Dans le secteur Chapelle International à Paris (XVIIIe), les agences Jacques Moussafir Architectes (mandataire) et Nicolas Hugoo Architecture (associée) ont livré en 2021 pour la RIVP maître d’ouvrage, dans un budget d’environ 20M€, 105 logements dont 40 logements sociaux (G1) et 65 intermédiaires (G2), ainsi que 19 SOHO (small office/home office), deux commerces et 83 places de parking. Communiqué.
Le cahier des prescriptions urbaines de l’AUC définissait de façon assez précise les gabarits enveloppe des trois entités de l’îlot G, en insistant sur la différenciation urbaine et architecturale entre « un monde bas unitaire » et « un monde haut diversifié ». Le projet s’inscrit dans cette dialectique en ajoutant à l’opposition du socle et des tours celle de deux plots différenciés du point de vue de leur expression tout en partageant des principes architecturaux et constructifs communs, comme la compacité et la rigueur géométrique, le principe de réversibilité et celui de différentiation et d’identification des logements.
Le socle
Abritant les parties communes des deux plots ainsi que 19 SOHO et deux commerces aux angles sud-est et sud-ouest, le soubassement intègre l’îlot à son contexte tout en ménageant des transparences, laissant entrevoir les patios en cœur d’îlot depuis les venelles nord et sud. Une façade périptère ceinturant l’îlot contient et unifie des programmes et des typologies différentiés à l’intérieur de son périmètre.
Faisant écho à la dissociation entre un monde bas et un monde haut, le socle s’organise autour d’une opposition entre la grille tramée continue et orthogonale en béton architectonique de la façade et un intérieur d’îlot fragmenté composé de volumes trapézoïdaux en quinconce revêtus de bardages en aluminium sur une ossature mixte bois/béton. Cette opposition de géométrie et de matière entre la sphère publique et la sphère privée est à la fois traditionnelle et parisienne en cela qu’elle rappelle le mode de constitution des places royales parisiennes.
La forme architecturale de cet intérieur d’îlot résulte d’une triple exigence :
– proposer une typologie spécifique avec de multiples variations en réponse au programme innovant des SOHO ;
– faire pénétrer un maximum de lumière naturelle pour compenser les effets de masque des immeubles voisins et proposer une forme de sociabilité en cœur d’îlot ;
– densifier le volume disponible dans le respect des règles du PLU avec l’ambition de proposer une cinquième façade qui perpétue l’esprit du lieu.
Une typologie spécifique
Le principe des SOHO est d’articuler, dans un volume en double hauteur attribué à un même bailleur, un local à usage professionnel et un logement attenant. Plutôt que séparer la zone professionnelle et la zone d’habitation comme c’est le cas dans la plupart des autres SOHO, le projet propose une typologie spécifique basée sur les deux principes suivants :
– assurer une continuité bureau/logement par une liaison physique et un traitement indifférencié des espaces ;
– proposer deux accès différentiés pour chaque entité de plus de deux pièces, avec un accès professionnel sur la rue et un accès privatif en intérieur d’îlot.
Les espaces dédiés à l’habitation occupent tous le centre de l’îlot, à l’étage pour les grands SOHO et au rez-de-patio pour les petites unités. Ils sont reliés aux espaces de travail situés au rez-de-chaussée sur rue par des escaliers intérieurs et bénéficient d’un accès indépendant par une coursive extérieure à l’étage, elle-même accessible depuis un hall dédié débouchant sur la venelle sud.
En permettant une certaine porosité entre des espaces relativement fragmentés, ce dispositif typologique induit un degré d’indétermination entre lieux de travail et d’habitation tout en garantissant un minimum d’intimité.
Lumière et sociabilité en cœur d’îlot
Les typologies proposées pour les SOHO se référent davantage à la maison de ville qu’à l’appartement de plain-pied, avec des prolongements extérieurs privatifs autour de six terrasses et six micro-patios disposés en quinconce de façon à faire pénétrer à travers de grandes baies vitrées un maximum de lumière naturelle dans un cœur d’îlot subissant les ombres portées des tours environnantes. En s’élargissant pour former des terrasses semi-privatives, la coursive génère un espace semi-public qui favorise une forme de micro-urbanité en même temps qu’il contribue à la respiration du cœur d’îlot.
Densité vertueuse
Partant du principe que la densité est une qualité du tissu urbain parisien, nous avons travaillé l’épannelage de ce volume construit dans le but d’exprimer, à une micro-échelle, une densité aimable à l’image du Paris traditionnel, en proposant aux usagers des SOHO des prolongement extérieurs privatifs sur les terrasses et dans des micro-patios dont les dimensions (6 m x 4 m) résultent de l’application stricte des règles du PLU.
La cinquième façade est conçue comme une « nappe métallique » en aluminium nervuré perforé qui semble tour à tour extrudée pour former des toitures à pans coupés, ou emboutie pour générer des patios et des terrasses revêtues de caillebotis en acier galvanisé.
Ce jeu de toitures à pans inclinés n’est pas sans rappeler l’histoire du site, empruntant aux sheds ferroviaires leur volumétrie à l’image de la plateforme logistique toute proche.
Le plot G1
Le plot G1 propose une diversité de logements abrités dans une architecture aérienne ouverte sur le grand paysage parisien.
Le plan s’organise concentriquement autour d’un noyau de circulation verticale. La compacité des circulations permet une distribution optimum des appartements. Une première couronne à l’intérieur des logements regroupe les espaces servants. Entrées, salles d’eau et rangements occupent ainsi les espaces les plus éloignés des façades dans la profondeur des logements au profit des pièces de vie (séjours, chambres et cuisines) plus largement dimensionnées et ouvertes sur l’extérieur. Enfin, des prolongements extérieurs bordent les logements sur toute la périphérie du plot.
Le plot G2
La géométrie quasiment cubique du plot G2 (25m de côté par 30m de hauteur) génère un bâtiment extrêmement compact et profond. La compacité présente l’avantage d’économiser l’énergie en limitant les surfaces déperditives et de rationaliser la distribution, mais elle ne favorise pas l’apport de lumière naturelle ou la flexibilité des espaces.
La raison pour laquelle il est proposé une répartition programmatique et un schéma structurel concentriques autour de la polarité centre/périphérie. Les espaces servants des logements (salles d’eau, dégagements, rangements) sont dissociés des espaces servis (pièces à vivre avec leurs prolongements extérieurs) selon un schéma rigoureux et unitaire qui structure le plan à l’échelle du plot.