Parlant de l’opération pilote de premier programme de logements sociaux en développement durable à Paris (93 logements du studio au 5 pièves, commerces et crèche), l’architecte David Elalouf a, dans une «approche est à la fois architecturale et urbaine», associé procédés passifs et techniques actives. Une visite montre la pertinence de ses choix.
David Elalouf se souvient que lors de la première réunion de concours, l’OPAC de Paris avait expliqué vouloir réaliser ‘un projet pilote en développement durable’. «’Faites-nous des propositions’, nous a-t-on dit,» raconte-il aujourd’hui. C’est l’Atelier David Elalouf qui l’a emporté (ont participé à ce concours : Francis Soler, Beckmann N’Thépé, Vincent Cornu et Périphériques) mais le projet de concours a largement évolué au cours des études et les bâtiments ont été livrés en novembre 2008.
Il est vrai qu’en 2005, la prise en compte du développement durable – plus subtil assurément que la HQE et ses 14 cibles – n’en était qu’aux prémices. «Il y avait des aspects un peu mystérieux,» se souvient l’architecte désormais totalement converti. «Aujourd’hui, on ne peut plus penser sans inclure le développement durable. C’est une orientation complète de la pensée et cela a une incidence radicale sur la conception et la gestion de l’économie d’un projet,» dit-il.
Cela dit, pour les logements de l’impasse du Gué, il a fallu une solide relation de confiance et des «évolutions consenties» de la part de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre et des entreprises pour aboutir au projet final. David Elalouf prend l’exemple des meurtrières. «En 2005, il était encore couramment admis que les déperditions d’énergie passaient par les fenêtres, d’où ces fenêtres étroites que l’on trouvait partout et qui étaient celles de notre projet pour le concours. Il s’avère que c’était une erreur intégrale et que la fenêtre est une source de lumière, de chaleur. D’ailleurs le bâtiment le plus performant, sur les quatre du projet, est celui dont les appartements disposent de baies de 4m de large,» soutient-il.
Plus notable encore parmi ces ‘évolutions consenties’ le choix d’une faille entre les deux bâtiments au sud de la parcelle qui a pourtant pour conséquence la création de deux façades supplémentaires mais offre aux salles de bains et cuisine de presque tous les logements ventilation et lumière naturelles, qualifiées «d’avantages inestimables» par l’architecte. Ou encore ces étonnants réflecteurs qui permettent de capter les rayons du soleil et de les renvoyer vers les appartements.
D’ailleurs, insiste David Elalouf, «tout – notamment les façades habillées de béton poli blanc sur rue et bardage de fibres minérales ou d’aluminium en cœur d’îlot – est conçu pour réfléchir, absorber ou réverbérer les rayons solaires en fonction des heures du jour ; jardins, balcons plantés, loggias, terrasses végétalisées vivent et se colorent au rythme des saisons,» explique-t-il.
Une attention particulière a bien évidemment été portée sur les moyens de réduire les consommations de tous ordres (eau, chauffage, électricité) par la mise en œuvre d’une «enveloppe très performante». «Dans le même esprit, les choix énergétiques réalisés permettent une réduction des charges ainsi qu’une qualité d’habitation qui offre une approche plus écologique pour un habitat en ville,» explique-t-il.
Les moyens suivants ont, en particulier, été mis en œuvre : chauffage de l’eau chaude sanitaire assuré par des panneaux solaires en toiture, récupération des eaux de pluie à partir des terrasses pour l’arrosage et terrasses végétalisées. De plus, l’isolation des façades par l’extérieur et la ventilation double flux qui contrôlent la qualité de l’air à l’intérieur des logements se sont révélées, lors de la visite une froide après-midi de février, effectivement «très performantes» puisqu’il faisait bon, au sens de température agréable, dans ces logements pourtant encore inoccupés et aux radiateurs quasi éteints.
Au rez-de-chaussée, les jardins sont en pleine terre pour favoriser une absorption des eaux de pluie. D’autre part, les bâtiments sont accessibles de plain-pied sans aucun dénivelé malgré la topographie du site. A noter également que chaque locataire sera doté d’un ‘Livret du locataire’ donnant le mode d’emploi du logement en termes de développement durable pour initier une approche participative.
Pour finir avec l’aspect développement durable (mais on en oublie sans doute), quelques trouvailles ont influencé la conception des immeubles. Citons notamment les écailles qui permettent de récupérer l’eau de pluie avant qu’elle ne ruisselle sur les façades, ce qui devrait, à terme, permettre des économies de maintenance. Dans le même esprit, l’évacuation d’eau des balcons se fait le long d’une chaîne «archaïque», comme dans les maisons japonaises. Citons encore une volonté d’anticipation : ainsi des gaines sont d’ores et déjà installées pour des usages futurs encore indéterminés mais qui permettront, à l’avenir, de «casser un logement complet sans endommager les structures». Enfin des volets coulissants en alu sur rue, outre leur aspect esthétique, renforcent l’isolation acoustique, le bruit passant souvent à travers le coffre de volets roulants.
D’autres éléments ont influencé la conception de David Elalouf, notamment sa sainte horreur des logements en rez-de-chaussée et des espaces de service sur rue. Sauf que le programme ne demandait que des logements (et une halte-garderie). L’architecte a donc obtenu que le programme soit changé pour y inclure des commerces en rez-de-chaussée. Les failles inscrites dans les deux parcelles lui ont permis d’une part d’imaginer des galeries qui offrent des accès intermédiaires entre la rue et l’entrée de l’immeuble et, d’autre part, de localiser les espaces de services sans nuire à l’harmonie de la composition.
Concernant les logements, dont il existe quatre typologies. Dans leur majorité, les logements sont à double orientation et bénéficient donc d’une ventilation traversante naturelle. Dans les niveaux supérieurs, ils disposent tous d’une vue amplement dégagée sur l’Ouest parisien depuis le Sacré-Cœur jusqu’à la Défense. Par ailleurs «les logements sont conçus pour permettre les adaptations nécessaires à la prise en compte de toutes les étapes de la vie, de la jeunesse à la vieillesse : adaptation nécessaire en termes de domotique pour permettre le maintien à domicile des personnes âgées dans les meilleures conditions possibles,» relève David Elalouf. A ce titre, huit logements sont aménagés pour accueillir des habitants à mobilité réduite : domotique, automatisation de tous les accès, éclairages, volets roulants. «Le confort du logement est également appréhendé en toute saisons : confort d’hiver ou d’été ; le rapport à l’environnement extérieur est traité avec soin tant au niveau de l’éclairage naturel que des vues,» dit-il.
David Elalouf a su jouer des prospects et des gabarits, dans un programme d’une grande densité, pour une intégration du bâti réussie dans un paysage, Porte de la Chapelle, pourtant assez difficile. Le travail sur l’impasse destinée à devenir, un jour, une rue mérite enfin d’être signalé ; plantée de magnolias et de bambous, elle se prolonge latéralement par les galeries au rez-de-chaussée des bâtiments. De fait, la ville de Paris a d’ores et déjà manifesté la volonté de garder les jardins tels que conçus par l’architecte.
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 25 février 2009