«Qu’est-ce qui vous a poussé à photographier l’architecture ?» On me pose souvent la question, à laquelle il est toujours difficile de répondre en deux mots.
Bien sûr, j’aime l’architecture, la regarder, la visiter. J’aime en entendre parler par les architectes, essayer de comprendre les tenants et aboutissants d’une réalisation. J’aime quand ils découvrent leur travail sous un jour nouveau à travers mes photos… Oui, ce sont de bonnes raisons suffisantes pour qu’un photographe se tourne vers l’architecture.
Il y en a d’autres, pas forcément importantes, assez égoïstes pour certaines, mais qui font aussi le quotidien de notre métier. Alors, pourquoi la photo d’architecture, activité discrète et solitaire ?
Pour les petits hasards qui viennent parfois égayer une prise de vues : mise en place, cadrage.
J’avais demandé à une jeune stagiaire de se poster dans la bulle de l’étage, je n’attendais plus qu’un(e) passant(e) pour meubler le premier plan. Elle est arrivée vêtue des mêmes couleurs que cet intérieur, inespéré…… Merci à elle, qui avait si bien choisi ses vêtements ce matin-là.
Pour les décors paradisiaques où l’on opère parfois. Soyons sincères, certains lieux sont plus gâtés que d’autres ! Un cocktail au bord de la piscine pour attendre la bonne heure, et le travail commence… Petit clin d’œil à Julius Schulman et aux villas modernistes.
Pour le plaisir d’un ciel de nuages qui semblent pousser l’architecture dans son élan, accompagner le vaisseau dans son désir de s’émanciper de sa passerelle.
Pour la possibilité de visiter des réalisations sans la foule des soirs de représentations, s’imprégner des lieux dans un silence apaisant.
Pour les couleurs. Quand un architecte ose les couleurs, il faut s’amuser avec et les traiter comme un sujet. Attendre que la façade soit à l’ombre pour éviter tout reflet de lumière, et ne pas oublier ce petit banc d’un autre âge qui plairait certainement à François Scali.
Pour le sentiment confus d’être dans un endroit insolite : dimanche, 7h sur le chantier, le froid du matin et le pont de Normandie encore éclairé pour quelques minutes. Le lieu n’est peuplé que des engins de chantier et des palettes de matériaux… Une belle journée qui s’annonce.
Pour le plaisir d’attendre, cadrage effectué, le retour des locataires, voir les intérieurs s’éclairer un par un et décider que c’est le moment de déclencher.
Pour la convivialité et l’excellent couscous pris avec les architectes entre deux séances de prises de vues…
Pour témoigner, enfin, de ce qui a été. Dernier jour d’exploitation pour cette piscine Tournesol, qui a abrité tant d’apprentissages, aquatiques et sûrement amoureux, et qui demain ne sera plus qu’un souvenir pour les enfants du XXe siècle.
Pour toutes ces raisons, et sans doute bien d’autres encore…
Guillaume Jouet
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