Parmi toutes les contributions de la Conférence de consensus sur le logement, seule celle proposée par le Comité d’action de la Maison de l’architecture d’Ile-de-France, intitulée ‘Initiative Logement’, semble à la mesure de l’enjeu puisqu’elle ne propose rien moins que de déclarer le logement d’intérêt général. La transversalité et l’inter professionnalité de l’approche font tomber sous le sens la radicalité du concept. Explications.
La conférence de Consensus sur le logement’, lancée en décembre 2017 par Gérard Larcher, président du Sénat, et Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, avait vocation à appeler les professionnels du bâtiment à «co-construire le projet de loi logement Elan (pour Evolution du Logement, de l’Aménagement et de la transition Numérique».
Ce qui, traduit en termes d’administrateurs, donne par exemple «Propositions de modifications à la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social».
C’est dans ce cadre que Chroniques d’architecture s’était fait l’écho en janvier dernier des deux ateliers consacrés au sujet du logement menés par la Maison de l’architecture en Ile-de-France* en préparation d’une contribution à cette conférence, celle-ci étant désormais publiée sur le site du Sénat.
Le fond du projet de ce texte, signé du Comité d’action** de la Maison de l’architecture d’Ile-de-France conduit par Francis Soler, est de déclarer le logement d’intérêt général, et de le rapprocher de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977, étendue par la loi LCAP du 16 juillet 2017, déclarant d’intérêt général son caractère public. «L’architecture est une expression de la culture, le logement en est sa principale expression», soutiennent les auteurs.
«Aujourd’hui, chacun semble savoir ce qui fera le succès d’une opération de logements. Mais à interroger précisément chacun, on apprend vite que ce ne sont ni les mêmes critères, ni les mêmes objectifs qui président à ces déclarations. Ils sont tous différents, suivant qu’on les prend chez les élus, chez les aménageurs, chez les bailleurs, chez les promoteurs, chez les architectes ou chez les constructeurs. Ce qu’il s’agit de faire aujourd’hui, c’est de considérer que chacun a de bonnes raisons d’avoir raison mais qu’il s’agit surtout de rassembler, au plus vite et le plus efficacement possible, des ensembles de paramètres compatibles entre eux, au lieu d’essayer d’assembler le plus possible d’éléments, sans distinction de priorités», explique Francis Soler.
Ce pourquoi les deux ateliers avaient rassemblé des professionnels de toutes obédiences, aménageurs, promoteurs, bailleurs institutionnels, politiques, constructeurs, ingénieurs, notaires, chercheurs et architectes. Il y avait même des journalistes.
De fait, pour ce que j’ai pu lire des autres contributions (voir par ailleurs), cette ‘Initiative Logement’ est la seule à apporter une vision transversale de la politique à mener (et c’est aussi l’un des documents les plus copieux). En témoigne la proposition originale de deux lexiques issus de ces ateliers interprofessionnels. Accepter de partager un vocabulaire commun est le premier pas pour se comprendre. Il ressort encore de cette vision que tous les participants à l’origine de cette proposition semblent penser pouvoir parvenir à retrouver leur intérêt propre sous l’enseigne du logement déclaré d’intérêt général. Il y aurait donc de la place pour une politique du logement qui dépasse le cadre strict des compétences et intérêts de chacun.
Cette transversalité d’approche a d’ailleurs mis en exergue le fait que le champ du logement couvre en réalité un vaste ensemble de sujets : des origines de la décision de bâtir, à la recyclabilité des immeubles, des problématiques d’usages à celles de la fiscalité et du foncier, etc. C’est la démonstration que le logement n’est pas un enjeu social mais de société. Régler le problème du logement c’est lever par voie de conséquence un grand nombre d’obstacles au dynamisme du pays. Difficile en effet pour lui de se projeter dans l’avenir quand le salaire d’un prof à plein temps en Ile-de-France ne couvre même pas le montant de son loyer.
Toujours est-il que le texte avance dix propositions majeures*** installées sur trois échelles d’intervention (le territoire, le quartier et le logement) et considérées comme les marqueurs les plus importants de la démarche. Parmi elles, certaines peuvent surprendre, comme cette volonté de créer six Unités Territoriales-Logement, «afin que les caractéristiques économiques, sociales, géographiques, écologiques et climatiques de chaque région, définie au titre du Logement, soient clairement identifiées et permettent d’engager des dispositions de construction et d’aménagement distinctes, région par région. Ces unités auraient toute autorité sur toutes les directions en région et en département». Un nouvel étage de la pyramide ?
En revanche, la création d’un Commissariat au logement qui serait une structure interministérielle, placée sous l’autorité du Premier ministre, permettrait de résoudre cette vieille question de savoir où mettre l’architecture puisqu’en réalité elle est partout, aussi bien dans les différents ministères engagés dans l’acte de construire et d’aménager que dans ceux de la transition écologique et énergétique. Et celui la culture bien sûr.
Les autres propositions sont plus ou moins audacieuses ou convenues selon le point de vue.
Pour autant, toutes tendent vers cette idée de déclarer le logement d’intérêt général. «La loi du 3 janvier 1977, déclarant le caractère public de l’architecture d’intérêt général fut prolongée par la loi sur la Liberté de création architecture et patrimoine (Loi LCAP) du 16 juillet 2017. Ensemble, elles constituent le cadre le plus élémentaire qui soit pour que le Logement, qui est l’expression principale de l’architecture, dans cette période nouvelle, soit accompagné des meilleures dispositions possibles pour atteindre l’objectif qu’on lui fixe», conclut Francis Soler.
Encore faut-il que la loi MOP, déjà moribonde, survive à la nouvelle loi ELAN…
Christophe Leray
*Conférence du consensus dédiée au logement : carte de vœux à la Prévert
**Travail mené par Francis SOLER, dans le cadre de LA MAISON de L’ARCHITECTURE d’ILE DE FRANCE, présidée par Dominique BORE, avec le Comité d’ACTION LOGEMENT composé de Patrick RUBIN, Olivier LECLERCQ, Guillaume SICARD, Marc SIRVIN, Francesco MARINELLI et Sébastien VAN CAPPEL
***Découvrir l’intégralité du document http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/evenement/loi_logement_2017/contribution_Maison_Architecture_IDF.pdf