Un service public de l’architecture est-il possible ? Les CAUE nés de la loi 1977 sur l’architecture avaient cette ambition. Leur connaissance par les particuliers reste cependant assez confidentielle. Pourtant, au vu des enjeux, notamment en termes de rénovation et d’usage, la question d’un service public incluant architectes et porteurs locaux qui dépasserait la simple question énergétique se doit d’être posée.
Accompagné par une volonté politique, un tel service existe déjà dans certaines localités. C’est par exemple le cas dans le Parc des Vosges du Nord où les architectes des Parcs naturels régionaux (PNR) apportent leur compétence pour escorter les ménages dans la réhabilitation du patrimoine local. Dans le cadre du ‘Projet de territoire pour 2025’, ce PNR a déployé une série d’actions avec son programme Habiter Autrement visant à préserver et restaurer l’habitat alsacien typique du XVIIe-XIXe siècle.
Ce patrimoine, souvent mal entretenu, où la maison s’inscrivait dans un bloc de ferme autour d’une cour, fait face à de multiples difficultés lorsqu’il s’agit de le rénover. Non seulement les savoir-faire traditionnels se font rares mais la question est aussi de parvenir à adapter ce patrimoine à des usages contemporains qui le bouleverse complètement.
Les PNR ont développé un programme d’action, afin de faire connaître et conseiller les particuliers dans leur démarche de rénovation, pour tout logement construit avant 1948. Le triptyque d’action est clair : connaissance, communication et conseil. Ce n’est rien de l’écrire : le PNR des Vosges du Nord dispose de cinq architectes qui conseillent les habitants tant sur les possibilités offertes pour une amélioration des conditions d’habitation que pour une rénovation en accord avec les matériaux locaux, écoresponsables, biosourcés dans le respect des techniques locales.
Une exposition itinérante sur des projets d’habitat, des parcours de rénovation à des moments-clés de l’année (journée du patrimoine, journée de l’architecture, etc.), des ateliers, un site web complet sur la façon de mener une réhabilitation* et qui invite à contacter un architecte-conseil, l’édition d’un guide pour la rénovation, la mise en place d’un écosystème local… l’expertise déployée promeut une réponse adaptée à l’habitat régional et avec un service au contact de la population.
Que cela soit pour réhabiliter une maison bloc ou maison pierre, maison cour ou pan de bois, chaque type de logement et de construction sont détaillés, l’information et la communication locale étant les clés pour sensibiliser les ménages au potentiel de leur habitat. De fait, la démarche permet autant pour les habitants de pouvoir réhabiliter eux-mêmes leur logement que de trouver des entreprises pour les accompagner. C’est toujours plus facile avec des architectes.
Porté par les pouvoirs publics, que cela soit le PNR en lui-même, mais aussi la communauté de communes d’Alsace, la région Grand Est, le département de la Moselle, le modèle peut s’avérer vertueux, le recours à l’architecte devenant alors un service public et non pas un exercice individuel de recherche de commande.
La possibilité de se faire accompagner dans une démarche encouragée par des acteurs publics permet un cercle vertueux pour l’architecture et le recours à l’architecte. Celui-ci devient un facilitateur de projet plutôt que celui qui réalise le projet. Ne pas tant faire œuvre que de faire conseil et démontrer en actes l’importance de l’architecture. Architecture de proximité !
Ces initiatives du Parc des Vosges du Nord sont-elles reproductibles ? Potentiellement, chaque territoire offre des conditions locales et demande que soit (re)constituer un écosystème vertueux d’expertises, d’entreprises, et d’accompagnement des ménages dans l’entretien de leur patrimoine.
En dehors de la question de la rénovation énergétique, qui bénéficie du moment politique, la question de la réhabilitation se pose de manière prégnante partout en France. Si la question de la rémunération se pose, elle n’est pas insurmontable tant, en Alsace, il est démontré que l’architecture en tant que service public et proximité entre les architectes et les ménages, c’est possible.
Julie Arnault