L’architecture grecque n’est presque jamais présentée en juxtaposition avec son environnement immédiat. Il est vrai que l’architecture contemporaine est généralement photographiée et publiée isolément ; les bâtiments sont capturés seuls et souvent leurs environnements sont intentionnellement exclus du cadre photographique. Chronique-Photos d’Erieta Attali.
Cette représentation n’est pas seulement liée au fait que l’architecture contemporaine a tendance à recréer des mondes fragmentaires qui lui sont propres mais aussi parce que la vision contextuelle de l’architecture n’est plus valorisée comme préoccupation première de la production architecturale, ni par les théoriciens ni par les praticiens de l’architecture.
De fait, la plupart des bâtiments récents remarquables en Grèce, en particulier dans le contexte urbain, fonctionnent comme des projets pilotes qui visent à changer plutôt qu’à renforcer le caractère de leur contexte respectif.
La relation entre les bâtiments et leur environnement ne peut cependant pas passer inaperçue, d’autant plus que ces réalisations témoignent d’une nouvelle réalité et sont de première importance pour ceux qui vivent la transition du paysage urbain ou naturel au bâtiment.
À travers mes séries de photographies en Grèce, j’essaie d’offrir un aperçu des contextes plus larges qui entourent ces bâtiments et d’exprimer l’expérience de leur découverte, car s’ils découlent parfois du contexte, ils indiquent plus fréquemment de nouvelles formations spatiales.
Mes images du paysage naturel et urbain environnant restent loin de la présentation habituelle, et perverse, de la Grèce comme un pays de la périphérie à la condition urbaine désordonnée ou délabrée. Ces images, enregistrant le terrain sur lequel l’architecture s’est pratiquée au cours des vingt dernières années en Grèce, éclairent des résonances et des contrastes, des continuités et des discontinuités.
Bâtiments et paysages sont unis par le regard du photographe. Un tel regard est réceptif à l’ensemble du monde des sens et attend inlassablement le léger changement de lumière et de conditions météorologiques qui peut révéler l’invisible, à la fois dans une manière habituelle de consommer le monde et dans la vision lointaine de l’architecture depuis les limites d’un bureau d’historien. Le photographe ne se contente pas alors d’enregistrer ce qui existe mais dépasse plutôt le domaine de l’expérience « objective » ou du sens commun et recrée un domaine transcendantal, aux frontières entre la réalité et la fiction.
Je me demande souvent ce qui distingue ces ensembles particuliers de bâtiments et de paysages dans leur contexte grec particulier, en particulier à une époque où les techniques et les langages architecturaux semblent interchangeables au niveau mondial. En examinant l’ensemble de mon travail, malgré les différences de technologies et de formes architecturales, je trouve des points communs entre les photographies de bâtiments contemporains et historiques, en particulier dans leur relation avec le paysage environnant.
Ces résonances sont-elles une question d’état particulier affecté par des facteurs climatiques ou topographiques, tels que la qualité de la lumière, le degré d’humidité, les courbures du terrain ? Sont-elles un effet d’une mentalité géo-culturellement distincte ? Ou plutôt le résultat de mon propre regard photographique ?
Autrement dit, ces points communs seraient-ils chargés d’une explication nationale et de ses mythologies subséquentes (grecque, lumière de l’Attique, l’Egée ?), d’une vision régionale (sud-est de l’Europe, péninsule grecque et Levant ?) ou plutôt d’une vision personnelle du monde qui transgresse les barrières géographiques et culturelles pour découvrir et créer un monde qui lui est propre ?
Erieta Attali
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