Fin avril 2023, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), l’agence CoBe a ouvert les portes de son chantier du village olympique, offrant un aperçu du projet qui incarne l’excitation et les promesses des Jeux à venir. Le lot E, dont la livraison complète est prévue pour le 1er mars 2024, représente une étape clé dans la concrétisation de cette vision architecturale ambitieuse. Découverte.
La visite de presse commence par une mise en conditions. Chaussures de chantier, gilet, casque et lunettes sont obligatoires. A entendre le fracas qui se dégage de l’immense complexe aussi impressionnant qu’encore boueux, rien de plus normal. Nous déambulons sous un vent glacial.
Situé à la charnière entre le futur Hub Pleyel et le tissu du Vieux Saint-Ouen, le lot E représente la partie habitée et la plus domestique de l’opération entièrement imaginée pour devenir un quartier optimiste intégré à la ville de Saint-Ouen et à l’ensemble du territoire de Plaine Commune.
Ici, trois immeubles aux structures différentes sont réalisés par CoBe, formant le lot E2B. Bois, terre cuite et métal s’entremêlent dans un ensemble aux couleurs beige pâle. « 80% du bois est français » est-il précisé.
Le planning est serré d’autant que les travaux de réversibilité devront débuter dès novembre 2024, à l’issue des jeux. De fait, les ouvriers s’activent. Et pour cause :
« Avec 14 500 athlètes et 9 000 para-athlètes, le village sera très vivant. Mais il faut aller vite. Nous devons livrer 230 000 m² en quatre ans au lieu de 15 en général », souligne l’agence. Et ensuite, une fois les Jeux oubliés ? « Avec 25% de logements sociaux et 50% de logements intermédiaires, le village aura un impact significatif sur le quartier et contribuera au développement économique, à l’aménagement du territoire, à la préservation du patrimoine sportif et culturel, ainsi qu’à la cohésion sociale, laissant un héritage positif et durable pour la communauté locale », expliquent les architectes. Réponse attendue, sinon classique, néanmoins prometteuse.
Les ascenseurs n’étant pas encore en service, nous montons les onze étages qui nous séparent de l’appartement témoin, lequel ferait pâlir d’envie n’importe quel étudiant ou couple parisiens. Rien de sensationnel pour autant. Le but n’est pas d’en mettre plein la vue – même s’il y a la vue – mais d’optimiser au maximum l’espace restreint. Équation apparemment résolue à la découverte d’un logement d’une cinquantaine de mètres carrés bien agencé et accueillant.
Évidemment, l’appartement ne devra en aucun cas être énergivore ! Le plancher est réversible et un système de chauffage urbain fait également office de climatisation naturelle l’été. « En été, il fera toujours six degrés de moins dans le logement qu’à l’extérieur, ce qui est rassurant en cas de canicule », explique notre guide.
Avec un taux de carbone de 700 kg par mètre carré, le projet de construction présente par ailleurs une empreinte carbone relativement faible, démontrant ainsi l’engagement de CoBe envers la durabilité environnementale.
D’ici-là, pour les athlètes et plus tard pour les usagers des studios, l’agence propose une mise en commun de l’espace avec à chaque étage, une salle à manger, une laverie et une salle de sport. Un véritable rêve d’étudiant à des années-lumière des logements du CROUS ! En plus de ce confort, les résidents auront un accès direct à la terrasse collective faisant la jonction entre les immeubles. Il est aisé d’imaginer les cadres dynamiques pianotant au soleil sur leur dernier iPhone, Ray-Ban sur le nez, moccachino à la main. Avec vue sur le Stade de France par-dessus le marché.
Cependant, derrière cette vision séduisante se pose la question de la gentrification. Alors que les quartiers nord de la capitale connaissent déjà des transformations rapides, l’arrivée d’un projet d’une telle envergure ne risque-t-il pas d’accentuer un phénomène inévitable ? Si l’opération est un succès, les prix de l’immobilier ne manqueront pas d’augmenter, entraînant le départ des habitants historiques du quartier et favorisant l’installation d’une population plus aisée et ce, quelle que soit la bonne volonté des acteurs impliqués dans le projet d’ouvrir le chemin vers un melting-pot.
Finalement, si le village représente une réelle occasion de développement urbain ambitieux – une gageure pour les villages olympiques si l’on se fie à l’histoire – il pose aussi un défi en termes d’impact sur la communauté locale. En effet, c’est un paradoxe, plus le projet sera réussi et mieux les architectes auront fait leur travail et plus important et profond sera le bouleversement sur la démographe de tout le territoire.
Comment s’assurer que cet héritage olympique demeure véritablement inclusif, durable et bénéfique pour tous les habitants du quartier et pas seulement pour les néo-bobos ? CoBe a fait au mieux, passé la livraison des ouvrages, la suite ne lui appartient plus.
Kyrill Kotikov
Lire la présentation (2019) du projet : Village Olympique : le projet Nexity/Eiffage coordonné par CoBe et KOZ
Découvrir plus avant le travail de CoBe