Coût : 1 945 000 € HT / Surface : 1011 m²
Le mot des architectes :
«L’essence du projet, c’est la mémoire militaire du lieu. Quand on décide de ne pas nier l’existant mais au contraire de le valoriser, cela permet d’ancrer le projet dans son histoire, sa réalité, sa nouvelle vie de centre d’expression musicale et de centre de formation de musiques actuelles».
Inscrit dans l’esprit du Fort de Tourneville, le projet présente une volumétrie franche soulignant les lignes qui structurent le site. Cet équipement constitue la première tranche de l’école de musique prévue pour redonner vie au lieu. La réalisation a consisté à réaménager des anciennes soutes à munitions et artilleries en optimisant leur qualité acoustique intrinsèque, qu’il s’agisse des voûtes en pierre et briques du corps principal ou de la partie enterrée qui a été mise à nu.
Le nouveau volume qui héberge l’entrée et l’administration lie les deux bâtiments existants et s’ouvre sur un patio extérieur privé, planté et aménagé, en limite de la muraille. Sa coursive vitrée protégée par un large auvent s’appuie sur une portion de muraille et se prolonge le long de la salle de spectacle, «le tube». Le traitement architectural se réfère aux matériaux militaires et maritimes avec sa structure en métal et l’emploi du corten.
Prix de la maison individuelle – Maison sur la colline Sainte-Catherine – Rouen
Maître d’oeuvre : Atelier TMF, Thorel, Michelier, Fort, architectes associés / Maître d’ouvrage : Particulier / Coût : 220 000€ HT / Surface : 220 m²
Le mot des architectes :
«C’est une maison assez simple, un parallélépipède noir à l’extérieur et tout blanc à l’intérieur […] Nous avons choisi une forme d’espace de vie qui s’oriente à l’Ouest pour embrasser le paysage de la Seine, le grand territoire géographique de Rouen avec la ville, son méandre, les coteaux au loin».
Située sur la colline Sainte-Catherine, cette maison s’ouvre complètement sur la ville. La conception suit la logique du terrain, en contre-bas de six mètres par rapport à la rue, et organise la maison en volumes inversés. L’accès, le stationnement et les pièces de vie sont à l’étage en rapport à la vue à 180° sur Rouen, offrant un grand séjour entre Seine et ciel. Les espaces de repos et de jeux pour les enfants sont au niveau inférieur en relation directe avec le jardin.
Depuis la rue, la maison est un volume simple, étiré et posé sur un mur en brique. Côté paysage, au Sud la maison est une masse noire, un parallélépipède accroché à la colline. Afin d’y apporter un peu de légèreté, le volume est évidé sur chaque façade. Le bardage en claire-voie marque ces creux et raconte à chaque fois un rapport à l’extérieur particulier.
Prix des étudiants – Ecole Nationale Maritime – Le Havre
Maître d’oeuvre : AIA Architectes Ingénieurs Associés, mandataire / Intens’cité, associé / Maître d’ouvrage : CODAH / Coût : 18 960 000 € HT / Surface : 9 826 m²
Le mot des architectes :
«On a toujours voulu évoquer la présence d’un navire, c’est une masse qui est vue en contre-plongée, énorme, avec une présence et une opacité qui est largement supérieure à celle d’un bâtiment classique. Cette opacité, cette matière, on ne voulait pas en faire quelque chose de lisse, mais un objet rugueux qui affronte les éléments, la mer. L’acier irrégulier et les matériaux simples offrent cette richesse qui évoque la présence maritime».
Situé sur la presqu’île de la Citadelle, ce «navire école», par son rapport simple et direct avec le bassin, prend l’apparence d’un bateau à quai. A l’interface ville-port, la silhouette puissante et monolithique de ce vaisseau urbain abrite une complexité programmatique structurée autour de «la rue en escalier». Ce mouvement intérieur, ascendant et dynamique aspire le visiteur et contraste avec la masse sombre et immobile du bâtiment.
La peau de la résille en aluminium anodisé se soulève pour attirer vers l’intérieur l’espace du parvis et offrir une vue sur l’eau depuis l’amphithéâtre principal. Visant l’autonomie énergétique, le projet développe une conception bioclimatique avec des solutions passives pour le confort estival et s’équipe de technologies innovantes comme la pompe à chaleur sur eau de mer.
Prix de la régénération urbaine – Reconversion de cases commerciales en régie de quartier – Evreux
Maître d’oeuvre : Aliquante, Laurent Protois architecte (aliquante@wanadoo.fr)/ Maître d’ouvrage : Saiem AGIRE / Coût : 850 000 € HT / Surface : 745 m²
Le mot de l’architecte :
«L’édifice en béton armé – des anciennes cases commerciales délaissées – avec son système poteaux/poutres libérant les façades de leur fonction porteuse, offrait des conditions favorables à sa transformation en espace d’accueil de la Régie des Quartiers. Le réemploi du bâtiment existant s’est accompagné de «greffes» sur toute la périphérie, pour répondre au besoin d’espaces d’usage du nouveau programme et pour constituer une nouvelle peau de protection thermique. La nouvelle enveloppe est constituée de feuilles de zinc et de lattes de douglas insérés dans des volets parements; ces derniers filtrent la lumière, organisent les échanges physiques et visuels avec le quartier».
Situé au centre du quartier de la Madeleine, issu de l’urbanisme fonctionnaliste des années 1960-70, ce projet s’appuie sur une ancienne case commerciale dégradée. Le programme de l’opération répond au besoin de l’installation de la régie de quartier au plus près des publics qui sont en recherche d’emploi, et pour favoriser ainsi l’insertion par le travail. La viabilité économique et technique de cette reconversion résulte de son système constructif d’origine, poteaux/poutres, qui libère les façades de leur fonction porteuse et permet une forte modularité du plan intérieur.
La nouvelle peau prolonge le bâtiment existant avec la création d’une façade déportée par l’installation de portiques métalliques fixés sur l’ossature en béton. Elle s’accorde ainsi à la trame orthogonale dominante qui structure l’espace public. Les façades intègrent un nouveau manteau isolant recouvert alternativement d’un parement de zinc pré-patiné à joints debout et de lames à claires voies de bois douglas.
Prix du public : Les crayons de couleur, école primaire – Ecos
Maître d’oeuvre : MWAH Etienne Lemoine architecte / Maître d’ouvrage : Com’Com’ Epte-Vexin-Seine / Coût : 1 650 000€ HT / Surface : 745 m²
Le mot de l’architecte :
«Ce projet est le fruit de la volonté de créer un bâtiment en cohérence avec son site merveilleux et celle du maître d’ouvrage d’avoir un bâtiment coloré».
Exprimant tour à tour les couleurs très vives des cultures de la plaine au printemps et la silhouette des masses végétales à l’horizon, les différentes peaux des façades du bâtiment s’inspirent du paysage du plateau du Vexin Normand. Compacte et monolithique, la construction totalement en épicéa repose sur des murs périphériques à ossature bois et des poteaux autour d’un patio central.
L’enveloppe formant un filtre coloré trouve sa justification technique dans sa contribution à la stabilité de l’ouvrage et sa capacité à tempérer le bâtiment en maîtrisant les apports solaires en période d’été. Depuis le parvis de l’entrée, la lumière traverse le bâtiment dans la direction du vallon. Les salles d’activités par tranches d’âge, l’espace des arts et les services sont placés de part et d’autre de cet axe. Cette disposition permet de libérer le volume autour du théâtre dont l’épure courbe en bois foncé semble glissée comme un grand jeu de construction. La blancheur des ambiances intérieures, ponctuée par les repères colorés des différentes salles en référence au filtre extérieur, révèle une atmosphère dédiée aux enfants, qui ont renommé le centre : «les crayons de couleur».