De la nécessaire adaptation des territoires aux risques climatiques, où placer la jauge ? L’échelle d’intervention ? S’il s’agit d’accompagner, d’anticiper et d’aménager les territoires, pourquoi pas un PAPI local (Programme d’Actions de Prévention et d’Inondation) pour commencer ? Tribune.
Le réchauffement climatique provoque sur nos territoires une exposition aux risques et aléas de plus en plus importante, inondations, sécheresse, canicules, modifications des écosystèmes, en sont les conséquences (voir rapport du GIEC).
Les causes de ce réchauffement climatique sont identifiées et nécessitent des réponses à l’échelle de la planète. Les conséquences peuvent mettre en jeu plusieurs échelles d’adaptations, nous nous attacherons à l’échelle territoriale et de quelles manières nous pouvons faire œuvre de résilience collectivement ou individuellement.
Le risque d’inondation
Le risque continental d’inondation est dû à des précipitations plus conséquentes, plus violentes d’année en année et qui iront, du fait du réchauffement climatique, en se renforçant.
Les territoires sont soumis et vont être soumis à des volumes d’eau considérables et dans un délai très court. Bien sûr, chaque site possède ses caractéristiques propres. Toutefois, la problématique demeure : il faudra gérer un surplus d’eau brutal, d’autant que le contexte géographique, l’urbanisation, les formes de cultures peuvent favoriser les crues et renforcer leurs effets dévastateurs.
Le contexte
Le travail de l’homme, à son échelle, a organisé les paysages pendant des siècles que la mécanisation et les politiques publiques agricoles ont détruites pour trouver d’autres échelles. Ces destructions ne sont pas sans effet sur la gestion de l’eau.
Les bocages, noues, rideaux d’arbres, haies, wateringues, préservaient la biodiversité et permettaient une régulation, une absorption in-situ par les sols.
Aujourd’hui l’eau court dans l’espace rural quand celui-ci n’est pas minéralisé par des zones d’activités ou lotissements qui ne font qu’accélérer le mouvement pour se déverser dans leurs points bas. L’eau en surface ruisselle, celle des nappes méritant une attention renforcée sur le plan sanitaire du fait des engrais chimiques employés dans les différentes cultures.
Il n’y a pas de gestion commune, de vision globale. Dans le monde occidental, l’eau étant une ressource que l’on peut gâcher.
Lorsque l’eau, sous l’effet de la gravité, traverse les agglomérations, petites ou grandes, conduite par des cours d’eau ou simplement par la déclivité, les effets sont spectaculaires et souvent dramatiques pour les hommes et les biens, lors des crues.
Dans les milieux urbains, la gestion de l’eau n’a jamais été envisagée, tout au plus celle des fleuves, le tout minéral, tout enrobé, tout voiture produisant l’irrémédiable ; voir l’actualité de l’été 2021, nationale et internationale.
Cela est dû à une longue tradition de l’aménagement à la française, essentiellement routier. La ville, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, s’est adaptée au trafic automobile. Les espaces de roulement et de stationnement ont envahi les espaces publics, la conséquence est la minéralisation du sol de la ville.
L’ingénieur routier a pris la place de l’urbaniste dans les villes, laissant peu de place pour le piéton, le cycliste, le vivre ensemble. Cette culture dominante a supprimé toute promotion de la nature en ville et toute forme de biodiversité.
Les conséquences sont des inondations qui vont plus vite, plus fort, parce que rien ne les freine, rien ne les arrête.
Quelle résilience au risque d’inondation ?
Dans l’espace rural, qu’il soit celui de la vigne ou de l’agriculture betteravière, céréalière, il faut retrouver un paysage.
La culture biologique permet de retrouver une gestion de l’eau, de l’écosystème, du paysage. Certes, aujourd’hui, cela ne représente que 5,7 % de la surface agricole utilisée (INSEE), donc la marge de progression est énorme.
La modification des pratiques agricoles et viticoles permet aux exploitants de retrouver un rôle de gestionnaire du paysage et de la ressource. La responsabilité individuelle et collective est indispensable en la matière.
La lutte contre l’artificialisation des sols passera par la planification. La loi climat et résilience laisse peu de temps aux collectivités locales pour atteindre l’objectif ZAN (en 2050 zéro artificialisation nette).
La résilience des paysages passe par la transformation du modèle économique agricole et par la lutte contre l’étalement urbain des agglomérations quelle que soit leur taille.
Ces actions auront un rôle de ralentissement, de freinage des eaux continentales se dirigeant vers les points bas, venant augmenter le débit des mers, rivières, fleuves.
Dans les espaces urbanisés l’eau de ruissellement sur les surfaces minérales doit être freinée, absorbée, détournée, stockée. Ces différentes actions relèvent d’une stratégie globale.
En tout premier lieu, une analyse de la géomorphologie des zones urbanisées est nécessaire ainsi que l’analyse de la course éventuelle de l’eau. Ces bases posées, il faudra envisager, dans ce circuit gravitaire, tous les moyens pour éviter de cumuler des volumes d’eau considérables dans les points bas, talweg, cours d’eau, etc.
Plusieurs moyens sont à la disposition des aménageurs, des moyens pouvant cumuler plusieurs effets : la désimperméabilisation des sols permet la constitution d’îlots de fraîcheur dans les centres urbains et un abaissement de la température en situation de canicule de 4 à 6°.
Les chaussées, routes, pour qu’elles soient absorbantes et rejettent le surplus d’eau dans des espaces végétalisés, doivent être reprofilées et laisser la place aux autres mobilités, amener de la nature en ville.
Les espaces publics, places, parkings, cours, giratoires, etc… doivent devenir multi-usages et faire office, en cas de crues, de bassin de rétention et d’absorption.
Les constructions exposées doivent être aidées par la collectivité pour adopter des dispositifs constructifs temporaires ou définitifs, assurant la sécurité des biens et des personnes.
Cette réflexion est du domaine des documents d’urbanismes et concerne les sites qui ne sont pas déjà répertoriés par un PPRI (Plan de Protection du Risque d’Inondation) mais par des inondations occasionnelles.
Il faut donc constituer un document de référence, zone par zone, pour mettre en œuvre un aménagement résilient des espaces soumis aux risques d’inondation. Ce plan hiérarchisera le risque, espace par espace, solution par solution, en intégrant l’absorption, le freinage, l’essorage de l’eau mais aussi les mobilités, la biodiversité, le vivre ensemble. Il s’agit là d’une occasion unique de mener une réflexion partagée et de construire leur ville avec les habitants concernés.
Un PAPI local (Programme d’Actions de Prévention et d’Inondation) en quelque sorte mettant en exergue le territoire/aménageur, à un moment où ce dernier cherche plus d’autonomie, de compétences.
Jean-Michel Jacquet
Architecte/Urbaniste