Après la publication le 12 janvier 2021 de notre article intitulé Profession de foi d’un architecte-chercheur et d’un promoteur ! Fake news ?, la rédaction a reçu le droit de réponse suivant.
Madame, Monsieur,
Architectes et promoteurs, comprendre l’autre pour mieux défendre la qualité du logement ?
Sous le titre « Profession de foi architecte chercheur promoteur. Fake news? » vous publiez le compte rendu d’un échange entre Jean Raphael Nicolini, promoteur, et moi-même, architecte, autour de la question des logements en promotion. Cet échange était parrainé par le think tank IDHEAL, récemment fondé et animé par Catherine Sabbah. Les propos tenus par l’auteur de l’article, qui signe courageusement « Slim », m’obligent à réagir dans un droit de réponse.
Le ton du compte rendu peut se résumer en cette phrase : « En guise de nouvelles idées, IDHEAL semble passé maître dans le concours d’inepties tant, au vu de cet article, elles sont nombreuses à nourrir les « réflexions » de cet institut de haute volée ». Dans la suite de son texte, l’auteur semble vouloir nous montrer qu’il excelle dans le même exercice.
Ainsi dès le départ, Slim affirme qu’on n’aurait pas besoin d’un nouvel acteur dans le débat sur le logement, car pour l’expertise, le laboratoire LAVUE et le Centre de Recherche sur l’Habitat feraient autorité en la matière. Circulons, il n’y a rien à voir. Pourtant, l’accolade est méritée. En tant que doctorant de ce laboratoire je sais l’exigence des chercheurs du LAVUE ainsi que celle de leurs collègues d’autres structures de recherche. Cependant, je crois qu’aucun d’entre eux ne souscrirait à l’idée que ce vaste champ d’expertise puisse être monopolisé. Ce n’est d’ailleurs pas le positionnement d’IDHEAL qui se veut un contributeur mais aussi un acteur de la diffusion de la recherche. La liste de ses partenaires montre bien qu’il cherche à se positionner au carrefour des idées plutôt que dans un « camp » ou un autre.
Les « inepties » que l’auteur de l’article pense démasquer sont d’ailleurs des résultats de recherche connus qui ont été produits, entre autres, par des chercheurs du LAVUE. Prenons la question du parking, identifiée déjà par Christian Moley depuis les années 2000. Slim argumente que la norme des parkings est bien moins restrictive et que des solutions techniques existent pour opérer des transferts de charges. Certes d’autres configurations de parking sont possibles, mais la configuration en épi est la plus compacte et sera préférée pour réaliser un minimum de sous-sol. La dalle de transfert qu’il évoque nécessite des surcoûts que les promoteurs n’acceptent que si les prix de sortie sont élevés. Et, soit dit en passant, le P de NFP ne vient pas de parking comme l’auteur veut nous l’apprendre mais de l’indice qui désigne les normes en bâtiment.
N’en déplaise à Slim, le dimensionnement du parking n’est pas « une question d’un autre temps ». Tout en étant une question ancienne, elle continue d’informer la morphologie de l’immeuble comme le rendement de plan ou la diminution constante des surfaces pour des raisons de solvabilisation. Faire du « jeunisme » dans la recherche n’a aucun sens. Le fait que ces principes agissent depuis des décennies ne doit pas masquer le fait qu’aujourd’hui ils pèsent lourd sur la qualité des logements et qu’on atteint des limites d’acceptabilité. Car de mon point de vue, ni la taille, ni la mono-orientation de ces logements ne sont une fatalité.
Je ne poursuivrai pas dans la liste de sujets que, malheureusement, l’auteur malmène, comme l’accessibilité des toits au croisement entre norme technique et règle urbaine. A faire briller sa plume, Slim masque le fait que l’échange avec Jean Raphael Nicolini allait dans le sens d’une critique des conditions de la production contemporaines. Nous nous accordions sur l’idée que la moindre qualité du logement n’est pas la faute des normes, ni des charges foncières élevées, mais d’un système de production. Dans ce système de fabrication urbaine, des raisons de rentabilité transforment des exigences normatives minimales en niveaux de qualité plafond.
C’est donc bien un problème de « fabrique urbaine » qu’il nous faut corriger. Pour avoir un début de solution, il nous faut comprendre les positions de chaque partie prenante. La caricature des promoteurs sans culture architecturale et des architectes ignorants de la chose économique est trop simpliste. Aussi imparfait qu’il a pu être, notre dialogue cherchait à dépasser les divergences réelles qui les architectes et les promoteurs rencontrent dans leurs pratiques pour chercher des premiers points de contact.
Car pour que nous ayons enfin un débat public sur la qualité de nos logements la première condition est de vraiment écouter ses interlocuteurs. En commençant par exemple par écouter la conférence mise en cause, facilement accessible sur le site d’Idheal.
Alexandre Neagu, architecte DPLG, doctorant CRH/LAVUE
Le 19 janvier 2021
La rédaction : Cet article n’est pas un compte rendu de vos échanges avec Jean Raphaël Nicolini. Les « inepties que je tente de démasquer » proviennent d’un article publié dans Libération (10/12/2020) intitulé Pourquoi les logements neufs, sont petits et mal fichus dans lequel vous êtes cité.
L’article vous présente en tant qu’Architecte chercheur : « Alexandre Neagu, architecte et enseignant à l’Ensa de Montpellier et à Paris-Nanterre, est le chercheur ». Il ne mentionne pas votre rôle dans le centre de recherche CRH-LAVUE tandis qu’une recherche sur les sites des écoles concernées ne mentionne pas votre nom.
Slim