Philippe Cléris, que l’on suppose ardent défenseur du patrimoine, a pris exception de notre édito intitulé Culture Dati, architecture datée ?*. Non pour nous entretenir de politique mais nous parler d’une autre dame. Retour au XVIIIe siècle, avant même Viollet-le-Duc ? Courrier du cœur.
Jean-Jacques Rousseau disait préférer être un homme à paradoxes plutôt qu’à préjugés. Le problème que votre éditorial illustre parfaitement c’est que trop souvent, les paradoxes présentés comme des audaces de l’intelligence ne sont que la conséquence de préjugés idéologiques.
Vous raillez la reconstruction à l’identique de la charpente en chêne, la « forêt », de la cathédrale de Notre-Dame selon des savoir-faire ancestraux que vous prenez comme un manque d’imagination ou d’ambition, pis ! un refus conservateur de l’architecture dite « contemporaine ». Mais tout en lisant votre prose, on tombe aussi sur l’annonce d’un article semble-t-il positif sur la tradition tout aussi ancestrale de l’art de la charpente au Japon…
La tradition, les héritages c’est bien quand il s’agit de célébrer le folklore des autres mais cela devient « nauséabond » dès qu’il s’agit de nos traditions et héritages, tout particulièrement dans un monde institutionnel de l’architecture dite « contemporaine » qui demeure déconnectée voire déracinée de toute l’histoire de l’art, de l’architecture ou des arts décoratifs de France ou d’Europe avant la seconde moitié du XXe siècle, faute d’être transmise et enseignée en tant que telle aux architectes pour des raisons essentiellement idéologiques : c’est là un vrai désastre culturel qui nous empêche d’apprécier toutes les subtilités de l’art de la charpente japonaise faute d’avoir la même curiosité pour nos propres héritages et traditions.
Dans la France de 2024, les maisons « modernes » n’ont plus de toit : une charpente japonaise ça fait rêver comme un grand comble français de l’époque d’Henri IV…
Mais j’aimerais vous apporter une bonne nouvelle : la parenthèse de la table rase moderniste conceptuelle ouverte en 1960 va bientôt se refermer : retour au bon sens et à l’harmonie des sens. Retour à la sensualité des formes et des couleurs. Retour à la voûte et à la volute, aux arcs courbes et cercles. Retour au respect du génie du lieu, des matériaux naturels, de la pierre et du bois et à de beaux bétons bruts à la poudre de pierre. Fin de l’empire totalitaire de la boîte à chaussures et autres machines à habiter menacé par un autre empire : celui de l’intelligence artificielle qui détruira et je m’en réjouis vivement l’actuel métier « d’architecte » !
Fin aussi et surtout de la confusion égotiste entre architecture et sculpture… Car à l’instar de ce qui est arrivé pour la musique savante il y a 20 ans ou de ce qui se passe en ce moment dans les arts plastiques et la peinture (qui renaît), le dégel arrive et nous aurons après plus de 60 années de glaciation idéologique un magnifique printemps de l’architecture.
Cordialement,
Philippe Cléris
Cher Philippe. Ce pays n’aurait pas ou plus la curiosité pour nos héritages et traditions, voilà qui ne laisse pas de surprendre. Vous en êtes l’ardent témoin. Pour autant, de quels héritages s’agit-il ? Quelles traditions ? À partir de quand ? Avant l’école pour les filles ? Jean-Jacques Rousseau ne disait-il pas : « Les femmes ne sont pas faites pour courir ; quand elles fuient, c’est pour être atteintes » ?
Cordialement,
C.L.
*Lire l’article Culture Dati, architecture datée ?