En réponse à l’article Être (jeune) architecte : se défier des évidences ?, la rédaction a reçu le courrier suivant de l’architecte Patrice Bazaud. De la réforme LMD… Contribution.
La discussion, à propos de l’enseignement, du sens du mot architecte (un titre ? un métier ? un diplôme ?) est faussée par la présomption d’une forme dominante (?) de la pratique : l’exercice libéral. Comme en médecine, d’ailleurs, de plus en plus de jeunes diplômés recherchent d’autres formes pour exercer leur métier, plus collectives et pluridisciplinaires.
La critique de la réforme LMD détourne la réflexion des vrais enjeux : contenu de l’enseignement, intégration au sein de l’université, enseignement pratique.
Rien n’empêche de renforcer les stages au cours du LMD, et/ou de le prolonger d’un temps de pratique professionnelle avant d’obtenir le diplôme spécifique d’architecte. La question est, comme en médecine générale, la difficulté à faire accepter les stagiaires dans les micro-entreprises issues du statut libéral imposé. Surtout lorsque l’on revendique en plus la « responsabilité personnelle » de l’architecte, qui devrait endosser les actes d’un stagiaire inexpérimenté.
Les structures collectives peuvent accueillir plus facilement, et plus efficacement, de jeunes stagiaires en fin d’études. Comme dans les autres domaines, c’est l’assurance qui répond à la responsabilité, et non le titre.
Le contenu de l’enseignement doit donner une large place à l’apprentissage du « projet ». Là encore, une image du projet s’impose, celui symbolisé par les concours. Malheureusement, ce projet s’arrête trop souvent à l’avant-projet, à l’école comme dans la vraie vie et dans les choix des maîtres d’ouvrage, la partie de l’exécution étant dévolue aux partenaires ingénieurs. Mais cette notion répond mal aux programmes de plus en plus nombreux d’entretien de l’existant, de réhabilitation, de transformation, aux procédures de participation…
Dans l’enseignement de l’architecture, cette discipline entretient des frontières floues et variables avec les autres domaines enseignés dans d’autres lieux (technique, sociologique, historique, juridique…), ce qui justifie son rattachement à l’université et la diversité des métiers à l’issue du cursus.
Dans les écoles d’architecture, il subsiste encore des formes pédagogiques spécifiques qu’il faut préserver, essentielles pour la pratique future : le travail d’équipe, l’expression orale, le travail de terrain, l’expression graphique, quelle que soit in fine le métier du/de la futur(e) architecte.
L’introduction de la recherche dans le cursus LMD et l’instauration d’un doctorat en architecture est une opportunité pour développer ce qui est l’essence de cette discipline : le processus de conception, la dimension patrimoniale, le rapport à l’écologie, les pédagogies spécifiques. Il y a de la place pour des architectes-chercheurs. Les thèses en sociologie et architecture, histoire et architecture, technique et architecture…ne doivent pas être les seules domaines d’un doctorat en architecture.
Patrice Bazaud
Architecte, ex-Maître de conférences en architecture.