Pin Douglas, DJ, Yoga, et tisane ! La messe est dite : l’architecte mange des graines, devient chamanique façon look taliban avec longue barbe blanche et pratique la résilience jusqu’à la soumission définitive avant fermeture du bar ! Chronique énervée de Rudy Ricciotti, Grand Prix National d’architecture.
Les maîtres d’ouvrage ordonnent le bois tous azimuts sans véritable expertise du gain environnemental. Avec des appels à candidature où il faut exclusivement avoir déjà réalisé des ouvrages bois pour pouvoir avoir la chance d’être invité à proposer en bois. La brutalité de ces exclusions donne une idée du déficit de conscience économique et sociale de la transition écologique de la part de ceux qui ont un salaire garanti à vie.
Les architectes se taisent, ont peur, et rasent les murs.
L’infantilisation de notre métier progresse. Dans les jurys les architectes conseils deviennent délateurs. Avec le sourire bienveillant et sardonique de la Joconde, ils signalent, comme des indics, que le candidat est soit un hystérique du béton, soit un pornographe de l’acier ou un anthropophage du verre. Nous sommes donc neuro-programmés de l’intérieur sans autre issue que de se soumettre.
L’entrée du tunnel est à portée de vue. Lâcheté et collaboration devraient interpeler l’archange Gabriel afin de nous rappeler les codes d’honneur de notre métier.
Évidemment les architectes opèrent avec toutes les matières connues : pierre, bloc, brique, charpente, bétons au sens large, armé, précontraint, à ultra-haute performance, projeté en réparation, ou encore béton de chanvre, béton de terre etc… et même du bois de qualité durable ; c’est-à-dire dur et dense.
Cependant, au cœur des reproches, le béton aurait une empreinte carbone critiquable, c’est vrai mais pas d’avantage que l’acier, le plastique, l’aluminium, le verre, l’inox et tous les matériaux recomposés par hybridation de ressources, en masse consommés.
Les choses changent rapidement. La matrice cimentaire se fabrique aujourd’hui avec les déchets, notamment de l’industrie sidérurgique. Les bétons actuels peuvent être décarbonés… mais il faut mieux faire… le processus de recyclage des agrégats est lui très engagé. Surtout en France.
Le futur c’est le recyclage, la réutilisation ou encore mieux, l’écologie industrielle, comme la pratiquaient déjà les romains il y a 2 000 ans.
De nombreuses nouvelles entreprises, françaises, activent en recherche et développement aujourd’hui un arsenal de technologies environnementales suivant la voie de nos ancêtres bâtisseurs.
Là est le futur, recycler les poubelles de nos industries comme nous le faisons pour les déchets alimentaires. Si nous construisons demain avec nos déchets, nous réduirons de façon radicale notre empreinte environnementale (gaz à effet de serre, épuisement des ressources naturelles).
L’excellence de la science et de l’ingénierie française apportera la solution. Faut-il encore que les nuisances de la bureaucratie dans notre écosystème humain puissent permettre malgré tout d’exploiter les travaux hérités de nos prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak sur l’organisation des matériaux granulaires, et nous permettent de fouiller la physique des solides en faisant nos poubelles (laitiers des hauts fourneaux, fumée de silice, déchets de carrière, déchets peu recyclables issus de matériaux légers de la déconstruction, déchets agricoles, terre décolorée, déchets agricoles, cosses de riz, chanvre, sédiments marins surabondants, etc…).
L’empreinte environnementale est un vrai sujet intégrant les facteurs économiques, culturels, sociaux et les mémoires territorialisées dans un lien de proximité. C’est ce que l’on appelle l’écologie humaine et faiseur de cohésion sociale.
Force est de constater que les attaques érigées au rang de doctrine officielle contre le béton relèvent de lobbying anglo-saxon avec en ombre portée les manipulations économiques et éthiques qui vont avec.
De la même manière, alors que les lobbys capitalistes étaient derrière le béton, il est aujourd’hui plein pot derrière le bois et en particulier le pin douglas dont la filière de coupes rases et de monoculture produit un vrai désastre environnemental dans l’écosystème.
Quand aurons-nous refusé cette hypocrisie de ne pas diviser l’empreinte par la longueur de durée de vie en œuvre ? D’intégrer les coûts de transport d’un matériau léger sur un poids lourd au gasoil pour livrer des charpentes préfabriquées venant de l’Est, où les salaires sont très bas, pour arriver à Toulouse ? Qui dénoncera que la loi sur l’ACV dynamique telle qu’exprimée aujourd’hui sent la manipulation pseudoscientifique orchestrée par les lobbys néocapitalistes du bois ?
Sommes-nous obligés d’accepter cette culture américaine du kit et du provisoire faisant de nous des minets en contre-plaqué ?
A quel moment, alors que la France pays forestier manque déjà de production, lèverons-nous le nez pour réaliser que la totalité des pays méditerranéens d’une surface équivalente à l’Europe n’ont pas de production forestière.
Il nous faut ne pas être autiste aux questions que nos amis du monde latin et arabe se posent. Ils ont déjà compris ; cette stratégie de culpabilisation est encore une domination impérialiste des économies libérales sur les plus pauvres. Mais cette fois avec le soutien doctrinaire et aveugle des pouvoirs publics. Le futur immédiat bilantera. La recherche française a d’autres ressorts, heureusement.
Rudy Ricciotti
Architecte