Des élucubrations architecturales de Gaspard Gantzer* pour détruire le périphérique aux études en cours pour la mairie de Paris et la région sur la gratuité des transports, en passant par la réglementation sur les trottinettes, et le devenir des routes de l’ensemble du réseau magistral francilien, la mobilité est au centre de l’attention des élus ces dernières semaines, tout du moins en Ile-de-France.
Depuis le 7 juin, l’exposition les Routes du futur Grand Paris au Pavillon de l’Arsenal à Paris présente le résultat d’une consultation internationale – que vaudrait une consultation si elle n’était pas internationale ? – organisée par le Forum Métropolitain du Grand Paris, regroupant 180 collectivités durant un an. En effet, après l’échec du Grand Paris, les routes sont peut-être le dernier lieu de réflexion des pouvoirs publics pour l’aménagement…
Les quatre équipes – L’Atelier des mobilités (D&A – Devillers&Associés), le Collectif Holos (Richez Associés), New Deal pour les voies du Grand Paris (Seura Architectes) et Shared Utility Networks- SUN (Rogers Stirk Harbour & Partners) – ont réfléchi à l’avenir des 1 000 kilomètres de routes franciliennes.
Boulevard périphérique, l’A86, la Francilienne, les autoroutes, les voies rapides nationales et les autres voies structurantes ont été observées et disséquées pour prendre en compte quatre enjeux : améliorer les flux, réduire la pollution, intégrer les infrastructures aux territoires et, ‘last but not least’, que cela ne coûte pas trop cher aux pouvoirs publics.
A chacun sa voie
La réduction de la vitesse, en moyenne de 20km sur les axes, et la création de voies dédiées aux solutions propres et/ou collectives fait l’unanimité des équipes et ces propositions ont d’ores et déjà été mises en avant par la mairie de Paris lors de la présentation du rapport de la mission d’information et d’évaluation sur les perspectives de changement du périphérique.
Cependant, chacune des équipes a sa voie réservée. Chez le Collectif Holos, il s’agit de manière peu ambitieuse de récupérer une voie pour les livraisons avec des véhicules propres et pour les besoins vitaux (santé, déchets, alimentaire) et le reste est modulé en fonction de l’heure et de la fréquence. Pour SUN, les voies magistrales se transforment en supers pistes cyclables au-dessus des routes, connectées par des ponts d’accès au réseau secondaire. Ces voies, installées sur un linéaire de containers, accueillent «une nouvelle armature de data, énergétique, de services et de réseau ou du végétal». New Deal et l’Atelier des mobilités misent sur une voie réservée aux véhicules propres et collectifs.
A ces changements, s’ajoute une renaturalisation des espaces viaires destinée à capter la pollution. Avec le Collectif Holos et New Deal, apaiser et verdir revient à créer de «nouveaux boulevards urbains» ou «avenues métropolitaines». Tant qu’à verdir, autant convoquer les mots de la ville ! Chez SUN, il est aussi possible d’étoffer les résidus viaires avec un réseau d’énergies renouvelables.
Déployer des transports en communs
La mobilité d’ici 2050 est réinvestie par les transports en commun. La lutte contre l’autosolisme devient possible avec la mise à disposition d’une nouvelle offre de transports collectifs. Elle prend différentes formes selon les équipes.
Le Collectif Holos ne dépasse pas le stade de l’énumération des potentiels à venir (transports à la demande, bus «courtes distances» ou express, covoiturage, taxis, …) – en oubliant les véhicules autonomes – tandis que L’Atelier des Mobilités et New Deal préfèrent déployer de nouveaux services de bus (dont le coût n’est pas mentionné).
L’Atelier des Mobilités mise sur un service public de transports renforcé avec quatre types de lignes différentes complétant le réseau ferré existant, tandis que New Deal, grâce à un ‘Pass Mobilité Universel’, prévoit 200 nouvelles lignes de bus de la 2e et 3e couronnes en connexion avec les futures Gares du Grand Paris Express.
SUN est résolument plus futuriste, avec un avenir du transport à la demande. Connectés via une application, les utilisateurs peuvent accéder à des modules de bus-tram-train capables de se disperser en tissu dense et de se regrouper sur les autoroutes répondant en temps réel aux flux et à la demande, le tout grâce à l’intelligence artificielle.
Ces nouvelles mobilités sont complétées par des hubs de mobilité multimodaux nécessairement high-tech pour SUN, par 60 stations servicielles NOE pour l’Atelier des Mobilités, plus modeste, et pour New Deal, par des places ‘métrovillageoises’ dont la toponymie paraît aussi désuète que l’offre.
Tous ces points de connexion disposent bien évidemment de bureaux partagés et de services plus ou moins innovants : SUN imagine des silos de stationnement pour véhicule autonomes et vélos électriques et des éoliennes, tandis que les stations NOE, greffées sur les villes ou quartiers existants, déploient des conciergeries, des crèches ou des équipements sportifs. Les places ‘métrovillageoises’ se concentrent sur une offre tout droit issue de l’imaginaire ruralo-citadin avec des commerces de proximité (coiffeur, pharmacie, etc.) loin d’envisager le futur.
La logistique, un peu oubliée
Les équipes ont peu abordé l’un des nœuds du trafic francilien, la logistique. En constante augmentation depuis quelques années avec l’e-commerce, les livraisons représentent 50% du trafic sur les routes franciliennes !
Constatons d’abord l’absence totale de cette problématique chez New Deal. Le Collectif Holos se repose sur sa voie réservée tandis que le sujet est effleuré sommairement chez SUN qui propose des livraisons par drones et robots regroupés et intensifiés aux heures creuses.
Seul l’Atelier des Mobilités en fait un des axes de sa proposition, avec des plateformes logistiques intermodales connectées au fer et à la Seine, permettant une massification des volumes transportés avec une distribution effectuée via des espaces logistiques de proximité par des vélos cargos. D’ici 2050, les autoroutes pourraient être électrifiées pour créer un réseau de routes ferrées propre.
Les propositions se retrouvent sur des thèmes structurants : le déficit d’une offre de transports en commun complète, le déploiement de services accessibles depuis les lieux de connexions d’infrastructure. Un aménagement, qui au-delà des routes, cherche à créer du lien entre les territoires et les routes qui restent des fractures géographiques.
Les routes du Grand Paris seront technologiques et data compatibles pour SUN, de proximité pour le Groupe Holos, un nouvel anneau vert pour New Deal, et vectrices de nouveaux services collectifs pour l’Atelier des Mobilités.
L’exposition partira après le 1er septembre en itinérance dans une dizaine de lieu en Ile-de-France avant qu’en octobre 2019, le Forum métropolitain présente sa feuille de route et la suite donnée aux propositions. Pendant ce temps, la course à l’échalote continue, Valérie Pécresse vient de demander la création d’un énième groupe de travail à Ile-de-France Mobilités (ex STIF) sur l’avenir du périph’… La somme de travail actuellement présentée, et les études complètes remises par les architectes, ne sont-elles pas suffisantes qu’il faille créer un nouveau comité Théodule ?
En tout cas, une chose est sûre, il n’y aura pas ou peu d’argent public à dépenser. A quand un «réinventer les routes» plus rémunérateur ?
Julie Roland
* Haut fonctionnaire et ancien chef de la communication de l’Elysée sous François Hollande, Gaspard Gantzer est aujourd’hui candidat aux municipales à la mairie de Paris.