Pour Jean-Pierre Heim, joindre l’utile à l’agréable est un art de vivre. De l’oracle d’Amon dans l’oasis de Siwa au temple du crocodile jusqu’au monastère Sainte-Catherine, un voyage à travers les siècles et les spiritualités. Carnet de dessins.
L’accès à Siwa est difficile en voiture du Caire, surtout après avoir atteint Marsa Matruh. S’y rendre en avion est un privilège car il faut affréter du Caire un avion spécial qui atterrit sur un aéroport militaire. Le fait de se rendre en voiture donne cependant du sens au voyage tant la traversée d’un désert interminable est impressionnante.
Rejoindre Siwa est voyager dans un monde métaphysique. « Quand le ciel rencontre la montagne, quand les étoiles touchent votre âme, quand la beauté fait exploser votre cœur… vous êtes arrivés à Siwa », dit le poète.
Dr. Mounir Neamatalla, fondateur de l’agence EQI et écologiste pionnier, dans cette oasis en développement, a atteint un niveau d’élégance et de simplicité avec la création d’un éco-lodge mystique, sophistiqué et élégant. Le paysage est à couper le souffle, des milliers de détails expriment avec intelligence et simplicité l’architecture vernaculaire. Pas d’électricité, pas de plastique, pas de moteur d’aucune sorte, pas de télé… juste vous et la nature.
Et quand entre deux montagnes vous recevez un signal 3G, c’est comme recevoir un message « hors du monde » …
Le temple d’Amon fut érigé à partir du VIe siècle avant Jésus-Christ et persista plus ou moins glorieusement jusqu’au VIe siècle après. A sa grande époque, il était aussi célèbre que celui de Delphes. Ce petit temple était donc un des plus grands sites sacrés du monde antique.
Parmi les pèlerins venant le consulter, se trouvaient des Egyptiens, des Berbères et des Grecs.
Les Berbères/Tehenou étaient des locaux mais aussi des habitants de la Lybie actuelle, la Cyrénaïque.Les Grecs pouvaient aussi venir de Cyrénaïque et plus généralement de l’ensemble du monde méditerranéen, après sa conquête par Alexandre.
Pourquoi à Siwa ?
Siwa est remarquable pour ses étendues d’eau et ses lacs salés. Les Egyptiens ont peut-être rapproché cette eau mystérieuse « Aman » de leur dieu Amon « le caché », dieu possédant un caractère aquatique en lien avec l’inondation.
Il existe une pièce au-dessus du sanctuaire, sans accès connu. Et d’imaginer que les réponses données aux fidèles étaient prononcées par un prêtre caché dans cette pièce. En d’autres occasions, les oracles avaient lieu lors des processions : la statue du dieu dans sa barque répondait oui en avançant ou non en reculant, comme à Thèbes. Dans un cas comme dans l’autre, les oracles étaient rendus par les prêtres.
Le plus célèbre pèlerin de l’oracle de Siwa fut Alexandre le Grand, le fondateur d’Alexandrie qui avait besoin de se faire reconnaître comme roi par les Egyptiens. Peut-être pour connaître l’avenir de son empire ?
Retraverser le désert et retrouver le Nil avec Kom Ombo, le Temple du Crocodile
Debout sur un promontoire du Nil, Kom Ombo est l’un des plus beaux temples d’Egypte. Construit par Ptolémée VI et décoré par le père de Cléopâtre VII 180-47 av., il est dédié à deux dieux : Sobek le dieu Crocodile et Horoeris signifiant Horus l’ancien (le dieu à tête de faucon). Le temple est l’un des plus récents construits et situé à 40 km d’Assouan.
Les crocodiles sont rares maintenant sur le Nil, retenus sur le lac Nasser et par les cataractes soudanaises du Nil nubien.
A l’autre bout du pays, après un désert différent, le Sinaï, le monastère Sainte-Catherine est un autre de ces lieux singuliers encore préservés.
En août 2021, dans le cadre d’un projet de développement d’un eco-lodge, projet soutenu par les Nations Unies, le monastère recevait le ministère de l’Environnement égyptien et un représentant international d’EQI. Je participais à cette visite à l’invitation du Dr. Mounir Neamatalla. L’objet des discussions est de considérer une architecture permettant de parfaitement préserver l’environnement tout en offrant aux visiteurs une qualité d’accueil.
La construction du monastère date de 530 de notre ère, lorsque l’empereur byzantin Justinien Ier, après des plaintes d’incursions de voleurs de la part des moines ermites qui s’y étaient installés, a fortifié le site traditionnel du buisson-ardent observé par Moïse sur les pentes inférieures du mont Sinaï (Je cite Wiki). Epargnés par les musulmans, les moines, selon la tradition, se sont conciliés avec les envahisseurs en érigeant la petite mosquée à l’intérieur des murs où les Arabes bédouins locaux prient encore.
Sainte-Catherine a conservé une grande partie de son apparence originelle, les murs de granit gris d’origine sont toujours debout, tout comme l’église dédiée à la Vierge Marie, construite à la même époque.
Jean-Pierre Heim, architecte
“Travelling is an Art” – Décembre 2021
Retrouver toutes les chroniques de Jean-Pierre Heim