La Cité Internationale de la Tapisserie, au-delà des missions d’un musée, assure la préservation et la diffusion d’un savoir-faire vivant reconnu par l’Unesco en 2009 comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. C’est dire l’importance de cet équipement culturel qui, depuis l’époque où Colbert accorda à Aubusson le titre de Manufacture Royale, rayonne désormais internationalement.
Les architectes se souviennent d’André Lurçat (l’architecte continuateur de Mallet-Stevens) et de son frère Jean Lurçat, artiste emblématique de la tapisserie qui a su relancer la création aubussonnaise au milieu du XXe siècle. Le terrain avait été préparé par Antoine-Marius Martin, artiste délicat et talentueux, qui dirigea l’École Nationale d’Art décoratif d’Aubusson entre 1917 et 1930 et réforma son enseignement en profondeur. `
La Cité internationale consacrée au rayonnement de la tapisserie a été inaugurée par François Hollande et a ouvert ses portes le 10 juillet 2016 dans le bâtiment de l’ancienne école (ENAD) réhabilité par l’agence d’architecture Terreneuve. Le bâtiment offre des galeries d’exposition de 1 200 m², un centre de formation aux métiers de la tapisserie et une plateforme de création contemporaine et d’innovation, ainsi qu’une bibliothèque constituée de 18 800 ouvrages, de fichiers d’artistes, thématiques ou topographiques, de fonds iconographiques ou audiovisuels et d’archives, qui en font le premier centre de ressources sur la tapisserie en Europe.
Terreneuve s’est attaché à remodeler les anciens bâtiments de l’école (ENAD) pour ouvrir la Cité vers la ville. Mettre en communication l’avant et l’arrière du bâtiment, via un unique hall d’entrée, impliquait de redessiner le profil du socle. Côté est, un parvis ouvert remplace l’ancienne cour fermée de l’École. Côté ouest, le creusement d’un jardin clos en pente relie en douceur le hall d’entrée et le parking créé dans le haut du terrain. La Cité s’ouvre ainsi sur la ville en bénéficiant d’un double accès traversant avec un accueil unique et central. La démolition partielle du plancher haut dégage une double hauteur libre pour la présentation de tapisseries.
Creusé sous l’aile ouest du bâtiment, à l’emplacement de l’ancien préau de l’école, le volume libre de la nef des tentures, de sept mètres de haut et plus de douze mètres de large, a constitué le principal enjeu constructif. Des portiques en béton armé remplacent le quadrillage de la trame de poteaux tous les quatre mètres pour supporter les étages supérieurs, Au lieu d’ajouter une extension neuve contemporaine démonstrative, l’inscription de l’ensemble des espaces de la Cité à l’intérieur de l’épure emblématique de l’ENAD préserve les emprises libres des espaces extérieurs ainsi que l’économie du projet.
Métamorphose des façades
Le choix de réhabiliter le bâtiment de l’ENAD induisait la métamorphose de ses façades afin d’atteindre les performances thermiques exigées et impliquait de redessiner son image.
L’ajout d’une isolation thermique et d’une protection solaire extérieure généralisée permet ainsi de conserver les menuiseries PVC à double vitrage en bon état, installées lors d’une précédente rénovation.
L’utilisation du pin Douglas de provenance régionale s’est imposée pour ses qualités de résistance sans traitement chimique et sa texture vivante. Il rappelle aussi les pièces de bois des métiers à tisser. Le motif coloré, créé par Margaret Gray pour ce projet, est imprimé sur une toile en grille polyester enduite à 30% de transparence. Pendant les études, la tenue dans le temps de l’impression par la résistance des encres à l’ensoleillement a été testée en laboratoire.
Le projet explore les relations entre architecture et tapisserie. Dès le concours, l’idée d’utiliser les façades comme support de la nouvelle identité du lieu s’est imposée. Massif et situé à flanc de colline, le bâtiment accroche le regard lorsqu’on se promène au bord de la Creuse ou sur les hauteurs d’Aubusson. Le « poids vertical », à l’image du « tombé » des tapisseries, a été le thème fondateur du projet graphique des façades.
La gamme chromatique est issue d’une recherche menée à partir de la collection de la Cité. Un ruban continu, unique, se déroule tout autour du bâtiment, tout en introduisant des nuances selon les façades. De multiples études et plusieurs prototypes ont été réalisés afin de trouver la bonne échelle du motif et le bon rythme en fonction des différents espacements des lames de Douglas, la vibration des ombres démultipliant les variations de teintes.
A la fin, la volonté d’unité autour de la Cité « cathédrale », verticale et gravitaire telle une tenture, a été décisive. Le ruban chromatique se retrouve par la suite dans l’identité graphique de la Cité.
Après plusieurs années de fonctionnement, le bâtiment a trouvé son inscription dans la petite cité. Pour rajeunir son image en 2021, la Cité internationale de la tapisserie a décidé de réaliser cinq tapisseries monumentales tirées des films d’animation du réalisateur japonais Hayaho Miyazaki. La visite du musée est passionnante. Dommage qu’Aubusson, dans la Creuse, soit un véritable cimetière ferroviaire, accessible en 5h30 depuis Paris, avec changement à Limoges et Guéret !
Jean-Claude Ribaut
En savoir plus à propos de ce projet : A Aubusson, de l’ENAD à la Cité de la tapisserie par Terreneuve