La mode est au verdissement des villes. Il s’agit de lutter contre les îlots de chaleur urbains, qui deviendront plus nombreux et plus sévères, tout autant que de donner du plaisir, agrémenter le paysage et enrichir une biodiversité dont l’intérêt en ville est tout récent. L’idée que la verdure en ville est aussi bonne pour la santé, physique et mentale, est aussi répandue, mais est-ce bien vrai, n’est-ce pas une idée préconçue, une sorte de postulat idéologique ?
Cela fait longtemps que nous savons que la végétation est bonne pour la qualité de l’air. Elle absorbe des particules et nettoie l’atmosphère. Encore faut-il qu’elle ne soit pas source d’allergies, mais il suffit de bien choisir les essences. La végétation, oui, mais pas n’importe laquelle, et aussi pas n’importe comment. Y aurait-il un mode d’emploi de la végétation en ville ?
Pas à proprement parler, encore que des organismes comme Plante et cité* proposent des ressources bien utiles, mais de nombreux travaux ont tenté d’approfondir la relation homme-nature, de manière à en tirer quelques enseignements pratiques. Kathie Willis, professeure de biodiversité à l’université d’Oxford en a fait une sorte de revue, publiée dans un livre intitulé Naturel** pour sa traduction française, Good nature en VO. Elle voulait vérifier que les bienfaits de la végétation en ville n’étaient pas une croyance, bien sympathique mais illusoire, et mieux comprendre les mécanismes physiologiques à l’œuvre quand vous vous promenez dans un parc.
« Je tenais à savoir ce qui se passe vraiment dans nos cerveaux, pour nos hormones et nos systèmes immunitaires, respiratoire et cardiovasculaire, quand nous sommes en interaction avec les plantes – et quels sont les sens stimulés pour amener ces réactions », précise-t-elle dans l’introduction.
Tous nos sens sont concernés, en particulier l’odorat, l’ouïe et la vue. Nous apprenons ainsi, par exemple, que la simple vue d’arbres par la fenêtre d’un hôpital permet à des patients fraîchement opérés de se rétablir plus vite que ceux dont les fenêtres ne donnent que sur un mur en brique. Ou encore que le chant des oiseaux diminue les douleurs postopératoires.
L’observation des effets de la nature sur nos organismes s’opère de multiples manières, toutes avec l’obligation d’éliminer d’éventuels biais liés aux modes de vie ou d’autres phénomènes parasites. Il peut y avoir des enquêtes, des tests sur les facultés cognitives, mais aussi des mesures de tension artérielle, de rythme cardiaque, de stimulation de telle ou telle partie du cerveau, etc. Nous sommes engagés dans une démarche expérimentale dont l’objet est de trouver les bonnes manières d’utiliser la nature.
Les enseignements de cette revue des connaissances sont encourageants dans le sens où ils ne nous condamnent pas à vivre dans des forêts primaires pour bénéficier des bienfaits des plantes. Ceux-ci sont accessibles pour peu que la conception de nos lieux de vie, espaces publics, lieux de travail et logement ait intégré quelques exigences, ce qui n’est pas, hélas, le cas le plus fréquent. Les enfants sont particulièrement sensibles à ce contact avec la nature, et je ne vois pas beaucoup de salles de classe ouvertes sur la nature.
Le courant actuel visant à casser le bitume des cours de récréation pour les végétaliser témoigne de ce besoin de les faire évoluer de manière à réduire le stress des élèves et améliorer leurs capacités cognitives. La nature dans les locaux, que ce soient des pots de fleurs ou l’odeur de lambris de pin, a également des effets réparateurs, qui s’ajoutent aux qualités environnementales sur la pollution et le climat.
Il est évidemment mieux d’être immergé dans la nature mais la science permet aujourd’hui d’en bénéficier à dose plus légère. Un bon usage des végétaux offre à la fois de réduire les nuisances, d’enrichir le paysage urbain, et de réparer, renforcer nos capacités mentales. Ce serait un péché de ne pas en profiter.
Aménageurs, maîtres d’ouvrage, concepteurs, architectes, la vertu est à portée de main. Pour des villes plus intenses !
Dominique Bidou
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*www.plante-et-cite.fr
** Aux Editions du Seuil